Quatre porcs ont été soumis à un test consistant à envoyer une cible sur des objets. Malgré leur habilité plutôt limitée, les animaux ont un taux de réussite conséquent qui reflète une réelle intelligence.
Si la première étude certifiée sur les capacités cognitives des cochons remonte à 1915, historiquement, les animaux d’élevage ont souvent été peu considérés par les chercheurs. Les choses changent depuis quelques décennies, principalement pour des raisons économiques et quelquefois éthiques. Les cochons bénéficient de ce regain d’intérêt. Ainsi, des études confirment de belles facultés. L’une d’elles démontre que les cochons peuvent jouer à des ersatz de jeux vidéo.
Hamlet, Omelet, Ebony et Ivory
En réalité, cette conclusion n’est pas nouvelle : une étude similaire avait déjà été menée en 1997 sur un seul porc, Hamlet. Des chercheurs de l’université de Géorgie ont réitéré l’expérience avec quatre animaux : deux porcs Yorkshire, Hamlet (pas le même) et Omelet, ainsi que deux porcs Panepinato nains, Ebony et Ivory.
Via un apprentissage fondé sur le renforcement, les quatre animaux ont été entraînés pendant plusieurs semaines à manipuler un joystick avec leur groin dans un test baptisé SIDE. Ils devaient déplacer un curseur vers un bord de l’écran puis vers des structures de plus en plus petites. Une fois la cible atteinte, la collision déclenchait un son et récompensait l’animal avec de la nourriture. À l’inverse, les cochons n’obtenaient rien si le curseur filait vers le côté vide de l’écran. À l’origine, cette épreuve a été imaginée pour mettre à l’épreuve des primates.
Globalement, les quatre cochons ont obtenu des taux de réussite nettement supérieurs au hasard. Ivory s’est montré particulièrement compétent et fait figure d’élève modèle. Le bonnet d’âne revient toutefois à son homologue Ebony, lequel a été incapable d’envoyer le curseur vers le bord droit de l’écran au moins une fois.
L’auteur principal de cette étude, le Dr Candace Croney, également connue pour ses travaux sur la cognition des chimpanzés, explique : « Il y a beaucoup d'autres exemples, scientifiquement parlant, où les porcs ont montré qu'ils sont capables d'un apprentissage assez intéressant. Mais ce type d'interface informatisée est vraiment différent. Ce n'est pas une mince affaire pour un animal de saisir le concept que le comportement qu'il adopte a un effet ailleurs. Le fait que les porcs puissent faire cela devrait nous faire réfléchir à ce qu'ils sont capables d'apprendre et à l'impact qu’un apprentissage peut avoir sur eux. »
Pas facile de remplacer des mains par un groin
En outre, les porcs ne sont pas aidés pas leur anatomie. Comme mentionné plus haut, ce test est principalement destiné à des primates quadrumanes. Ainsi, il exige une compréhension conceptuelle de la tâche mais également une certaine habilité. Contrairement aux singes, aucun des quatre cochons n’a pu aller au bout de l’expérience, qui consiste à viser de très petites cibles mobiles. Cet échec serait plutôt lié à des contraintes physiques plutôt qu’intellectuelles.
En effet, comme rapporté dans l’étude, les porcs ont une vision médiocre : « Il est impossible de savoir dans quelle mesure les porcs ont pu voir, et par la suite discriminer correctement les cibles. »
Pour ne rien arranger, « en raison de la position des yeux des porcs par rapport à leur museau, ils étaient souvent obligés de regarder l'écran avant de déplacer le joystick, puis de vérifier leur progression après le déclenchement du mouvement du curseur ». Cela « a probablement contribué à certaines de leurs erreurs car pour réussir, ils avaient besoin non seulement de dextérité et de compréhension conceptuelle de la tâche, mais peut-être aussi de mémoire à court terme ou de mémoire de travail (laquelle n'est pas bien développée chez les porcs). »
Enfin, pour ne rien arranger, la capacité de mouvements de tête et de cou limitait les animaux. Une donnée surtout prégnante pour les porcs Yorskshire, plus gros et souvent obligés de repositionner tout leur corps pour déplacer correctement le joystick. En pratique, ces derniers ont « systématiquement répondu par une série de mouvements ressemblant à un "v inversé" lorsqu'ils étaient confrontés à des cibles situées à droite ou gauche ». D’ailleurs, en raison de leur poids, Hamlet et Omelet ont participé à l’expérience pendant seulement 10 semaines, contre 15 mois pour Ebony et Ivory, de plus petits gabarits.
Des animaux sociaux
Cette expérience permet également à Candace Croney de réaffirmer l’importance des liens sociaux pour ces animaux. En effet, au cours de certaines séances, des pannes d'équipement empêchaient la distribution de friandises. Dans ces cas-là, les cochons « continuaient à donner des réponses lorsqu'ils étaient récompensés uniquement par un renforcement verbal et tactile ». En outre, lorsque l’exercice devenait plus difficile et que les porcs se montraient réticents à l'exécuter, seuls les encouragements verbaux de l'expérimentateur les incitaient à reprendre le travail.
Candace Croney conclut : « En fin de compte, je pense que le message à retenir est le suivant : nous n'avions aucune idée que les porcs étaient capables de faire un apprentissage conceptuel de ce niveau. Cela me force à être un peu plus prudente, et un peu plus consciente, de l'impact que j'ai sur un autre être sensible. »
Sources : Frontiersin.org, Vice.com