A l'heure où les jeux vidéo se veulent de plus en plus cinématographiques, on est souvent autant attentifs au gameplay qu'à la direction artistique lorsqu'on prend la manette en main. Les studios de développement en ont conscience, et embauchent des acteurs reconnus dans le milieu pour prêter leur voix aux personnages. Aujourd'hui, les comédiens de doublage américains ont conscience de l'importance de cet aspect au sein des jeux vidéo, et désirent donc être mieux considérés financièrement, en particulier lorsque les titres se vendent très bien.
Le SAG-AFTRA (Screen Actors Guild - American Federation of Television and Radio Artists), le principal syndicat des comédiens de doublage outre-Atlantique, s'est lancé il y a plusieurs mois dans la renégociation des droits des acteurs qui participent au doublage des jeux vidéo. L'accord initial avait été réalisé dans les années 90, et n'avait pas bougé depuis. En plus de 20 ans, de l'eau a coulé sous les ponts, et le syndicat a profité de l'expiration de l'accord le 31 décembre 2014 pour lancer une renégociation. L'une des principales requêtes du SAG-AFTRA : le versement d'un bonus aux comédiens de doublage lorsqu'un jeu dépasse les 2 millions de copies vendues. Un bonus qui se répéterait à chaque 2 millions de ventes supplémentaires. « Cela entraînerait potentiellement 4 bonus pour les jeux les plus lucratifs : à 2 millions, 4 millions, 6 millions et 8 millions de ventes. »
Seulement, malgré deux rencontres réalisées en février et juin avec de nombreux studios dont Activision, Electronic Arts, Disney ou encore Warner, aucun accord n'a été trouvé.
Un vote pour une grève
Face à cette situation, le SAG-AFTRA a décidé de réagir en proposant à ses adhérents de se mettre en grève. Le 16 septembre, le syndicat a ainsi envoyé à de nombreux comédiens de doublage une carte leur permettant de voter en faveur ou non d'un arrêt de travail. Pour que la grève se mette en place, il faut qu'au moins 75% des acteurs syndiqués y soient favorables.A en croire les réactions des intéressés sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter, le « Oui » à la grève semble être une tendance forte. Certains acteurs n'hésitent pas à revendiquer leur position à l'aide du hashtag #PerformanceMatters (« La performance compte ») : Parmi les partisans du « Oui », on trouve notamment Jennifer Hale (FemShep dans la trilogie Mass Effect), Wil Wheaton (Qui a notamment participé à Fallout New Vegas), Steve Blum (Call of Duty, Diablo III...), Ashly Burch (Tiny Tina dans Borderlands 2 et Chloe dans Life is Strange) ou encore David Hayter (la voix de Solid Snake).
Dear actors & gamers,
Please retweet if you agree that #PerformanceMatters in video games.
#IAmOnBoard2015 pic.twitter.com/xZAT0MOfcY
— David Hayter (@DavidBHayter) 22 Septembre 2015
La motion capture également concernée
Face à la médiatisation massive de cette affaire, les éditeurs réagiront-ils ? Dans l'immédiat, le syndicat refuse de s'exprimer davantage, évoquant « des négociations en cours » et la décision d'un blackout médiatique, aussi bien du côté du SAG-AFTRA que des studios engagés dans cette démarche.Si la grève devait avoir lieu, elle pourrait avoir un impact sur la production de jeux destinés à sortir en 2016, voire retarder le développement de titres prévus plus tard. Dans le processus de création d'un jeu, le doublage compte généralement parmi les premières étapes : la voix est capturée avant la réalisation des séquences de jeu, et non l'inverse.
Les négociations du syndicat ne portent pas seulement sur les comédiens de doublages, et concernent également les métiers de la motion capture, une pratique de plus en plus courante dans le monde du jeu vidéo.
Cette situation découle principalement du fait que les accords réalisés entre les représentants des acteurs et les studios n'ont pas été renégociés depuis plusieurs décennies, alors que le secteur du jeu vidéo a connu ces 10 dernières années des évolutions et innovations majeures. Le cas actuel n'est pas sans rappeler celui des scénaristes de séries télé, dont la grève avait fortement perturbé la saison télévisuelle 2007-2008. A l'époque, il était également question de renégociation des droits des scénaristes, notamment concernant les compensations financières liées aux « nouveaux médias » comme la vente d'épisodes en dématérialisés. La technologie évolue rapidement, mais le reste, pas toujours...