Interview d'Aaron Greenberg, directeur marketing chez Xbox : "Le Kinect n'est pas mort"

Audrey Oeillet
Publié le 22 août 2016 à 14h19
Aaron Greenberg est le directeur du marketing chez Xbox, et c'est également le maître de cérémonie de Microsoft durant la Gamescom. Cette année encore, il était là pour officialiser le lancement des festivités sur le stand du constructeur. Nous avons pu lui poser quelques questions et revenir sur les annonces importantes réalisées cette année du côté de Xbox, en particulier durant le dernier E3.

Bonjour Aaron. Pour commencer, revenons un peu sur les annonces de Microsoft durant l'E3 : avec deux nouvelles consoles dévoilées et un line-up conséquent de jeux, j'ai le sentiment qu'aujourd'hui, la Xbox One est plus que jamais une console de jeux, et moins une plateforme de divertissements. Ai-je tort ?

Aaron Greenberg : Nous pensons que la Xbox One est toujours une plateforme de divertissement. Si vous regardez les pratiques des gens qui l'utilisent, vous constatez qu'effectivement, le jeu vidéo est le premier usage. Mais il y a également beaucoup de gens qui l'utilisent pour des services de divertissements, pour utiliser des apps ou regarder la télévision.

Mais il est vrai que cette année, nous avons dévoilé le plus grand line-up de l'histoire de la console. Ca ne nous empêche pas de nous concentrer à la fois sur le jeu et sur le divertissement.

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L'une des grandes nouvelles de l'E3 a été la présentation de Xbox Play Anywhere, qui permet à la plateforme PC de se retrouver avec des jeux qu'on aurait plutôt vu uniquement destinés à la Xbox One avant. Vous pouvez nous parler un peu de cette stratégie ?

D'un point de vue stratégique, nous nous sommes dit qu'en mettant les joueurs au centre des décisions clés que l'on prend, nos décisions seraient, ainsi, un peu différentes. Concrètement, on cherche des solutions pour que davantage de joueurs puissent accéder à nos jeux. C'est pourquoi des franchises qui étaient jusque-là principalement destinées à nos consoles, comme Gears of War, Halo Wars, Forza, arrivent désormais sur PC. Ca permet de garantir davantage d'audience, de succès et de longévité pour des titres qui misent, en plus, beaucoup sur le multijoueur.

C'était donc l'un de nos principaux enjeux stratégiques. Et en même temps, on a également fait le constat que de nombreux joueurs ne se contentent pas de jouer uniquement sur une plateforme. Donc si vous jouez à la fois sur une console et sur un PC, ça n'a pas vraiment de sens d'acheter deux fois le même jeu. C'est aussi un message que l'on veut faire passer à travers Xbox Play Anywhere : vous achetez une fois, vous pouvez jouer partout, vos sauvegardes sont automatiquement synchronisées de même que vos succès, vous pouvez jouer en cross-play... c'est très gamer-centric.

Et quel rôle a joué Windows 10 dans le développement du cross-buy et du cross-play ?

Windows 10 a créé une opportunité unique pour nous. C'est un OS qui a été développé avec un gros focus sur le gaming. La division Xbox a énormément travaillé avec les équipes de développement de Windows 10 pour s'en assurer. Et les équipes ont fait un super travail.

Mine de rien, certaines mécaniques sont plus exigeantes qu'on pourrait le croire : faire comprendre à un PC qu'on a déjà acheté un jeu dématérialisé sur console, et que du coup on y a droit sans repayer sur PC... toutes les problématiques de cross-play, également, sont très complexes.

Et tout ça n'était pas possible avant ?

Non, ça ne l'était pas. On ne pouvait pas proposer une place de marché centrale et unique, capable de gérer les données entre la Xbox One et le PC avant Windows 10.

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Miser sur le PC, sur le cross-buy et le cross-play, ça vous donne aussi un gros point de différenciation vis-à-vis de Sony qui n'envisage pas, aujourd'hui, de faire de même entre le PC et la PS4, alors qu'on entend dire depuis un moment déjà que c'est techniquement possible.

Certes, mais on ne se focalise pas sur l'écart avec la concurrence, on essaie plutôt de se concentrer sur les bénéfices pour les joueurs. Vous savez, le PC est la plateforme de jeu numéro 1 dans le monde. Rien qu'en Europe, on compte 139 millions de joueurs sur PC. C'était donc une opportunité pour nous d'en profiter.

Aujourd'hui on sent qu'on est dans la bonne direction, en proposant aux joueurs de jouer à nos jeux sur PC, avec leurs amis qui disposent d'une Xbox One, sans qu'ils aient eux-mêmes à acheter une console s'ils ne le souhaitent pas. Nous allons observer les réactions de notre communauté, et continuer à travailler dans cette direction.

Votre message, c'est aussi que le cross-play est possible entre différentes plateformes, Xbox, PC, mais aussi pourquoi pas Xbox et PS4... ce serait possible, non ?

Oui, tout à fait, nous sommes capables de le faire. Ça existe déjà, d'ailleurs, regardez Rocket League. Le studio Psyonix n'a pas attendu Play Anywhere pour proposer le cross-play entre joueurs Xbox One et Steam au sein de son jeu. Les développeurs peuvent le faire.

Nous n'avons rien contre l'idée de proposer aux développeurs des solutions pour réaliser des jeux cross-play entre la Xbox One, et la PS4, par exemple. Nous pouvons construire des ponts entre les plateformes et nous serions heureux de soutenir ça, je pense c'est une situation très logique d'ailleurs.

On en revient à notre approche centrée sur les joueurs : je pense vraiment qu'il faut proposer aux joueurs ce qu'ils veulent. Et le monde numérique d'aujourd'hui, au-delà du jeu vidéo, c'est d'avoir accès au contenu numérique que l'on paie sur différents supports. Donc que cette démarche s'applique aux jeux vidéo, ça va dans le sens de l'histoire.

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La suite page suivante.Parlons un peu de la Xbox One S, qui est disponible depuis début août. Elle reprend la plupart des caractéristiques de la Xbox One, sauf qu'elle est plus compacte, et surtout elle intègre un lecteur de Blu-ray Ultra HD. C'est d'ailleurs le lecteur de BDUHD le moins cher du marché aujourd'hui. Ça fait partie de vos plans pour imposer la console ? Certaines personnes ne vont l'acheter que pour ça...

Il y a beaucoup de nouveautés avec la Xbox One S, le streaming en 4K, les Blu-ray en 4K, le HDR... tout ça s'ajoute aux autres fonctionnalités. Les premiers retours que l'on a eu de la part des gens qui se concentrent sur l'aspect home cinema, sur la lecture de Blu-ray UHD, sont vraiment positifs.
C'est évidemment un point auquel on a pensé : arriver avec un lecteur financièrement accessible qui dispose, en plus, des atouts d'une console de jeu. Il y a un gros potentiel pour de multiples types de consommateurs. Donc on espère que les gens qui voudront se lancer dans le visionnage de contenus 4K, la lecture de Blu-ray Ultra HD, le feront avec notre console, et en profiteront pour jouer à des jeux vidéo dessus au passage.

Vous parlez de HDR, aussi bien pour les films que pour les jeux... vous pensez vraiment que c'est un argument d'achat de matériel 4K compatible pour les joueurs, aujourd'hui ?

Le vrai enjeu avec le HDR, c'est de parvenir à le remarquer, quel que soit le contenu. Je suis convaincu que le jour où les gens prendront conscience de la présence de cette technologie, et de la différence de rendu, ils seront convaincus de son intérêt.

Aujourd'hui, les gens connaissent surtout le HDR dans la photographie, et c'est un peu flou pour eux de voir le bénéfice dans des jeux vidéo. Mais si vous comparez l'image de Gears of War 4 avec et sans HDR, la différence saute aux yeux : les couleurs naturelles, la profondeur des noirs... c'est incroyable.
Mais je suis d'accord sur le fait que si ça va énormément compter pour certaines personnes, ça va moins compter pour d'autres. D'autant qu'il faut disposer d'un téléviseur compatible HDR pour en profiter, en plus de la Xbox One S. Nous allons de toute façon sortir de plus en plus de jeux qui supportent cette technologie, donc ceux qui veulent et peuvent en profiter seront en mesure de le faire.

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Les Blu-ray Ultra HD pourraient-ils devenir le prochain support physique privilégié par Microsoft, pour la Xbox Scorpio notamment ?

Aujourd'hui nous supportons les Blu-ray Ultra HD pour les films, sur Xbox One S, mais je n'ai pas d'info particulières à partager concernant la suite en matière de supports physiques de jeux dans l'immédiat.

Si je vous demande ça, c'est surtout parce que je m'interroge sur la possibilité de voir disparaître les supports physiques chez Microsoft dans le futur, au profit du tout numérique. J'ai déjà le sentiment que c'est le cas, notamment quand on voit que la version PC d'un jeu est proposée gratuitement uniquement lorsqu'on achète le jeu Xbox One dans sa version numérique. C'est une façon de pousser le consommateur à acheter du dématérialisé, non ?

Je vois. Nous cherchons à donner le choix aux consommateurs. Les bénéfices d'un achat physique ou dématérialisés sont parfois différents, les contenus varient un peu, parfois ce n'est pas le cas et c'est la même chose.

Le fait est qu'aujourd'hui, quand on sort un nouveau jeu, on vend énormément plus de copies physiques que de copies numériques. C'est une part très importante de notre business. Et on comprend parfaitement pourquoi les joueurs achètent encore du physique aujourd'hui : ils ont un disque, ils peuvent le prendre avec eux, l'installer sur la console d'un ami...
L'achat numérique a d'autres avantages, et oui, Xbox Play Anywhere en fait partie, c'est quelque chose que les joueurs ont à prendre en considération lorsqu'ils font leur achat. Le choix leur appartient, mais on ne cherche pas spécialement à dire aux gens « achetez du dématérialisé ».

Pour en revenir à la Xbox One S, cette console ne dispose pas d'un port dédié au Kinect. Ce dernier était également totalement absent de l'E3, comme de la Gamescom. Alors, le Kinect, mort et enterré ?

La Xbox One S étant plus petite que la Xbox One précédente, il a fallu faire un choix en matière de connectique, et on a donc choisi de ne pas mettre la connexion du Kinect. Cependant, les acheteurs de la Xbox One S qui veulent continuer à utiliser Kinect peuvent bénéficier d'un adaptateur que nous fournissons gratuitement.

Personnellement, j'utilise toujours mon Kinect, donc je comprends bien les gens qui voudraient passer à la Xbox One S et toujours utiliser le leur. Qu'ils se rassurent, c'est toujours possible de le faire.

Donc le Kinect n'est pas mort ?

(Rire) Non, le Kinect n'est pas mort ! On peut faire plein de choses sympa avec, comme utiliser Skype, par exemple. On continue de soutenir Kinect.

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L'E3 a également été l'occasion pour Microsoft d'officialiser très tôt la Xbox Scorpio. C'est finalement très rare qu'une console soit annoncée aussi tôt dans son développement.

On a fait ça très tôt parce qu'on voulait travailler de manière transparente avec tous nos partenaires de développement. Parmi les innovations de la Scorpio, il y a notamment des jeux totalement en Ultra HD, c'est un changement important pour l'industrie. On voulait que nos partenaires le sachent. C'est la principale raison.

On l'a aussi fait pour les consommateurs, pour qu'ils sachent ce qu'ils peuvent acheter aujourd'hui et ce qu'ils pourront acheter demain. Ils ont toutes les cartes en main et peuvent choisir d'acheter une console maintenant, ou attendre l'année prochaine.

Pour finir, un petit mot sur l'arrivée de la Nintendo NX l'année prochaine ?

J'aime Nintendo et les jeux qu'ils font, je crois que j'ai à peu près toutes leurs consoles. Je suis très curieux de voir ce qu'ils sont en train de créer. Aujourd'hui, le marché des consoles est très sain, on le voit en regardant les chiffres de ventes de la Xbox, de la PS4, les jeux battent également des records de ventes régulièrement. Je crois qu'on est tous curieux de voir ce que Nintendo prépare et comment ils vont insérer leur nouvelle console sur le marché, dans un avenir proche.

Merci !

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