LEGO commercialise depuis début juin l’ensemble « Tout le Monde est Génial » (everyone is awesome) afin de « rendre hommage à la diversité avec humour ».
C’est la première fois que l'entreprise prend position sur une question sociétale au travers d’un set portant sa marque. Coup marketing, opportunisme ou réelle volonté d’engagement en faveur de l'inclusion des minorités ? On a creusé un peu afin d’en savoir plus.
Le pack est composé d’un fond arc-en-ciel et de onze figurines monochromes. Chacune possède sa propre couleur ainsi qu’une perruque assortie. Bien entendu, les couleurs ne sont pas choisies au hasard : elles reprennent celles du drapeau LGBTQ+ (rouge, orange, jaune, vert, bleu et violet) symbolisant l’amour et l’ouverture d’esprit. S’y ajoutent le brun et le noir, représentant la diversité de couleurs de peaux ; le rose, le bleu clair et le blanc font écho au drapeau de la communauté des personnes transgenres.
Perruques interchangeables
Toutes les figurines sont dotées de perruques interchangeables afin de permettre la création d’apparences personnalisées. Longues, courtes, frisées ou raides : en les regardant, il n’est pas possible d’assigner avec certitude un genre à la figurine qui la porte.
Et tant pis si la perruque bleue ciel a les cheveux courts et la rose les cheveux longs : selon LEGO il ne faut pas y voir un message normatif, mais plutôt un clin d’œil aux personnes transgenres. La marque précise au passage que la perruque violette a été pensée comme un hommage aux drag-queens.
Ce set a été conçu par Matthew Ashton, Vice-President of Design de LEGO, et se présentant comme membre depuis plus d’une vingtaine d’années d’une communauté LGBTQIA+ très créative au sein du groupe LEGO. L'histoire raconte que lors d’un banal déménagement de bureau, Matthew a souhaité renouveler le décor de son espace de travail. Il a ainsi bricolé sur un coin de bureau un ensemble coloré et symbolique qui n’a pas manqué d’attirer le regard de ses collègues.
Ce mini-succès et l’encouragement de ses collègues ont poussé Matthew à présenter sa création à l’équipe de création qui a trouvé qu’il s’agissait d’une jolie façon de rendre hommage à la diversité, à l’inclusivité et à la tolérance. Après quelques ajustements mineurs, le set est devenu réalité.
Distribution mondiale (ou presque)
« Tout le Monde est Génial » n’est pas une série limitée, mais un produit LEGO intégrant le catalogue officiel. Le pack est distribué depuis le 1er juin par le site Web et le réseau de boutiques de la marque. LEGO indique qu’il sera présent dans tous les pays disposant de LEGO Store et d’une version locale du site LEGO.com.
Au moment de la rédaction de cet article, le set est effectivement distribué un peu partout dans le monde. Notons toutefois que nous n’en avons pas trouvé trace sur le site LEGO.com de Turquie ni sur ceux des Émirats arabes unis, d’Afrique du Sud, de Malaisie ou de Russie.
À la notable exception de l’Afrique du Sud (premier pays d’Afrique à légaliser le mariage pour tous), ces pays ne sont pas exactement réputés pour leur positionnement inclusif envers les personnes LGBTQIA+. Nous avons interrogé LEGO à ce sujet et nous mettrons à jour cet article lorsque nous obtiendrons une réponse.
Au-delà de cette louable déclaration d’amour à la diversité, ce nouveau pack LEGO est-il un véritable engagement sur les sujets de société ? Ou reste-t-il un simple coup de publicité à l’occasion du mois des Fiertés, qui célèbre traditionnellement la diversité ?
Engagement sociétal
Pour tenter de répondre à ces interrogations, un petit retour dans le passé s’impose. En 1932, le danois Ole Kirk Kristiansen crée une modeste entreprise de fabrication de jouets en bois. Il la baptise LEGO, contraction de « leg godt » signifiant « joue bien » en Danois (rien à voir avec la locution latine lego, qui peut être traduite par « j’assemble »). Il faut ensuite attendre 1949 pour que Ole Kirk Kristiansen crée avec son fils un système de briques autobloquantes en plastique, générant le succès et la renommée que l’on sait.
Actuellement Kjeld Kirk Kristiansen, petit-fils du fondateur, est le propriétaire du groupe LEGO. Son actionnaire principal est la LEGO Foundation, détentrice de 25 % des actions du groupe, qui lui ont été transmises par la famille d’Ole Kirk Kristiansen.
La Fondation a pour objectif d’offrir des opportunités d’apprentissage par le jeu à tous les enfants à travers le monde. Elle s’adresse en particulier aux enfants dans le besoin et de plus en plus à ceux et celles ayant des besoins spécifiques.
À ce titre la LEGO Foundation dispose donc de 25 % des bénéfices du groupe LEGO, qu'elle consacre au financement de ses projets, activités et partenariats. En 2020, LEGO Group a réalisé un résultat net de 9,9 milliards DDK (couronne danoise, le Danemark n’ayant pas adopté l’euro) soit 1,3 milliard d’euros.
Parmi les actions menées en 2020, citons par exemple la signature d’un partenariat avec UNICEF China (2,5 millions de dollars afin de soutenir des programmes d’éducation, mettant en avant l’importance du jeu dans l’apprentissage et pour améliorer le quotidien des enfants) ainsi qu’un don d’un million de dollars à Save the Children India (en soutien aux familles et enfants les plus en difficultés).
Très bien, mais que vient faire la célébration de la diversité dans tout cela ? LEGO précise que si le set « Tout le Monde est Génial » est le premier à célébrer spécifiquement la communauté LGBTQIA+, ce n’est pas la première fois que la société s’engage auprès de celle-ci.
Au Royaume-Uni, le groupe LEGO collabore avec Diversity Role Models, un organisme qui éduque les enfants à l’empathie et l’inclusivité. LEGO travaille aussi avec Workplace Pride, Stonewall et Open for Business pour mesurer et ajuster la représentation et l’inclusivité LGBTQ+ au sein du groupe.
Si d'un point de vue marketing, la commercialisation de l’ensemble « Tout le Monde est Génial » arrive à point nommé, à l'aube du mois des Fiertés, elle est aussi le prolongement logique de l’action de la fondation LEGO. Coup de communication certain, elle devrait tout de même marquer un engagement et une visibilité croissante de la marque sur les sujets de sociétés plus « risqués », ceux-ci pouvant encore ne pas faire l’unanimité.