Des scientifiques veulent se consacrer à l'oiseau qui a disparu depuis quelques siècles, avec pour objectif (entre autres) de sensibiliser le public à l'extinction progressive de nombreuses espèces.
L'être humain a un impact non négligeable sur la faune et la flore qui l'entourent depuis plus de 12 millénaires. Cependant, la civilisation humaine a considérablement accéléré son développement, modifiant de plus en plus de territoires et affectant la planète dans sa globalité. La biodiversité subit de plein fouet les conséquences de cette expansion, à tel point que l'on parle aujourd'hui d'une 6e extinction de masse, directement causée par les activités humaines. L'histoire du dodo en est sans aucun doute l'un des exemples les plus frappants.
Recréer un génome à partir d'espèces apparentées
Vivant sur l'île Maurice, le dodo n'a jamais été confronté à la prédation. Lorsque les Européens sont arrivés sur son territoire au XVIIᵉ siècle, très docile et peu méfiant, ce gros oiseau a rapidement été exterminé, directement et indirectement par les humains et les autres espèces introduites. La société Colossal Biosciences a demandé à la biologiste Beth Shapiro et à son équipe de mener des travaux visant à sa « dé-extinction ».
Cette dernière explique qu'il sera impossible de ramener une copie identique de l'oiseau. Mais puisqu'il est génétiquement proche d'autres espèces encore vivantes, comme le pigeon de Nicobar ou le solitaire de Rodrigues, il sera possible de comparer différents génomes pour identifier les mutations particulières qui font que le dodo ressemble à un dodo. À partir de là, il serait possible d'en recréer un.
Il existe cependant une complication non négligeable : la plupart des technologies de clonage et d'édition de gènes sont orientées vers les mammifères. Mettre un embryon cloné dans un œuf pour faire éclore une nouvelle génération constituera une prouesse scientifique susceptible de prendre beaucoup plus de temps que la reconstruction du génome lui-même. Mais, Shapiro reste optimiste : « Nous savons que nous pouvons cultiver ces cellules chez certaines espèces, donc nous savons que nous pouvons y arriver. Maintenant, il nous faut faire toutes les expérimentations. »
Une démarche qui ne se limite pas aux laboratoires
Dès qu'il s'agit de travailler sur le génome, des questions éthiques
émergent. Tom Gilbert, directeur du Centre d'hologénomique évolutive de
l'université de Copenhague, a expliqué à Vice que la reconstitution
d'une espèce n'est que le début du processus. Il subsiste des questions
autour de ce qui est considéré comme un dodo ou non. « Que
mesurons-nous ? La similarité génomique ? La similarité physique ? La
similarité dans la niche qu'il remplit et ce qu'il fait, même s'il n'a
pas la même apparence ? Par exemple, si vous pouvez faire en sorte qu'un éléphant puisse vivre dans le froid et se comporte comme un mammouth... est-ce suffisant ? »
Cela soulève la question de savoir si cela en vaut la peine. Ici non plus, ce n'est pas tout noir ou tout blanc. Parfois peut-être, mais dans d'autres cas, l'environnement est déjà tellement modifié que l'espoir de voir des populations vivre librement est loin d'être réalisable.
L'universitaire relativise toutefois la situation en observant que, même s'il peut être difficile de réintroduire de telles espèces, ce serait un moyen efficace de sensibiliser le public à la situation critique d'espèces en voie de disparition. Un sentiment partagé par Shapiro : « Puisque tout le monde pense à l'extinction et au dodo simultanément, c'est l'occasion de sensibiliser un peu plus le public sur ce qu'il se passe. »
Holocene Park
Depuis 2021, Colossal est également impliquée dans la réintroduction du mammouth laineux et du thylacine (ou tigre de Tasmanie). Elle espère être à l'origine de nouvelles technologies aux multiples applications qui permettraient la reconstitution d'écosystèmes menacés ou disparus, mais également la préservation des espèces menacées d'extinction.
Ben Lamm, le dirigeant de la société, explique : « Il y a beaucoup d'avantages du point de vue de la préservation, dans la mesure où nous pouvons apprendre du réensauvagement. » Il conclut : « Toute technologie que nous développons et qui a des applications en matière de protection de l'environnement, nous voulons la subventionner et la donner au monde. » Bien sûr, toute ressemblance avec la saga Jurassic Park est fortuite. Quoique… les oiseaux, comme le dodo, sont bien les descendants des dinosaures…
Source : Vice