Science et fiction : le sabre laser de Star Wars pourrait-il être réel ?

Audrey Oeillet
Publié le 14 septembre 2016 à 12h31
Symbole des Jedi dans la saga Star Wars, le sabre laser est le fruit d'un fantasme geek. Si certains fans réalisent eux-mêmes leur modèle de manche, rares sont ceux qui vont jusqu'à reproduire la lame... et pour cause, c'est assez risqué. Mais est-ce totalement impossible ?

Notre série Science et fiction s'intéresse aux prouesses technologiques aperçues dans le cinéma, à la télévision ou dans la littérature, et se questionne sur le positionnement, possible ou non, dans la réalité.

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Dans Star Wars, Jedi et Sith fabriquent eux-mêmes leurs propres sabres laser, même si rien ne les empêche d'utiliser un sabre hérité, ou volé - on pense notamment au général Grevious, capable d'utiliser quatre sabres laser en même temps, dont le premier lui a été donné par le comte Dooku et appartenait à Sifo Dyas. La couleur du sabre laser est déterminée par le cristal que l'on trouve à l'intérieur, et la couleur a une signification précise. Du côté des Jedi, les plus communes sont le bleu et le vert, tandis que le rouge est limité aux Sith. Le jaune est associé aux sentinelles Jedi, le violet aux maîtres d'armes... Énormément de couleurs peuvent être aperçues dans l'univers étendu de la saga. Mais, on le sait, celui-ci n'a plus rien de canon depuis l'arrivée de l'épisode VII. Cela ne détruit en rien la mythologie autour du sabre laser.




Une construction relativement simple dans la fiction...

C'est d'ailleurs dans les romans de l'univers étendu que l'on trouve le plus d'informations concernant la construction d'un sabre laser, et sa conception. Dans Les Jeunes Chevaliers Jedi 4 : Les Sabres de Lumière, écrit par Kevin Anderson et Rebecca Moesta et édité en 1996, C'est Luke Skywalker lui-même qui parle de leur fabrication à ses Padawans. On apprend ainsi qu'un sabre laser contient une cellule d'alimentation standard, un émetteur de lame et bien évidemment un cristal. Mais chaque sabre est unique, et ses caractéristiques changent selon son propriétaire. Longueur, puissance, maniabilité... Il suffit de voir la variété des modèles notamment présents dans les films pour voir les différences, jusqu'au fameux sabre polémique de Kylo Ren.

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... mais pas dans la réalité

Comme souvent, quand la réalité cherche à rattraper la fiction, le résultat est bien différent. Dans le cas du sabre laser, cela ne signifie pas que la démarche est impossible à reproduire, en théorie. Mais en pratique, le résultat est très différent et peut surtout être particulièrement dangereux ! On peut notamment citer le travail de Styropyro, un YouTubeur qui cultive une passion pour les lasers en tous genres. Il a créé, au fil des années, plusieurs sabres laser, dont celui visible dans la vidéo ci-dessous, d'une puissance de 6 watts, capable d'enflammer un morceau de bois sans problème, et dangereux pour la rétine si on le regarde à l'œil nu.



Mais cela veut-il dire qu'il est totalement impossible de reproduire dans la réalité un sabre laser tel qu'on en voit dans Star Wars ? De nombreux scientifiques se sont posé la question, et ont tenté de trouver des éléments de réponse. Nous en détaillons quelques-uns sur la page suivante.

Le sabre laser, une arme paradoxale

L'un des premiers paradoxes constatés vis-à-vis du sabre laser, c'est qu'il s'agit d'un faisceau lumineux qui oppose une résistance lorsqu'il croise un obstacle. Or, la lumière, normalement immatérielle, ne devrait donc pas opposer cette résistance. Par ailleurs, le faisceau lumineux s'arrête au bout d'un moment, de manière nette. Ce n'est pas non plus très scientifique...

Des chercheurs se sont penchés sur la question, notamment Don Lincoln, un chercheur américain spécialisé dans l'énergie. Il a déterminé que les lames des sabres laser se rapprochent des torches à plasma. Ces appareils utilisent le plasma, un gaz dans lequel les atomes ont perdu un ou plusieurs de leurs électrons. Selon le gaz choisi et la température, la couleur n'est pas la même. Et lorsqu'il est chauffé, le plasma est tout à fait capable de découper le béton ou les métaux sur plusieurs centimètres de profondeur.

Le confinement de plasma, des enjeux nucléaires

Les torches à plasma existent bien, et sont utilisées dans l'industrie aérospatiale notamment, pour tester la résistance des enveloppes de navettes spatiales. Néanmoins, de là à imaginer un affrontement entre deux torches à plasma, il y a un fossé : les accessoires en question doivent être maintenus à une température très élevée, jusqu'à 10 000 degrés, tout le long de leur utilisation. Inutile de préciser que l'énergie nécessaire pour en arriver là est considérable, et qu'il faut être équipé en conséquence pour supporter la chaleur : une bure de Jedi ne va assurément pas suffire !

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Par ailleurs, il faudrait que le plasma soit entouré par une sorte de champ électromagnétique capable de diriger l'énergie, en vue de former un faisceau lumineux suffisamment long pour constituer une lame satisfaisante. Les scientifiques cherchent actuellement un moyen concret, durable, de confiner le plasma, pour contrôler les réactions de fusion thermonucléaire, et ils utilisent pour cela des champs magnétiques. C'est donc quelque chose de plausible.

Et puis le plasma n'est pas solide, il faudrait, à l'intérieur, un matériau résistant, comme la céramique. Là, encore, la démarche est des plus compliquées à mettre en œuvre, sans compter que l'on perd le côté totalement dématérialisé de la lame une fois le sabre éteint.

En fait, l'un des seuls points de la torche à plasma qui s'accorde avec le concept du sabre laser, hormis le look, c'est le fait qu'une rencontre avec cette sorte de cutter améliorée pourrait facilement vous coûter une main.


Le nano-tube qui tranche

Le docteur Mark Hom, un radiologue et biologiste américain qui écrit sur le site Memeburn, donnait son avis sur la question en décembre dernier. De son point de vue, la technologie pour arriver à une arme aussi coupante qu'un sabre laser, avec un effet similaire, existe déjà. L'un des principaux blocages, selon lui, c'est le fait que les épées de lumière ne peuvent pas s'entrechoquer. Sa solution : créer des nano-tubes en céramique, capables de supporter de très fortes températures. La lumière laser diffusée dans le tube depuis la poignée le ferait alors chauffer.

« La lame super chauffée serait mortelle et capable de couper aussi bien le métal que la chair humaine, comme une torche à plasma si une température de 27 760°C pouvait être atteinte. » De quoi cautériser systématiquement toutes les plaies.

Une proposition finalement assez proche de celle évoquée par Don Lincoln. On en revient à des questions similaires, notamment le maintien d'une telle puissance, gourmande en énergie.

Photons et molécules

En 2013, Vladan Vuletic, un chercheur du MIT, et Mikhail Lukin, un professeur de Harvard, sont parvenus à lier des photons ensemble pour former des molécules. Jusque-là, cet état de matière n'était que théorique. On parle désormais de « molécules photoniques ».

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Mikhail Lukin dans son laboratoire.

Quel rapport avec le sabre laser ? On y vient. « La plupart des propriétés connues de la lumière partent du principe que les photons n'ont pas de masse, et qu'ils n'ont pas d'interaction les uns avec les autres » a déclaré Lukin. « Ce que nous avons fait, c'est créer un milieu spécial dans lequel les protons interagissent les uns avec les autres si fortement qu'ils commencent à réagir comme une masse, et se lient ensemble pour former des molécules. » Avant d'ajouter : « Ce n'est pas une analogie inapte de comparer ça aux sabres laser. Lorsque ces photons interagissent les uns avec les autres, ils se repoussent et se dévient. La physique que l'on voit dans ces molécules est semblable à celle que l'on voit dans les films. »

Des propos encourageants, mais pas la peine de commencer à construire votre sabre en vous basant sur les recherches de ces deux scientifiques. En 2013, Mikhail Lukin concluait en expliquant « ne pas encore savoir à quoi allait servir cette découverte. Nous avons bon espoir de penser que de nouvelles applications pourront émerger pendant que nous continuons de définir les propriétés de ces molécules photoniques. » Dans les faits, cette découverte scientifique va être bien plus utile à l'informatique quantique qu'au développement de nos pouvoirs de Jedi.

Au-delà de la technologie, les réflexes

Malgré des efforts, parfois involontaires, de la science, le sabre de laser de Star Wars n'est pas près de devenir réalité, au-delà des reproductions actuelles qui, bien que réussies, n'arrivent pas au niveau de la science-fiction.

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Mais hormis les aspects techniques et scientifiques, il faut aussi s'interroger sur les compétences humaines en matière de maniement. Comme le souligne si bien Mark Hom : « Comment le sabre d'un Jedi pourrait être en mesure de bloquer un tir de blaster laser se déplaçant à la vitesse de la lumière ? Personne n'a d'aussi bon réflexes. La seule explication serait d'arriver à anticiper le timing du tireur au blaster de façon télépathique (c'est-à-dire magique). » Mais non, c'est la Force, c'est tout ! Du coup, avant de s'intéresser aux sabres laser, c'est peut-être sur elle qu'il faudrait se pencher...

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