© FlickR / Kevin Gill
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Selon une étude parue dans la revue Nature Astronomy, Titan s’éloigne 100 fois plus vite de Saturne que les premières estimations établies par les scientifiques. Loin d’être anodine, cette découverte pourrait nous permettre de mieux comprendre le système lunaire de la géante gazeuse, et les étoiles binaires.  

Plus imposant que Mercure, Titan est le plus grand satellite naturel de Saturne, orbitant autour d'elle à environ 1,2 million de kilomètres de distance. L’astre fascine les astronomes de par ses spécificités étonnantes : il s’agit notamment de la seule lune du Système solaire dotée d'une atmosphère. Titan présente en outre des saisons, et abrite des mers et des lacs d’hydrocarbures liquides. Mais aujourd’hui, c’est pour une toute autre raison qu’elle attire l’attention des scientifiques. 

Titan s’éloigne de 11 centimètres par an de Saturne

Les chercheurs savaient que Titan s’éloignait progressivement de sa planète, mais ils estimaient jusqu'ici que ce phénomène n'avait lieu qu’à hauteur de 0,1 centimètre par an. Or, en utilisant deux techniques bien différentes, l’astrométrie et la radiométrie, basées sur les observations et les déplacements de la sonde Cassini, lorsqu’elle survolait le satellite, deux équipes de scientifiques sont parvenus au même résultat : la vitesse d’éloignement de Titan par rapport à Saturne est en fait de 11 centimètres par an, c’est 100 fois plus que les précédentes estimations. 

Cet éloignement n’est pas propre à Titan. Notre lune, elle, s’éloigne de 3,8 centimètres par an de la Terre. En exerçant une petite attraction gravitationnelle sur notre planète, la Lune fait gonfler les océans d’un côté à l’autre de la Terre, et crée les marées. Ce phénomène freine très légèrement la rotation de la Terre et éloigne la Lune. C’est aussi pour cette raison que les jours terriens s’allongent. 

C’est un phénomène similaire qui se produit avec Titan, toutefois les estimations le prédisaient beaucoup moins important qu'il ne l'est en réalité car elles prenaient en compte le fait que Saturne soit une planète gazeuse, et non tellurique. 

Le passé du système lunaire saturnien remis en question

Les résultats des chercheurs viennent en fait corroborer une théorie émise en 2016 par l’astrophysicien Jim Fuller, co-auteur de l’étude. Selon lui, la vitesse d’éloignement de Titan devait être bien plus rapide que ce qui était avancé, notamment à cause d’un phénomène baptisé résonance gravitationnelle : le satellite comprime Saturne gravitationnellement et fait osciller la planète. Cette oscillation amplifie la quantité d’énergie transférée vers Titan et de ce fait, l’éloigne, un peu de la même manière que si vous étiez sur une balançoire et alliez de plus en plus haut selon le mouvement de vos jambes. 

Cette vitesse d’éloignement remet en question nos connaissances sur les satellites de Saturne : « La plupart des travaux antérieurs avaient prédit que des lunes comme Titan ou Callisto, la lune de Jupiter, se formaient à une distance orbitale similaire à celle que nous connaissons aujourd’hui. Cela implique que le système lunaire saturnien, et potentiellement ses anneaux, se sont formés et ont évolué de manière plus dynamique qu’on ne le croyait auparavant », explique Jim Fuller. 

Porte ouverte à de nouvelles avancées

Par ailleurs, cela suggère que Titan est née beaucoup plus près de Saturne qu'on ne pensait et s’en est éloignée au fil du temps, ce qui soulève également des questions sur les anneaux de la géante gazeuse, dont l’âge est encore source de débat au sein-même de la communauté scientifique.

Pour Fuller, cette étude ouvre donc la porte à de nouvelles découvertes, sur le système lunaire de Saturne, et au-delà : « La théorie de la résonance peut s’appliquer à de nombreux systèmes astrophysiques. Je fais maintenant des travaux théoriques pour voir si la même physique peut s’appliquer à des systèmes d’étoiles binaires ou à des systèmes d’exoplanètes ».