Dix ans après la fin de sa première mission, le télescope spatial NEOWISE (qui s’appelait simplement WISE à l’époque) continue de révéler les mystères de notre Galaxie. Dans une récente étude du Astrophysical Journal Letters, citée par la NASA, des chercheurs reviennent sur le mystère de WISEA J153429.75-104303.3, une énigmatique naine brune tout simplement surnommée « L’Accident ».
Jusqu’ici unique en son genre, « L’Accident » pourrait en fait être le premier représentant d’une large famille d’astres remontant aux origines de la Galaxie.
Une naine brune très mystérieuse
Les récentes découvertes astronomiques nous ont beaucoup appris sur les différents types d’étoiles et d’exoplanètes qui forment le voisinage direct de la Terre, au sein de notre Galaxie. Mais entre les étoiles et les planètes, il existe une catégorie un peu particulière d’astres : les naines brunes.
Treize à quatre-vingts fois plus massives que Jupiter, elles rayonnent une chaleur sans commune mesure avec celle d’une planète gazeuse, et sont suffisamment massives pour disposer de leur propre système de planètes en orbite. Toutefois, leur masse est encore trop faible pour que s’enclenche une fusion nucléaire dans leur cœur, ce qui les transformerait en véritables étoiles.
Si l’on compare des étoiles à du métal chauffé à blanc, les naines brunes s’apparenteraient donc plutôt à un métal faiblement rougeoyant, toujours brûlant mais peu lumineux. Et c’est d’ailleurs ainsi que l’on détecte habituellement les naines brunes, en surveillant leurs émissions infrarouges. Or, dans tout ce bestiaire, une naine brune échappait à la compréhension des scientifiques, WISEA J153429.75-104303.3, surnommée « L’Accident ».
Comme son surnom l’indique, L’Accident a été découverte par hasard, par un citoyen-chercheur qui avait développé un code permettant de filtrer les naines brunes parmi la masse de données récupérées par le télescope spatial NEOWISE. Se déplaçant à la vitesse folle de 800 000 km/h et émettant à la fois dans les infrarouges et certaines longueurs d’onde plus courtes, « L’Accident » ne correspond absolument pas au profil type d’une naine brune.
Une nouvelle sous-catégorie d’astres
Les rayonnements émis par l’objet correspondent à la fois à ceux d’une naine brune très ancienne, et à ceux d’un astre beaucoup plus récent. Une apparente contradiction qui a laissé les chercheurs perplexes. Finalement, c’est bien son incroyable vitesse qui les a mis sur la bonne voie. Le déplacement rapide de « L’Accident » suggère que l’astre navigue depuis très longtemps dans notre Galaxie, accélérant régulièrement sous l’impulsion gravitationnelle des étoiles qu’il croise.
Dès lors, si la naine brune est vraiment très ancienne, elle a pu se former à une époque où le disque qui deviendrait notre Galaxie se composait presque exclusivement d’hydrogène et d’hélium. Le carbone, les métaux et autres éléments plus lourds sont apparus plus tard, dans le cœur explosé des premières étoiles géantes. Or, sans carbone, point de méthane, qui entre habituellement dans la composition de l’atmosphère des naines brunes et « capture » les longueurs d’onde plus courtes que l’on a justement observées en provenance de « L’Accident ».
Deux fois plus âgé que les naines brunes habituelles, « L’Accident » aurait pu se former il y a 10 à 13 milliards d’années, lorsque la Voie Lactée se formait à peine. Si les modèles théoriques prévoyaient l’existence de tels astres, en découvrir un par accident à moins de 50 années-lumière de la Terre laisse penser qu’ils pourraient être bien plus nombreux que prévus. Dès lors, « L’Accident » pourrait être le premier représentant d’une nouvelle sous-catégorie de naines brunes qui, par leur âge, pourraient nous en apprendre beaucoup quant à la jeunesse de notre Galaxie.
L’astronomie participative vecteur de nouvelles découvertes
Outre l’intérêt scientifique direct de cette découverte, « L’Accident » symbolise également à la perfection l’incroyable évolution qu’a connue l’astronomie ces deux dernières décennies. Que ce soit sur Terre ou en orbite, les télescopes peuvent désormais scanner le ciel en continu, stockant et partageant leurs données à l’échelle mondiale. L’exploitation de ces données peut alors se poursuivre des années ou des décennies après la fin des campagnes d’observation.
Mieux encore, les programmes scientifiques participatifs permettent à tout un chacun de contribuer à des découvertes scientifiques majeures, en exploitant ces méga-données. C’est dans le cadre d’un des projets de science citoyenne de la NASA que l’ingénieur en sécurité informatique Dan Caselden a pu découvrir WISEA J153429.75-104303.3, en créant un logiciel de détection de naines brunes à priori plus permissif que ce qu’auraient fait des chercheurs de la NASA, ou des IA programmées dans ce but précis.
Source : NASA