Voitures autonomes, une nouvelle solution de mobilité durable ?

Sylvain Pichot
Publié le 29 mai 2015 à 14h17
Toujours à la recherche de nouveaux vecteurs de croissance et d'innovations, poussé par les nouvelles technologies et le numérique, le secteur de l'industrie automobile change : les constructeurs semblent croire en la voiture autonome présentée comme le symbole d'une nouvelle solution de mobilité durable. Quelles sont les sociétés qui investissent dans ce domaine ? Quelles sont les technologies utilisées et où en est-on exactement ? Qu'en est-il de la législation ? La voiture autonome, sera-t-elle une réalité pour tous, et si oui, quand ? Les conducteurs d'aujourd'hui sont-ils prêts à laisser le contrôle total à une machine ? Autant de questions auxquelles nous allons apporter des réponses concrètes dans ce dossier.

Selon un récent sondage réalisé par le Syntec Numérique, un tiers des Français seraient prêts à utiliser une voiture autonome. Ils seraient 36 % exactement à se sentir à l'aise à l'idée d'être assis à la place du conducteur sans avoir à tenir le volant. Reste à savoir quand. Pour 57 % des personnes interrogées, la voiture autonome sera généralisée d'ici quelques années (5 % pensent d'ici 2020, 18 % d'ici 2030 et 34 % après 2030). L'échéance se rapproche pour certains habitants de la ville de Göteborg en Suède. Volvo permettra ainsi dès 2017 à 100 personnes « ordinaires » de tester un véhicule autonome en conditions réelles.

Mais le groupe Volvo Cars est loin d'être la seule marque de l'industrie de l'automobile, et la seule firme tout court, à se pencher plus que sérieusement sur ce marché. En effet, Audi, Renault, Nissan, BMW, Valeo, Ford, Mercedes et plus récemment Tesla ont déjà annoncé ou présenté des projets plus ou moins aboutis de véhicules autonomes.

D'autres acteurs entrent aussi dans la danse comme Google, par exemple, qui développe un prototype de voiture autonome depuis plusieurs mois. Sa mise en service sur les routes de Californie est même prévue pour cet été. Chris Urmson, chef du projet de la Google Car a ainsi déclaré : « Nous annonçons maintenant la prochaine étape de notre projet : cet été, quelques-uns de nos véhicules prototypes vont quitter la piste d'essai pour aller sur les routes plus familières de Mountain View, en Californie, avec nos ingénieurs testeurs à bord. »

Autre acteur insolite dans le secteur des véhicules autonomes : Apple. Histoire de concurrencer Google, son grand rival, la société de Cupertino travaillerait sérieusement sur « la voiture autonome ». Difficile encore de savoir de quoi il s'agit : modèle 100 % Apple ou véhicule ultra connecté ? Le projet porte le nom de Titan avec à sa tête, Johann Jungwirth, ex-directeur de la division Recherche & Développement chez Mercedes.

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L'habitacle de la voiture autonome de Audi, la A7 Sportback piloted driving


Une voiture autonome, qu'est-ce que c'est ?

Une voiture autonome est un véhicule capable de se déplacer tout seul sans conducteur ou avec une aide plus ou moins importante de celui qui conduit. Elle doit être apte à accélérer, freiner, tourner et à éviter des obstacles. Mais, aujourd'hui, le terme de voiture autonome est un peu galvaudé. Certains industriels utilisent le terme de voiture autonome dès qu'elle est capable de se garer toute seule, à la différence des véhicules traversant des agglomérations sans aucune intervention de conducteur.

Selon les constructeurs que nous avons pu interroger, tous s'accordent à définir trois phases dans le développement de la voiture autonome et son adoption par le grand public : commencer par proposer des dispositifs d'aide à la conduite (éclairage adaptatif, freinage d'urgence, maintient sur les files, etc.) puis tendre vers une conduite semi-automatique (la voiture conduit toute seule dans des embouteillages comme c'est actuellement le cas pour la nouvelle Audi A7 ou la nouvelle Volvo XC90) et enfin, aller vers un déplacement du véhicule en totale autonomie (pour qu'il aille se garer tout seul à une place de parking en vous ayant déposé devant la porte de votre domicile ou d'un magasin).

Techniquement, une voiture autonome est équipée de différentes technologies. Voici les principales :
  • Un télémètre laser. Il permet de cartographier l'environnement en trois dimensions grâce à des lasers. On l'appelle le LiDAR pour Light Detection And Ranging. Ce dispositif est installé, le plus souvent, sur le toit du véhicule pour profiter d'un champ d'action sur 360 degrés.
  • Un ou plusieurs radars. A l'image des sous-marins, les voitures autonomes sont dotées de radars. Ceux-ci sont capables de mesurer les distances entre le véhicule et de potentiels obstacles. Les informations fournies par ces radars sont recoupées avec celles obtenues grâce au télémètre laser.
  • Plusieurs caméras de différents types. Les caméras embarquées permettent de visualiser l'environnement du véhicule et, le cas échéant, d'utiliser des logiciels de détection pour les obstacles, mais aussi, de suivre les lignes ou les panneaux de signalisation. Outre les caméras « classiques », Volvo équipe ses véhicules autonomes avec une caméra dotée d'une vision à longue portée sur 34 degrés, par exemple.
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Toutes ces technologies communiquent entre elles via un ordinateur de bord central qui concentre les données, les analyse et les exploite afin d'apporter à la voiture toutes les informations nécessaires à son évolution dans les différents environnements au sein desquels elle circule.

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Essais, quels constructeurs et dans quelles conditions ?

Les essais de voitures autonomes ne datent pas d'hier. Cela fait maintenant plusieurs années que les constructeurs automobiles testent leurs technologies dans des environnements adaptés. Mais si jusqu'ici la plupart des essais étaient réalisés sur des circuits ou dans des environnements très spécifiques - à l'image des premiers tests chez Audi effectués en 2009, sur un lac gelé pour battre un record de vitesse sans pilote - on devrait en voir de plus en plus sur nos routes. En janvier dernier, une Audi A7 « Piloted Driving » a parcouru plus de 900 km sur des routes ordinaires et dans des conditions réelles de trafic depuis la Silicon Valley en Californie, jusqu'à Las Vegas dans le Nevada, pour l'ouverture du CES 2015, Consumer Electronic Show.

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Courant avril 2015, l'équipementier Delphi a fait parcourir 4 300 Km pendant 9 jours à une Audi Q5 spécialement équipée. La voiture a évolué toute seule pendant 99% du temps de parcours avec un technicien à bord.

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Aperçue aussi dans les rues de San Francisco aux Etats-Unis en mars dernier, la Mercedes-Benz F015 roulait seule pour les besoins du tournage d'un clip à caractère promotionnel. Ce concept car a été présenté lors du CES de Las Vegas en janvier 2015.

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L'équipementier Bosch qui travaille déjà avec Audi ou Mercedes vient d'acquérir deux Tesla en vue d'en faire des véhicules autonomes. Ils rouleront très prochainement sur la voie publique embarquant un ingénieur à bord pour superviser les essais.

Google devrait prochainement mettre en service son véhicule autonome sur les routes de Californie.

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Pour le groupe Volvo Cars, plusieurs expérimentations ont lieu actuellement, principalement en Suède. Début 2017, le projet Drive Me permettra à 100 personnes ordinaires habitant la ville de Göteborg de s'installer à bord d'une voiture autonome pour y emprunter 50 Km de routes sélectionnées.

Les technologies sont donc prêtes. Il reste néanmoins à mener d'autres phases d'expérimentation dans le but de se forger une certaine « expérience » notamment sur des routes ordinaires et de laisser le temps aux automobilistes de se faire à l'idée qu'ils pourraient prochainement lâcher le volant, en les amenant petit à petit vers un véhicule totalement autonome.

Les enjeux et les perspectives de la voiture autonome

Les différents acteurs de ce marché en devenir s'accordent tous sur le fait qu'ils souhaitent apporter des solutions de mobilité durables pour demain. Pour eux, cela permettrait de diminuer le nombre d'accidents sur les routes et donc le nombre de morts, en limitant particulièrement le facteur humain engagé dans plus de 85 % des cas, selon l'un des responsables de Volvo Cars, qui rappelle aussi que la marque vise un objectif de zéro mort d'ici 2020. Pour Volvo, il s'agit aussi de « redonner du temps au conducteur » afin qu'il puisse faire autre chose pendant son trajet pour se rendre à son travail ou pour des départs en vacances, par exemple.

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Toutes les sociétés qui s'investissent dans le domaine de la voiture autonome partagent aussi la vision d'un trafic beaucoup plus fluide. Interconnectés, les véhicules seront capables de réguler automatiquement les flux et d'adapter leur vitesse ou leur itinéraire pour limiter ou même éviter totalement la formation de zones d'embouteillage. Selon le sondage effectué par le Syntec Numérique, 31 % des personnes interrogées pensent que cela pourrait être une réalité. On pense également aux services de partage. Les véhicules pouvant servir à trois ou quatre passagers pendant une même journée.

Enfin, l'un des derniers arguments en faveur de la voiture autonome est l'aspect écologique. Une réelle baisse des émissions de CO2 devrait être effective grâce à une parfaite adaptation des vitesses en accord avec la consommation de carburant. N'ayant plus d'accident, les voitures pourraient finalement utiliser des matériaux moins solides et moins coûteux.

Pourquoi la voiture autonome pourrait ne jamais prendre la route ?

Parmi les inconvénients potentiels, il faut prendre en considération le fait que le conducteur place sa vie entre les mains d'une machine, certes, très évoluée mais une machine tout de même. Ainsi, tous les acteurs du secteur s'accordent à dire que le conducteur doit pouvoir reprendre le contrôle de son véhicule à n'importe quel moment. Dans ce cas, il faut que le relais entre le pilote automatique et le conducteur soit le plus ergonomique possible.

En cas d'accident, qui sera responsable ? La machine (donc le constructeur) ou le conducteur ? Dans ce domaine, les textes législatifs sont à définir et à écrire mais la majorité des constructeurs pensent que le conducteur (puisqu'il a la possibilité de reprendre la main) sera considéré comme seul responsable. Selon le sondage réalisé par le Syntec Numérique, la responsabilité en cas d'accident représente le principal frein au développement des voitures autonomes pour 45 % des Français.

Les voitures autonomes étant connectées seront-elles à l'abri de piratages ? Qu'arrivera-t-il si une personne malveillante prend le contrôle d'une ou, pire, de plusieurs voitures autonomes ? Là aussi, les Français interrogés pensent à 43 % que le piratage informatique constitue un risque important. Qu'en sera-t-il du respect de la vie privée quant aux très nombreuses données qui seront collectées, analysées et exploitées par les voitures ?

Enfin, plus globalement, on peut se demander quel sera l'impact sur la société civile sur les centaines de milliers d'emplois en jeu : les constructeurs automobiles au premier plan mais aussi les équipementiers, les concessionnaires automobiles, les assureurs, les mutuelles, les unités de soin, les conducteurs de taxi, les entreprises d'entretien des routes et autoroutes, etc.

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Quelle législation pour les voitures autonomes ?

Les voitures qui circulent sur nos routes sont actuellement soumises à ce que l'on appelle la Convention de Vienne. Datant de 1968, elle définit les règles de la signalisation et de la circulation routière au niveau international. Actuellement, la Convention de Vienne ne permet pas aux voitures autonomes de rouler sur des routes ordinaires. C'est pour cette raison que les constructeurs automobiles et les différents acteurs de ce marché doivent se cantonner à des essais sur des pistes spéciales. Une autre solution consiste dans l'ajustement des lois locales permettant la circulation exceptionnelle des véhicules autonomes, à l'image de l'Agence suédoise des transports pour les essais de Volvo Cars, ou encore, de différents préfets en France, d'autoriser des essais Audi ou Valeo avec Safran, par exemple.

D'après certains responsables, la Convention de Vienne pourrait ainsi être modifiée d'ici quelques mois afin d'autoriser et d'encadrer la circulation de voitures autonomes sur nos routes. Aux Etats-Unis, la Californie, le Nevada, la Floride et le Michigan acceptent déjà les voitures autonomes sur leurs routes. L'année dernière, l'Angleterre a aussi autorisé des essais de voitures sans conducteur sur la voie publique pour une période déterminée de 18 à 36 mois avant une généralisation de cette autorisation dans les années à venir.
L'organisme allemand de certification TÜV Süd a donné son autorisation à Bosch de mener ses phases d'expérimentation sur les routes ordinaires et plus particulièrement sur les autoroutes d'outre-Rhin.

Au-delà des législations, l'Agence Fédérale américaine en charge de la sécurité routière, la NHTS, a récemment établi une classification des voitures autonomes suivant leur niveau d'automatisme.
  • Niveau 0 : aucun automatisme.
  • Niveau 1 : le conducteur est aidé par certaines fonctions comme le freinage d'urgence et l'ESP (Electronic Stability Program) pour corriger électroniquement les trajectoires.
  • Niveau 2 : la voiture dispose d'au moins deux dispositifs d'assistance à la conduite et fonctionnant simultanément comme le régulateur de vitesse et le maintien sur la bonne voie, par exemple.
  • Niveau 3 : la voiture est partiellement autonome.
  • Niveau 4 : la voiture peut rouler continuellement d'une manière autonome sans aucune intervention d'un conducteur. Celui-ci peut cependant reprendre le contrôle du véhicule s'il le souhaite.

En conclusion, comme nous l'avons évoqué dans cet article, techniquement, la voiture autonome est prête à emprunter nos routes et nos autoroutes. Les avantages sont très importants et les obstacles techniques en passe d'être, voire, sont déjà franchis. Il reste néanmoins quelques ajustements à réaliser pour lever les dernières barrières liées aux craintes du grand public ou aux législations en vigueur. Mais notre capacité d'adaptation devrait permettre de faire accepter cette révolution à venir.


Questions à Patrick, un conducteur ordinaire :

Seriez-vous prêt à acheter ou à utiliser une voiture autonome ?

Pas encore : même si le concept me paraît révolutionnaire et plein de promesses, j'ai d'abord besoin d'être rassuré quant à ma sécurité avant de confier ma vie à un ordinateur ! Et puis, avoir une voiture est déjà un luxe aujourd'hui, qu'en sera-t-il d'une voiture autonome ? Faudra-t-il s'endetter sur 20 ans comme pour un logement ?

Si oui, quelles en seraient les raisons principales ? Si non, quelles seraient vos réticences ? Quels types d'applications/services verriez-vous utiliser avec une voiture autonome ?

Fini le temps perdu dans les embouteillages ou les trajets interminables sur l'autoroute. Je pourrais consacrer ce temps à la lecture, la guitare voire même faire un petit somme ! Et pourquoi pas envoyer les enfants à leurs activités extrascolaires tout seuls dans la voiture ou bien même, envoyer la voiture chercher un colis ? Les possibilités me paraissent vraiment incroyables et quasi infinies.


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