Here, TomTom : gros plan sur la cartographie et son avenir

Sylvain Pichot
Publié le 25 septembre 2015 à 14h42
Au cœur de nombreuses discussions et tractations financières, la cartographie semble promise à un très bel avenir. Pourquoi ? Parce que les besoins en matière de géolocalisation et de déplacements sont de plus en plus forts et qu'ils sont même amenés à exploser dans les prochaines années avec le développement de solutions mobiles telles que les voitures autonomes. Comment sont réalisées les cartes numériques ? Qui sont les acteurs de ce marché ? Quels sont les enjeux pour aujourd'hui et pour demain ? Jusqu'où peut-on aller dans ce domaine ? Toutes les réponses et bien plus sont dans ce dossier. Suivez le guide.

A la base, la cartographie est la réalisation et l'étude des cartes géographiques et géologiques. Son principe repose sur la représentation de données récoltées par différents moyens sur un support réduit, autrefois parchemin, puis papier, et maintenant numérique.

L'homme conçoit des cartes afin de se repérer et d'aider la communauté à se déplacer et ce, depuis l'antiquité. Si hier, c'était l'affaire de quelques érudits, aujourd'hui, il s'agit d'un marché en très forte croissance et appelé à devenir colossal. Il fait actuellement l'objet d'attention toute particulière de la part des plus grandes sociétés high-tech. Google, Here ou encore TomTom sont les principaux fournisseurs mondiaux de cartes qui permettent d'alimenter les nombreux services liés, comme le déplacement ou le repérage. Parties de leurs propres solutions ou par rachat de sociétés spécialisées dans la réalisation de cartes numériques, ces entreprises se concurrencent pour proposer des services toujours plus précis et de plus en plus aboutis.

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Historiquement la société leader dans le domaine de la cartographie, NavTeq a été rachetée en 2008 par Nokia qui a ensuite créé la division Here en y associant les équipes de développement et d'applications de la firme finlandaise. Plus récemment, Nokia a acquis différentes entreprises comme Medio, spécialiste de l'analyse de Big Data ou Earthmine, qui développe des solutions embarquées de capture de données. Les cartographies Here sont aujourd'hui utilisées chez plusieurs centaines de clients, dont la plupart, des constructeurs automobiles, mais également sur les GPS Garmin ou pour les services de localisation de Yahoo, Microsoft et Samsung par exemple.

De son côté, aussi en 2008, TomTom s'est offert la société Tele Atlas, l'autre spécialiste de la cartographie dans le monde pour un montant d'un peu moins de 3 milliards de dollars. Elle propose ses services à de très nombreuses entreprises dont l'une des plus illustres est Apple pour Apple Map.

Pour développer son service de cartographie et plus globalement de géolocalisation, Google a racheté plusieurs sociétés spécialisées dans ce domaine, dont la plus remarquable est Keyhole, à l'origine de l'application EarthViewer devenue Google Earth.

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A côté de ces poids lourds du secteur, il existe aussi une alternative baptisée OpenStreetMap. Sous licence libre, cette cartographie repose sur des mises à jour effectuées par les utilisateurs. Certains constructeurs de GPS autonome comme Mio, par exemple, les intègrent au sein de leurs solutions de navigation afin de proposer des appareils à coûts faibles. Le revers de la médaille est que ces cartes ont du mal à rivaliser en termes de précision et de validation, notamment sur le terrain des étapes, qui sont effectuées par TomTom ou Here.

Comment sont réalisées les cartographies ?

La première cartographie de la France sous sa forme numérique date de 1990. Que l'on s'appelle TomTom, Here ou encore Google, les principes de base concernant la réalisation d'une cartographie sont à peu près identiques. En effet, ces sociétés partent toutes d'une cartographie de départ qu'il s'agit de mettre à jour et d'optimiser dans le but d'offrir des services toujours plus innovants et pertinents selon les demandes.

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« Les besoins d'aujourd'hui sont tels que les simples tracés des routes ne suffisent plus », selon Eric Fumat, responsable vente business développement de la division entreprise chez Here. Ainsi, outre la numérisation des cartes papiers, il faut enrichir la cartographie grâce à d'autres informations comme les noms et les numéros des rues, les sens de circulation, les limites de vitesse, les interdictions de tourner à gauche ou à droite, ainsi que la classification des voies. 100 à 200 éléments viennent modéliser l'environnement qui nous entoure.

Pour ce faire, TomTom et les autres s'appuient sur plusieurs sources d'informations. La première est la carte existante elle-même. Ensuite, elle est associée aux images aériennes et satellitaires afin de vérifier leurs exactitudes si tant est que les prises de vue soient suffisamment récentes pour être pertinentes. De nombreuses informations sont recueillies auprès des services administratifs publics ou privés et des entreprises de travaux publics mais aussi privés. Cela permet d'anticiper d'éventuelles modifications de tracés afin de les reporter plus rapidement sur les cartes.

Les fournisseurs de cartes s'appuient aussi sur leurs communautés d'utilisateurs qui envoient (après acceptation) de manière anonyme beaucoup d'informations. Celles-ci concernent non seulement les tracés des routes, leurs éventuelles modifications, mais également le trafic, par exemple.

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Enfin, chaque entreprise de cartographie dispose d'une flotte de véhicules et autant d'ingénieurs et de techniciens chargés d'effectuer des relevés sur place. C'est ce que l'on appelle du « Mobile Mapping ». Chez Here, par exemple, ce sont près de 400 voitures embarquant des systèmes électroniques extrêmement perfectionnés qui sillonnent le monde entier pour réaliser des relevés et les envoyer directement aux centres de traitement des informations de l'entreprise. TomTom n'a pas souhaité nous communiquer le nombre exact de véhicules de terrain, mais nous a indiqué être capable de couvrir 3,5 millions de kilomètres par an.

Les véhicules chargés d'effectuer des relevés sont équipés de nombreuses technologies de pointe. Ils sont bardés de capteurs, de centrale à inertie pour mesurer les latitudes, les pentes et les directions, de plusieurs lasers et de caméras.

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Grâce à ces données recueillies au sein des centres des différentes sociétés, les cartes peuvent être mises à jour. Actuellement, TomTom met ses cartes à jour tous les mois mais, selon Hervé Clauss, directeur de l'imagerie et des sources d'informations chez TomTom, l'entreprise néerlandaise vise des mises à jour toutes les 48 heures d'ici deux ans. Pour cela, elle a récemment revu sa plateforme et sa base de données afin d'optimiser les entrées d'informations ainsi que leurs traitements. L'interface de saisie a connu une refonte, toujours dans un souci de meilleure productivité. Commencés il y a trois ans, ces travaux devraient porter leurs fruits d'ici l'année prochaine.

Chez TomTom encore, toutes les demandes de modifications, notamment celles effectuées par les utilisateurs, sont validées par des équipes techniques qui se rendent sur le terrain pour vérifier la pertinence des informations transmises. Les centres de traitement sont donc chargés de récupérer les très nombreuses données des différents fournisseurs et, plus globalement, les sources d'informations. Here possède une dizaine de centres répartis dans le monde alors que ceux de TomTom sont principalement basés en Europe. Ils compilent les informations de manière plus ou moins précise selon les besoins, les interprètent automatiquement pour en extraire les panneaux de signalisation, les feux rouges, etc. Ensuite, les bases de données sont mises à jour de manière semi-automatique pour terminer dans les GPS autonomes (PND) ou les différentes applications mobiles.

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Quels sont les enjeux pour aujourd'hui et pour demain ?

Selon une récente étude réalisée par OpinionWay pour Mappy (PDF), plus de huit Français sur dix utilisent un écran pour se guider sur la route des vacances. Ils sont 69% à utiliser un GPS autonome et 15% une application sur un smartphone ou une tablette tactile.

Le marché de la navigation, et donc implicitement celui de la cartographie, sont actuellement en plein essor. Il n'y a qu'à regarder les opérations de ventes et d'achat des spécialistes du secteur pour s'en rendre compte. Très récemment, la société américaine Uber s'est offerte les cartes Bing auprès de Microsoft afin de développer ses propres services et après avoir fait une offre qui n'a pas abouti de 3 milliards de dollars pour acquérir Here. Selon les responsables que nous avons pu interroger sur ce sujet, la cartographie s'inscrit au sein d'un marché qui va devenir colossal à court terme.

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Les besoins des populations en termes de déplacement croissent chaque année. La mobilité semble donc un vecteur d'avenir pour la cartographie. Les éditeurs de cartes s'efforcent de fournir des services de plus en plus précis, notamment en ce qui concerne les déplacements multimodaux - c'est-à-dire le fait d'utiliser plusieurs moyens de transport pour un seul trajet. Les informations correspondantes, dont celles des transports en commun (tracés, horaires, etc.) doivent être intégrées à la cartographie.

Selon Hervé Clauss de TomTom, la cartographie a un deuxième débouché très intéressant pour l'avenir : celui de l'Internet des objets. En effet, on constate l'émergence de plus en plus d'objets connectés, dont certains pourraient avoir besoin d'une géolocalisation, et le cas échéant, d'un certain niveau de cartographie. Dans ce domaine, et pour les entreprises à l'origine d'objets connectés nécessitant ce type de service, il s'agirait aux éditeurs de fournir des cartes plus ou moins détaillées (avec des options par exemple) selon les besoins.

Enfin, le troisième grand vecteur de développement de la cartographie est la voiture autonome et, plus généralement, la conduite automatisée. Selon Eric Fumat de Here, « finalement, la voiture doit comprendre le réseau autoroutier et cela passe par une cartographie la plus détaillée possible et d'une précision sans faille ». Et il poursuit : « Dans ce domaine, on a presque l'impression d'être revenu 30 ans en arrière tellement le potentiel d'innovation est immense ».

La cartographie est donc indispensable au véhicule autonome. Cependant, si les cartes aujourd'hui livrées par les différents éditeurs remplissent certains critères d'exigence dans ce domaine, il faut aller encore plus loin d'une manière généralisée, selon Hervé Clauss, de TomTom. D'après lui, les cartes actuelles ne sont pas assez précises puisqu'on peut obtenir en moyenne une précision de 5 mètres, ce qui correspond aux recommandations de l'ADAS (Advanced Driver Assistance Systems). A terme, il faudrait obtenir une précision d'une dizaine de centimètres.

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Les travaux d'évolution de la cartographie ont déjà commencé, notamment chez TomTom qui a déjà fait évoluer sa flotte de « Mobile Mapping » en ce sens. La firme néerlandaise travaille en collaboration avec les constructeurs automobiles souhaitant développer des projets de voitures autonomes et a fourni, par exemple, la solution de navigation prototype pour l'Audi qui s'est conduite toute seule de San Francisco jusqu'à Las Vegas en janvier dernier.

De plus, certes, les voitures autonomes embarquent des capteurs, des lasers et des caméras mais il faut nécessairement les associer avec un système performant de cartographie pour voir ce que les capteurs ne voient pas. La voiture autonome ne peut pas conduire seule exclusivement avec l'électronique embarquée : la cartographie permet ainsi de voir plus loin que la simple portée des dispositifs à bord des véhicules et ce, dans un souci d'anticipation, pour une conduite plus humaine.

Imaginez-vous à l'intérieur d'une voiture autonome qui a calculé qu'elle était capable de passer à 100 Km/h entre deux poteaux placés à une distance à peine plus large que la largeur de votre véhicule. A coup sûr, vous allez paniquer. Pourtant « ça passe ». Il faut donc que la voiture agisse, in fine, à peu près comme l'homme aurait l'habitude de conduire, et donc, qu'il passe à vitesse réduite dans des endroits exigus. C'est en cela que la cartographie pourra apporter beaucoup à la conduite de demain en termes d'anticipation et de précision.
Sylvain Pichot
Par Sylvain Pichot

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