Interview : IE10, vers une fusion du navigateur au sein de Windows

Guillaume Belfiore
Par Guillaume Belfiore, Rédacteur en chef adjoint.
Publié le 15 novembre 2012 à 17h29
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Disponible en version 10 au sein de Windows 8 et sous la forme d'une Platform Preview sur Windows 7, le navigateur Internet Explorer affiche une meilleure compatibilité avec les standards du HTML5. Sur Windows 8, et plus particulièrement au sein de l'interface Modern UI, c'est également pour Microsoft l'occasion de repenser l'ergonomie du web qui se place au même niveau que les applications.

De passage à Paris, Ryan Gavin et Rob Mauceri, respectivement General Manager et Group Program Manager au sein de la division Internet Explorer, ont accepté de répondre à nos questions sur l'évolution du logiciel, sa place face à la concurrence et les choix qui ont été effectués ces derniers temps.


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Internet Explorer face à la concurrence

Chrome, Firefox, Opera ou Safari disposent d'un écosystème d'extensions ou d'outils de synchronisation. Quand retrouverons-nous ce type de fonctionnalités sur IE ?

Rob Mauceri : Nous avons implémenté plein de fonctionnalités pour le consommateur au sein d'Internet Explorer 10. Prenez par exemple les résultats d'une recherche sur Internet, au lieu de cliquer sur chacune des pages proposées il est possible de naviguer directement du bout des doigts de droite à gauche. Cela fonctionne aussi par exemple avec les articles multi-pages.

Ryan Gavin : C'est une fonctionnalité du navigateur mais les développeurs n'ont pas besoin de modifier le code de leurs pages. IE10 offrira simplement cette ergonomie à une balise HTML déjà présente. Avec IE10 nous avons conçu un tout nouveau navigateur parce que nous sommes en plein cœur d'un changement majeur. Aujourd'hui les navigateurs ne sont pas développés pour les interfaces tactiles. La priorité était de faire un navigateur spécialement pour une nouvelle classe de terminaux sur lesquels l'ergonomie est contrôlé du bout des doigts.

R.M : En ce qui concerne l'ergonomie nous faisons aussi usage de Windows. Actuellement pour partager une page vous devez copier le lien dans la barre d'adresse et vous ouvrez votre gestionnaire d'email pour le coller et l'envoyer. Avec Windows 8 nous avons cette icône (NDLR : charms bar) pour partager du contenu avec une application ou des personnes. Dans ce dernier cas, cela créé automatiquement un email.

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Bien sûr mais il s'agit d'une fonctionnalité de Windows 8 et non d'Internet Explorer 10...

R.M : Vraiment ? Et quelle différence cela fait-il pour le consommateur ? C'est une fonctionnalité qui leur permet d'effectuer une tâche récurrente, en l'occurrence partager une page. Et je pense que les internautes s'en fichent de savoir si cette option est dans l'interface utilisateur d'IE ou dans celle de Windows parce qu'au final c'est l'appareil qu'ils ont choisi qui compte.

R.G : Vous abordez précisément le grand changement qui est en place. Avant les gens se demandaient quel navigateur adopter mais à l'avenir nous entendrons de plus en plus de personnes demander : "quel appareil as-tu choisi ?". Finalement c'est le contenu qui est important, qu'il s'agisse d'un site web ou d'une application. D'ailleurs dans Windows 8, je peux épingler aussi une application ou un site web.

Et concernant les extensions ?

R.G : Aujourd'hui les extensions font un peu partie du passé. Elles apportent quelques fonctionnalités en plus au sein du navigateur. Ce n'est pas qu'elles sont mauvaises, une fraction de gens les utilisent. La vraie question est : "comment apporter ces fonctionnalités non pas simplement au sein du navigateur mais dans l'intégralité du système ?". Cependant, au travers des retours des utilisateurs, il est clair que le contenu est plus important que le navigateur lui-même, lequel doit finalement se mettre en retrait avec un affichage en plein écran. C'est en tout cas l'approche que nous avons avec IE10 sur Windows 8.

Et quid des extensions pour la version d'IE10 sur le bureau classique ?

R.M : L'édition desktop continue d'être compatible avec les extensions déjà disponibles mais sur Windows 8, nous avons vraiment planché sur l'interface Modern UI.

Envisagez-vous des outils de synchronisation pour les favoris ou l'historique de navigation comme le proposent les concurrents ?

R.G : C'est quelque chose que nous ne proposons pas aujourd'hui mais au regard de notre stratégie actuelle, c'est effectivement un secteur qui nous intéresse. Puisque IE sur Windows 8 ou sur Windows Phone 8 partagent la même plateforme, c'est intéressant au niveau du développeur. En ce qui concerne le consommateur, il y a évidemment plein d'opportunités mais rien à annoncer aujourd'hui.

Enfin la plupart des navigateurs sont multi-plateforme. Pensez-vous qu'à l'avenir, Internet Explorer fera son retour sur Mac ?

R.G : Non, c'est difficile de construire une ergonomie au-dessus d'une autre totalement différente. Il n'y a qu'à voir la version de Chrome pour Windows 8 qui n'est pas du tout optimisée. Ils se sont contentés de placer leur édition de bureau. La navigation tactile n'est pas mise en avant. Selon nous le web doit être davantage intégré à l'appareil.

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Internet Explorer 10 et les standards du web

Avec le lancement de la récente version de Chrome l'on parle beaucoup de WebRTC. Quel est votre point de vue sur cette technologie ?

R.M : Comme avec la plupart des standards du W3C nous participons à toutes les discussions. Concernant WebRTC nous avons formulé des retours. Je ne m'en souviens plus en détails mais cela concernait les propositions de l'époque. Mais c'est tout à fait normal. Chaque éditeur apporte ses idées et ses prospectives sur les spécifications après les avoir testées.

R.G : Il y a aussi par exemple la prise en charge du multipoint. L'équipe de JQuery était particulièrement emballée et nous a demandé de soumettre cela en tant que standard. Un nouveau groupe de travail a été formé spécifiquement pour cela lundi dernier.

R.M : Il y a 18 mois il y avait une première version de WebSockets qui posait plusieurs problèmes de sécurité. Et peut-être vous souvenez-vous que Firefox avait embarqué une version de cette technologie avant d'avoir été obligé de l'enlever. Nous avons aussi participé à l'évolution de ce standard.

R.G : En ce qui concerne les standards du web, il y a une différence entre avoir des standards au sein de votre navigateur et avoir de bons standards. Les développeurs veulent des standards mais souhaitent également les adopter lorsqu'ils sont finalisés par exemple pour ne pas avoir a réécrire leurs pages web.

Cela signifie-t-il que vous ne changerez pas votre rythme de développement en vous calant sur celui de Mozilla ou de Google ?

R.M : Il faut faire la différence entre les mises à jour permettant de corriger des vulnérabilités et les nouvelles versions. Si vous prenez par exemple les dernières versions de Firefox, c'est difficile de savoir ce qui a changé. Pour ce type de mises à jour, nous les déployons sur IE tous les mois.

Et puis il y a les mises à jour qui apportent davantage de possibilités pour les développeurs. Depuis IE9 nous proposons des Platform Preview. Cela permet de déployer le moteur du navigateur afin que les développeurs puissent le tester puis nous formuler des retours. Par exemple nous avons implémenté IndexedDB au sein d'IE10 en le montrant au sein d'une précédente Platform Preview. La spécification était toujours en cours de rédaction et nous nous sommes rendus compte par nos testeurs que le quota, c'est-à-dire la quantité d'espace qu'un site peut utiliser sur votre disque dur, était tout bonnement absente de ce standard !

R.G : Sur Windows 8, la possibilité d'épingler un site en dehors du navigateur, par exemple, ce n'est pas une mise à jour de routine mais réellement une toute nouvelle version.

Votre point de vue a -t-il changé concernant WebGL ? Comment est implémentée l'accélération matérielle ?

R.M : WebGL a des problèmes de sécurité très connus et très documentés avec un accès direct au GPU. Ces derniers doivent être corrigés afin que les développeurs l'utilisent de manière responsable.

En ce qui concerne l'accélération matérielle, elle est directement au sein du navigateur. Nous avons implémenté l'accélération matérielle pour le texte, les images et les canvas dans Internet Explorer 9. Pour IE10, nous avons ajouté l'accélération matérielle pour SVG, text-shadows, les transformations, transitions et les animations CSS3.

R.G : IE10 est largement au-dessus des autres navigateurs en ce qui concerne l'accélération matérielle et l'on peut vraiment observer cela au travers des performances offertes par IE10 par rapport à celle de Google Chrome.

Un petit mot sur Flash. Puisque le lecteur est intégré à IE10 dans Windows 8 comment seront déployées les mises à jour ?

R.M : Il y a toujours beaucoup d'internautes qui utilisent Flash sur le web et nous nous sommes aperçus que nous devions travailler avec Adobe pour optimiser le lecteur au sein de Windows 8 aussi bien au niveau des performances, de la sécurité et de la stabilité. Les mises à jour seront déployées au travers de Windows Updates.

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La controverse sur Do Not Track

Concernant Do Not Track, allez-vous camper sur votre position et conserver l'activation par défaut ?

R.G : Pour IE10 nous continuerons toujours d'écouter les retours mais notre décision est l'activation par défaut. En vérité, ce n'est pas si difficile. Les gens ont été relativement clairs en affirmant qu'ils souhaitaient davantage de contrôle sur leur vie privée en ligne. Plusieurs études tierces montrent que pour les internautes, la vie privée est devenue une nouvelle forme de sécurité.

Nous pensons que le client et ses attentes doivent être mis au premier niveau et Do Not Track, bien qu'inachevé à l'heure actuelle, est un premier pas dans cette direction. De plus c'est en continuité avec notre système de filtres implémenté au sein d'IE9.

Nous connaissons la réaction de certaines régies publicitaires face à Do Not Track, quelle fut celle de Microsoft Advertising ?

B.G : Nous sommes positionnés aussi bien sur le secteur du logiciel que sur celui du web. Bing tout comme notre régie publicitaire sont très importants pour nous. Cela nous permet d'avoir une balance. Bien sûr, nous en parlons en interne et tout le monde s'accorde à dire que les demandes des consommateurs doivent être placées au premier plan.

Globalement, la standardisation de Do Not Track reste compromise...

R.G : Do Not Track se positionne au croisement de problématiques technologiques, publicitaires et légales et lorsque tout s'effondre alors cela prend du temps à reconstruire. Je ne saurais affirmer la manière dont Do Not Track va évoluer. Ce que je peux dire c'est que nous prenons part aux discussions en cours sur ces trois secteurs.

R.M : Il y avait une problématique similaire dans le secteur des listes de diffusion. Vous receviez des lettres mais ne disposiez pas d'outils pour vous désinscrire. Puis les autorités ont décidé d'obliger ce fameux lien permettant de ne plus recevoir ces newsletters. Au début l'industrie était très inquiète de perdre cette base d'abonnés. Et au fil du temps ils ont su apporter une valeur ajoutée à ces emails par exemple en y ajoutant des codes promotionnels.

L'affaire Windows RT

Sur Windows RT, Microsoft n'a pas donné accès aux API pour concevoir des applications de bureau. Mozilla expliquait qu'il y avait un donc un problème avec les lois de la Concurrence puisqu'ils ne peuvent proposer un navigateur alternatif au moins aussi puissant. Qu'en pensez-vous ?

R.G : Quel navigateur puis-je installer sur mon Chromebook ? sur mon Kindle Fire ? sur mon Nexus 10 ? Sur les appareils faisant usage d'une architecture ARM, il faut voir les choses différemment. Nous travaillons de manière très rapprochée avec les fabricants de processeurs et de cartes graphiques afin d'optimiser le système au maximum et augmenter la sécurité de ce dernier. Il en résulte des attentes différentes de la part du consommateur. Cela se traduit par un modèle de programmation adéquat et cohérent. Sur ce type d'appareil le consommateur fera donc comme sur l'iPad : il se rendra au sein du kiosque dédié pour récupérer une application.

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Internet Explorer 10 Platform Preview sur Windows 7

Vous venez de lancer Internet Explorer 10 en Platform Preview pour Windows 7. La fonctionnalité Do Not Track est activée par défaut mais de quelle manière cette version se différencie-t-elle de celle pour Windows 8 ?

R.M : IE10 sur Windows 7 dispose du même moteur avec les mêmes technologies de rendu avec toutes les nouveautés du HTML et CSS que nous avons apportées, qu'il s'agisse de la prise en charge de 3D Transforms, Animations, Transitions, LocalStorage avec IndexedDB et App Cache ou encore WebWorkers. Le moteur JavaScript est identique.

Et concernant le lecteur Flash, ce dernier est-il directement intégré au navigateur ou se présente-t-il sous la forme d'un plugin ?

R.M : Flash fonctionne de la même manière qu'Internet Explorer 9 sur Windows 7. C'est un plugin qui est mis à jour par Adobe comme par le passé.

Pourquoi ne pas avoir sorti IE10 sur Windows 7 en même temps que sur Windows 8 ?

R.M : Nous nous sommes premièrement focalisés sur Windows 8 donc le code de cette Platform Preview est bien testé. Cependant il y a un énorme écosystème autour de Windows 7 avec des cartes graphiques et des pilotes différents. Nous avons besoins de temps pour recueillir les retours des utilisateurs et corriger les éventuels derniers problèmes.

Je vous remercie.
Guillaume Belfiore
Rédacteur en chef adjoint
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