Dans la grande guerre de l’attention qui l’oppose à TikTok ou d’autres applications très populaires, Google a choisi les armes du fourbe. D’après une enquête de The Information, la firme de Mountain View s’accapare les données d’utilisation des applications concurrentes afin de développer ses propres produits.
Un programme interne, baptisé Android Lockbox, permettrait aux développeurs de Google d’avoir accès à des données personnelles très sensibles sur l’utilisation par les usagers d’Android des applications identifiées comme « concurrentes ».
TikTok, Instagram et Facebook particulièrement visés
À quel moment de la journée les utilisateurs de TikTok, Instagram et Facebook ouvrent-ils l’application ? Combien de temps y restent-ils ? Combien de fois par jour reviennent-ils dessus ? Voilà le genre de données — anonymisées, précise The Information — que récupère Google sur les services concurrents.
TikTok, sans doute l’application la plus populaire au monde actuellement, concentre d’ailleurs toute l’attention du géant du Web. La raison ? Shorts, le « clone » de TikTok que Google prévoit de lancer via sa filiale YouTube.
Dans une réponse adressée à The Information, Google ne nie pas et confirme même avoir accès à des données d'usage de la part d’applications concurrentes. Mais ces données ne permettent pas à Google d’identifier la manière dont les utilisateurs se comportent sur ces applications, promet le porte-parole.
L’utilisateur aurait le contrôle sur ces données
Dans une réponse adressée au site The Verge, Google arrondit les angles en expliquant que cette collecte de données n’est pas née de la dernière pluie. « Depuis 2014, l’API Android App Usage Date a été utilisée par Google et les développeurs Android qui ont été autorisés par les OEMs ou les utilisateurs à accéder à des données basiques sur l’usage des applications — comme le nombre de fois où ces apps sont ouvertes — afin d’analyser et d’améliorer les services ».
Effectivement, d’après The Information, la collecte de données au sein des applications concurrentes est au plus haut lorsque, lors du paramétrage initial du téléphone, l’utilisateur choisit de partager les données d’utilisation à Google afin d’améliorer ses services. Pour les désactiver, il vous suffit de vous rendre dans les paramètres du téléphone, onglet Confidentialité, et de rechercher les termes « Utilisation », « Analyse » ou « Diagnostics » (les termes peuvent changer selon la version d’Android et la surcouche qui est installée).
Dans sa réponse à The Verge, le porte-parole de l’entreprise enfonce encore que ces données sont récupérées par Google « uniquement via cette API » et qu’elles peuvent servir à optimiser la batterie du téléphone et apporter plus de pertinence à la fonctionnalité de bien-être numérique intégrée à Android l’an dernier.
Une accusation qui tombe mal pour Google
Que Google collecte énormément de données sur ses utilisateurs n’est pas une révélation. On sait de longue date que les appareils Android récupèrent environ 10 fois plus de données sur leurs usagers par rapport à iOS. Seulement, Google est actuellement empêtrée dans une série de procès pour concurrence déloyale aux États-Unis, et l’enquête de The Information ne fait rien pour arranger ses affaires.
Si les différents procès faits à Google concernent essentiellement son monopole publicitaire ainsi que sa position dominante sur la recherche Internet, ce n’est pas la première fois que la firme est épinglée par les organismes antitrust pour son système d’exploitation mobile.
On se souvient notamment de l’amende record de 50 millions d’euros infligés par la CNIL à Google pour ses manquements au RGPD en 2019. Une décision que le géant du Web a d’ailleurs récemment tenté de rendre caduque — sans succès.