De l'essence de synthèse, produite grâce aux champs d’éoliennes du Chili et à du CO2 capturé dans l’atmosphère.
Les gouvernements de nombreux pays prennent des mesures de plus en plus restrictives à l’encontre des moteurs à combustion. Certains envisagent même d'interdire la vente de véhicules thermiques d’ici une à deux décennies, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni, ou encore l’État de Californie.
Pour le constructeur allemand Porsche, et plus précisément pour certains de ses modèles phares, dont les mythiques 911 et 718, l'électrification totale reste pour l’instant inenvisageable ; au mieux, la marque allemande évoque des versions hybrides à venir. Afin de pérenniser le recours à des moteurs thermiques, la firme planche donc sur la production de carburant de synthèse décarboné.
L'hybridation au secours du Flat 6 de Porsche
Fabriqué grâce à de l’électricité verte
L’élaboration de ce carburant repose sur la production d’hydrogène par électrolyse, ensuite combiné par catalyse à du dioxyde de carbone ponctionné dans l’air ambiant - « recyclé » en quelque sorte. De ce processus résulte du méthanol, plus connu sous l’appellation alcool méthylique.
Il s'agit d'un liquide facilement transportable, que la société doit ensuite acheminer en Europe pour qu'il soit transformé en un carburant vierge de toute énergie fossile - du moins, d’énergie fossile nouvellement exploitée - appelé « e-Fuels ».
Naturellement, pour que le carburant produit par ce biais se prétende écolo, il faut que l’électricité utilisée pour l’élaborer le soit également. Par conséquent, Porsche a décidé de placer son usine pilote Haru Oni au Chili, non loin des champs d’éoliennes de la venteuse province de Megallanes : le site fonctionnera donc grâce à cette source d’énergie.
Dans le cadre de ce projet, Porsche collabore notamment avec Siemens Energy. Dans un premier temps, ce « e-Fuels » sera expérimenté dans les voitures Porsche. Intrinsèquement, il serait compatible avec les véhicules à moteur thermique d’autres marques.
Christian Bruch, P.-D.G. de Siemens Energy, expose sa vision : « La mise en place d'une économie énergétiquement durable va nécessiter de repenser nos modes de production. Les énergies renouvelables ne seront plus produites uniquement là où elles sont nécessaires, mais là où des ressources naturelles comme le vent et le soleil sont disponibles à grande échelle. De nouvelles chaînes d'approvisionnement vont donc apparaître dans le monde entier pour transporter l'énergie renouvelable d'une région à l'autre. C'est particulièrement important pour l'Allemagne, qui doit importer de l'énergie si elle veut satisfaire sa demande nationale ».
La production ciblée est de 130 000 litres de carburant dès 2022, durant la phase pilote. La capacité sera étendue à 55 millions de litres de carburants par an d'ici 2024, puis 550 millions de litres d'ici 2026. Parmi les autres partenaires du projet, figurent l'entreprise énergétique AME et la compagnie pétrolière ENAP du Chili, ainsi que la compagnie énergétique italienne Enel.
Un carburant de substitution bien accueilli ?
Michael Steiner, responsable de la R&D chez Porsche, estime qu’au départ, ce carburant renouvelable sera plus onéreux que l’essence classique. Toutefois, il suppose qu’avec des économies d’échelle, il pourrait se révéler compétitif, sous réserve d’être moins taxé. Pour l’instant, Michael Steiner ignore la manière dont les gouvernements accueilleront l'e-Fuels, et à par extension s’il permettra d’infléchir leur croisade menée contre les véhicules à moteur thermique.
De fait, il faudra du temps avant de renouveler complètement le parc automobile mondial ; les véhicules qui roulent à l’essence sillonneront les routes pendant encore plusieurs années. Et encore, c'est sans compter sur les autres transports : camions, avions, cargos… Par conséquent, dans une stratégie globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre, concevoir des carburants plus vertueux reste une piste parmi d’autres.
En tout cas, du côté de Porsche, ce projet de carburant synthétique ne s’oppose pas à la transition vers le développement de nouvelles voitures électriques. Michael Steiner rappelle que « d'ici 2025, au moins 50 % des voitures que nous vendrons seront entièrement électriques ou hybrides rechargeables ».
Enfin, sachez que Porsche n'est pas la seule entreprise du secteur à travailler sur ce genre de projet : BMW et Audi s'attèlent aussi à cette tâche.