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Le principal argument de vente des véhicules hybrides rechargeables repose sur leurs faibles émissions de CO2 ; sauf qu'en réalité, celles-ci sont nettement sous-estimées.

Comme n’importe quel véhicule commercialisé, un véhicule hybride rechargeable est soumis à des tests d’homologation qui mesurent ses émissions de gaz à effet de serre ; ces tests sont malheureusement souvent accusés de ne pas refléter les émissions réelles des voitures. Cette critique est d’autant plus fondée pour les véhicules électrifiés. La raison : ils sont équipés d'un moteur à combustion et d'un moteur électrique, et leurs émissions dépendent très fortement des habitudes de conduite de leur propriétaire ; plus encore que dans le cas des voitures équipées d’un seul moteur à combustion.

Les habitudes de conduite de plus de 100 000 conducteurs décortiquées

En matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur automobile, l’Europe a fixé le cap : celles-ci doivent diminuer d’environ 40 % d’ici 2030. Pour parvenir à cet objectif, les constructeurs ont recours à diverses stratégies ; parmi celles-ci, l’hybridation des véhicules. Or, une récente étude, menée conjointement par l'institut allemand Fraunhofer pour la recherche sur les systèmes et l'innovation (ISI) et le Conseil international pour le transport propre (ICCT), montre que les valeurs d’émissions communiquées de ces véhicules sont très éloignées des valeurs réelles.

« En moyenne, les valeurs réelles de consommation de carburant et d'émissions de CO2 des véhicules hybrides rechargeables pour les conducteurs privés en Allemagne sont plus de deux fois plus élevées que celles enregistrées par la procédure de test officielle. Pour les voitures de société, l'écart est même quatre fois supérieur aux valeurs officielles », rapporte Patrick Plötz, coordinateur de la Business Unit Energy Economy au Fraunhofer ISI et auteur principal de l'étude.

Cette déclaration s’appuie sur une enquête d’envergure. Elle se base sur des éléments recueillis auprès de plus de 100 000 conducteurs de véhicules électriques hybrides rechargeables répartis aux quatre coins du globe : Europe, Amérique du Nord et Chine. Les chercheurs ont étudié des données anonymes sur l’utilisation de ces véhicules, renseignées par les utilisateurs eux-mêmes sur des portails tels que MyMPG (États-Unis) et Spritmonitor (Allemagne) ; cela inclut également les voitures de société.

Des moteurs électriques finalement très peu utilisés

Le constat est sans ambiguïté : la plupart des conducteurs ne rechargent pas souvent leur véhicule. Ainsi, la majorité des trajets s’effectuent grâce au moteur à combustion.

Concrètement, en Allemagne, les utilisateurs privés ne rechargent leur véhicule hybride que trois jours sur quatre ; pour les voitures de société, la fréquence de recharge tombe à un jour sur deux. Par conséquent, en moyenne et au niveau mondial, les véhicules hybrides rechargeables privés n’effectuent que 37 % de leur kilométrage en mode électrique ; pour les véhicules de société, cette valeur n’est que de 20 %.

Le hic, c’est que les tests d’homologation ont une prévision d'utilisation du véhicule en mode électrique bien plus optimiste : 69 % dans un cadre privé, 63 % dans un cadre professionnel. Forcément, par rapport à la réalité, cela réduirait drastiquement la consommation de carburant et donc les émissions de CO2.

L’étude rapporte ainsi : « La part réelle de la conduite électrique des VHR est, en moyenne, environ la moitié de la part considérée dans les valeurs d’homologation. Pour les voitures des particuliers, le facteur d'utilité moyen (UF) - la proportion de kilomètres parcourus sur un moteur électrique par rapport aux kilomètres parcourus sur un moteur à combustion - est de 69 % pour le NEDC (Nouveau cycle européen de conduite), mais seulement d'environ 37 % pour la conduite en conditions réelles. Pour les voitures de société, l’UF moyen est de 63 % pour le NEDC ; en conditions réelles, il est de 20 % ».

Si le prorata électrique/thermique avancé par le NEDC peut sembler aberrant, de fait, les pratiques du conducteur ont une réelle incidence sur celui-ci. Et de fait, la part d’utilisation du véhicule en mode électrique varie beaucoup selon les pays.

D'après le rapport, les bons élèves se trouvent principalement en Norvège et aux États-Unis : les conducteurs privés de véhicules hybrides qui résident dans ces deux contrées roulent en moyenne 53 % et 54 % respectivement en électrique. Situation inverse en Chine, où seulement 26 % de la distance parcourue repose sur l'électrique, toujours dans le cadre d’un usage domestique. En Allemagne, 43 % des trajets se pratiquent en électrique chez les privés, mais seulement 18 % pour les voitures de société.

Des préconisations pour changer les habitudes des conducteurs

Les auteurs de cette étude demandent à la Commission Européenne de réévaluer ses procédures de test et d’avoir recours à des valeurs plus pertinentes pour le NEDC.

Vous l’imaginez, au regard de l’impact des habitudes de conduite des automobilistes, ils préconisent aussi quelques mesures incitatives pour modifier les comportements ; et celles-ci risquent ne pas plaire à tout le monde…

Par exemple, les chercheurs prescrivent de conditionner les subventions octroyées lors de l’acquisition d’un véhicule hybride à la démonstration d’une conduite réellement électrique de la part du propriétaire de la voiture ; dans un contexte professionnel, ils exhortent les gestionnaires de parcs automobiles à faciliter la recharge et à restreindre le budget essence/diesel pour inciter les employés à mieux exploiter les capacités électriques de leur véhicule.

Enfin, les chercheurs souhaitent que les constructeurs augmentent l’autonomie des véhicules hybrides de 50 à 90 kilomètres et limitent la puissance du moteur à combustion ; cela, toujours dans l’optique de contraindre les conducteurs à conduire essentiellement en électrique.

Peter Mock, directeur l’ICCT, conclut : « Les gouvernements nationaux devraient fournir des incitations fiscales uniquement pour les modèles de véhicules hybrides rechargeables qui offrent une grande autonomie électrique et limitent la puissance du moteur à combustion intégré ».