La décision de l'Union européenne de vouloir faire participer les grands acteurs du numérique au coût des infrastructures interroge les défenseurs de la neutralité du Net.
Thierry Breton, le commissaire européen chargé du marché intérieur, a annoncé que les grandes plateformes numériques devraient participer au coût des infrastructures de télécommunications à partir de la fin de l'année. Si cette décision peut être justifiée par des raisons d'équité, celles-ci représentant plus de 50 % de la bande passante mondiale, elle pourrait remettre en cause la neutralité du Net, pourtant consacrée dans l'Union européenne.
Qu'est-ce que la neutralité du Net ?
La neutralité du Net, l'un des principes fondateurs d'Internet tel qu'il a été pensé, est le principe selon lequel tous les contenus et tous les utilisateurs doivent pouvoir bénéficier équitablement de ses infrastructures. Cela signifie notamment que les fournisseurs ont l'obligation de traiter tout le trafic de façon égale et sans discrimination.
Ce principe, qui est loin d'être respecté partout dans le monde, est censé être appliqué dans l'Union européenne depuis 2015 et l'adoption d'un règlement relatif à l'Internet ouvert. La Cour de justice européenne l'a même consacré dans un arrêt du mardi 15 septembre 2020. Dans les faits, cet arrêt interdit à tout fournisseur d'accès internet de privilégier certains services si leurs concurrents sont bloqués ou limités.
Les géants du numérique vont devoir mettre la main à la poche : quid de la neutralité du Net ?
Cette décision de l'Union européenne en a donc surpris plus d'un, car l'obligation de participation aux infrastructures appliquée uniquement à certains acteurs constitue une différenciation nette par rapport aux plus petites plateformes. Et s'il existe déjà des exceptions permettant une discrimination d'accès pour certains services, ces règles sont précises et bien cadrées. Un précédent arrêt de la CJE avait d'ailleurs précisément statué sur l'interdiction d'un traitement différencié pour des raisons purement commerciales.
Si cette décision venait à être appliquée se poserait une autre question : est-il concevable que les quelques plateformes concernées acceptent de payer sans aucune contrepartie ? Ou cet accroc dans la neutralité du Net leur permettrait-il d'exiger un traitement préférentiel de leurs propres services ?
Thierry Breton se justifie ainsi : « Les règles en place depuis vingt ans s'essoufflent et les opérateurs n'ont plus le bon retour sur leurs investissements. Il est nécessaire de réorganiser la juste rémunération des réseaux ». Reste donc à voir si ce revirement est une mise à jour nécessaire de règles vieillissantes ou, au contraire, un abandon par l'Union européenne d'un principe qu'elle s'était elle-même imposée.
Sources : La Tribune, Le Monde