Quand on pense robotisation d'une chaîne de production, on imagine que ce sont des emplois humains qui sont directement supprimés. C'est le cas des postes les moins qualifiés. L'équation est plus complexe qu'il n'y paraît puisque ce sont les pays les plus robotisés qui ont les taux de chômage les plus bas.
Face aux experts qui prophétisent cette fin du travail au profit des machines, les professionnels du secteur de la robotique tiennent un discours bien différent. « Moins d'automatisation ne signifie pas plus d'ouvriers dans les usines, mais moins d'industrie » martèle Serge Nadreau, président du groupe robotique au Symop (syndicat des machines et technologies de production) et directeur d'activité robotique d'ABB France.
- Cet article est la suite de notre dossier consacré à l'impact de la robotique sur l'emploi : Les robots sont-ils un risque mortel pour l'emploi ?
« Avoir une industrie compétitive, c'est avoir une industrie automatisée dont les taux d'automatisation sont équivalents à ceux de nos voisins allemands. Le taux de robotique allemand est bien supérieur au notre, or, leur taux de chômage, bien inférieur. Il vaut mieux avoir une entreprise présente en France compétitive et équipée de robots que pas d'entreprise du tout. Il est important que l'on préserve des usines sur notre sol et même que l'on en recrée. »
Plus de robot = moins de chômage !
Ce discours fait écho à la position défendue par l'IFR (International Federation of Robotics). Les pays les plus robotisés, à savoir la Corée du Sud, le Japon et l'Allemagne comptent respectivement 478, 314 et 292 robots pour 10 000 employés. Ce sont aussi ceux qui affichent les plus faibles taux de chômage dans le monde.Si la Chine est aujourd'hui le plus gros acheteur de robots industriels, la Corée du Sud, Japon et Allemagne sont les pays où la densité de robots industriels est la plus élevée.
Pour pouvoir créer des emplois industriels, les entreprises doivent avant tout être compétitives au niveau international. Même la Chine, qui a longtemps misé sur sa main d'œuvre à faible coût, a changé son fusil d'épaule et parie désormais sur la robotique pour rester l'usine du monde. Les déclarations tonitruantes du patron de Foxconn, qui a annoncé en 2014 vouloir remplacer 1 million d'ouvriers par 1 million de robots, sont en train de se traduire dans les faits. Les entreprises chinoises sont devenues les plus grosses acheteuses de robots industriels au monde, loin devant les japonaises, les américaines ou coréennes. En 2015, elles ont acquis 66 000 robots industriels, un chiffre record alors que la production mondiale atteint 240 000 robots.
Dans le même temps, l'ensemble des pays européens achetaient 50 000 robots, les États-Unis, le Canada et le Mexique, 34 000 robots. Pour Jean Tournoux, délégué général du Symop, il est vain de vouloir rivaliser avec la Chine, même avec des robots : « La Chine achète aujourd'hui 20 fois plus de robots que nous. Leurs industriels sont dans une approche de production de masse. Ils robotisent leurs chaines d'assemblage de composants électronique, de smartphone. Nous, nous misons sur la robotique pour gagner en flexibilité, en efficacité et en ergonomie ».
La robotique peut aussi créer des emplois
Plutôt que d'essayer de grappiller quelques miettes laissées par les industriels chinois contre qui, robots ou pas, elles ne seront jamais compétitives, les entreprises françaises doivent miser sur le numérique pour cultiver leur différence : « Elles doivent mettre en place une offre industrielle bien différenciée et dont la robotique n'est qu'une des briques au même titre que la CAO, la fabrication additive, la réalité augmentée. C'est comme cela que nous arriverons à faire la différence ».Rapidité dans la mise en place d'une production, flexibilité dans les modifications à apporter et la personnalisation des produits, c'est sans doute comme cela que l'industrie française parviendra à se faire une place sur le marché international et le numérique est sans doute l'arme qui lui permettra d'atteindre cet objectif.
La robotique ne détruit pas l'emploi, elle en crée, c'est le message que veulent faire passer les professionnels de la robotique... chiffres à l'appui. Ainsi, une étude de l'IFR (qui ne tient donc pas compte de l'impact du numérique et des agents logiciels) estime que la robotique a permis la création de 8 à 10 millions d'emplois depuis ses origines jusqu'en 2008, puis entre 500 000 et 750 000 emplois et enfin 900 000 à 1,5 million d'emplois supplémentaires entre 2012 et 2016. Sur ces nouveaux emplois, peu sont localisés chez les constructeurs de robots, et les roboticiens, qui mettent en œuvre les robots dans les entreprises, ne représentent qu'une faible part des emplois créés.
Ce sont essentiellement les secteurs de l'automobile et de l'électronique qui constituent l'essentiel des postes créés directement ou indirectement par la robotique, avec une montée en puissance de l'agroalimentaire, la chimie/pharmacie et les nouvelles activités dont les Green Tech qui monteront en puissance sur la période 2017 et 2020.
Cette enquête soulève de nombreuses interrogations. La semaine prochaine, la rédaction de Clubic abordera les risques de chômage de masse que pourrait générer une robotisation poussée.
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