« Apricot bar code architecture », un best-seller Amazon signé par l'IA.
Mardi dernier, la section best-seller du programme Kindle Unlimited (KU) d'Amazon était remplie de romans écrits par… l'intelligence artificielle présentant des qualités littéraires plutôt contestables. Le problème semble, hélas, récurrent. Et si Amazon a, semble-t-il, réglé cela dès mercredi, cette perspective a de quoi inquiéter les auteurs et les questions de droits d'auteur, à l'instar des IA génératrices d'art. Cela démontre aussi qu'Amazon n'a jamais réussi à se débarrasser des fermes à clics qui pourrissent son service.
Les IA se sentent-elles une âme d'artiste ?
Mardi dernier, l'autrice indépendante Caitlyn Lynch tweete une capture d'écran d'un des best-sellers de la catégorie romance pour jeunes adultes. Et elle ajoute « regardez le top 100 [dans cette catégorie]. Je vois 19 vrais livres. Le reste est du contenu sans aucun sens produit par IA ». Et un coup d'œil à la liste pourrait difficilement lui donner tort : de la couverture au texte des livres, en passant par la description Amazon, rien n'a de sens. On découvre ainsi une suite de phrases, certes correctes grammaticalement, mais sans trop de rapport entre elles, et qui ne peuvent pas vraiment être considérées comme un travail artistique.
Amazon a réagi dès le lendemain, et la liste des best-sellers a depuis retrouvé un aspect habituel, mais les livres concernés sont toujours disponibles à la vente. Et sans mobiliser de travail humain - en tout cas de la part de leurs auteurs - il est probable qu'ils restent rentables, même si personne ne venait à les acheter. Tout cela grâce au programme Kindle Unlimited d'Amazon, qui permet à ses abonnés de lire autant de livres présents sur la plateforme qu'ils le souhaitent, moyennant un abonnement mensuel. Les auteurs participant au programme sont ensuite rémunérés en fonction du nombre de pages lues.
Publier des contenus sans les vérifier aurait donc des conséquences ?
Ne se contentant pas d'en être le plus grand distributeur, Amazon a trouvé le meilleur moyen de devenir le plus grand éditeur de livres au monde : c'est-à-dire en acceptant absolument tous les manuscrits qu'on lui soumet. En effet, vous pouvez dès à présent soumettre votre propre livre qui sera disponible à la vente sur Amazon en 6 étapes et probablement pas plus de quelques minutes. Après avoir fixé le prix, qui ne peut être inférieur à trois euros, félicitations : vous êtes désormais un auteur publié. Pas étonnant dans ces conditions que l'on trouve autant d'ouvrages complotistes, néonazis, ou tout simplement extrêmement mauvais, qui n'ont trouvé leur place nulle part ailleurs.
Mais si tous ces livres écrits par IA se sont retrouvés aussi bien référencés, c'est presque certainement à cause des fermes à clics, qui ont dû « lire » consciencieusement chacun d'entre eux à de multiples reprises. Et le problème des fermes à clics, c'est qu'il est presque aussi vieux qu'Amazon qui ne parvient apparemment jamais à se défaire réellement du problème. En étant aussi bien situés, et ne coutant presque rien à ceux qui les publient, ces livres récupèrent une part du gâteau de Kindle Unlimited, quand bien même les visiteurs curieux n'en liraient qu'une ou deux pages.
Et ça, c'est évidemment un problème pour les auteurs indépendants membres du programme, qui risquent de voir leurs revenus chuter. Cette perte de revenus est d'une part due à la perte de visibilité induite par l'océan de nouveautés générées par IA qui leur fait désormais concurrence, et qui risque de faire baisser leurs ventes. Mais surtout, l'abonnement Amazon Kindle, qui permet de lire autant d'ebooks que l'on souhaite sur la plateforme, risque de devenir considérablement moins intéressant, pour les lecteurs comme pour les auteurs. Invisibles et noyés sous des livres sans aucun sens, ces derniers pourraient bien finir par quitter le programme. Avant d'être probablement imités par leurs lecteurs.
- Un moyen de lire les ebooks sur smartphone et tablette
- Application gratuite avec achats d'ebooks
- Pas de livres audio
Source : Vice