Qwant, le moteur de recherche français respectueux de la vie privée, largement ignoré une fois sorti des administrations, n'a pas eu du tout le succès escompté.
Alors, selon un article de Politico, son ex-patron Eric Leandri s'est bâti une florissante carrière dédiée à la destruction de tous les principes qu'il défendait quand il dirigeait l'entreprise. Celui qui se présentait comme un ardent défenseur de la vie privée travaille désormais main dans la main avec des marchands d'armes à la vente d'instruments de cybersurveillance pour des gouvernements autoritaires.
Passé en deux ans de croisé de la vie privée à surveillant en chef
C'est en 2011 que Leandri commence à se faire un nom. Il cofonde alors Qwant, un moteur de recherche qui se veut souverain et est destiné à concurrencer les géants américains en la matière, Google en tête. Avec une différence de philosophie claire : Leandri met à chaque fois qu'il le peut la défense de la vie privée des utilisateurs en tête de ses priorités. L'homme semble savoir ce qu'il fait, et réussit en tout cas à convaincre les pouvoirs publics : en 11 ans, son entreprise reçoit plus de 50 millions d'euros d'argent public français et européen.
Début 2020, Qwant devient également le moteur de recherche officiel des administrations françaises. Mais ces sérieux coups de pouces ne suffisent pas et l'entreprise cumule aujourd'hui 80 millions d'euros de dettes, pour un revenu annuel inférieur à 12 millions. Et sa technologie, toujours pas au point, repose encore largement sur les services de Bing, pourtant théoriquement un concurrent.
Leandri quitte l'entreprise en 2020, en disgrâce. Il crée alors Altrnativ, une entreprise du secteur, mais qui se situe de l'autre côté du spectre par rapport à ce qu'il défendait jusqu'alors. On parle en effet ici de cybersurveillance, et ses clients sont tout autant les grandes entreprises françaises que certains régimes totalitaires sur le continent africain.
Altrnativ, l'invention de l'espionnage en open source
Malgré toutes les aides dont a pu bénéficier Qwant, la marche était peut-être un peu trop haute. Alors Leandri a réussi à prouver autrement que la French Tech pouvait s'exporter à l'international. Car en à peine deux ans d'existence, Altrnativ a réussi à se faire une place et sa liste de clients est aussi longue que variée. Leandri présente les services de son entreprise comme de l'enquête en open source, c'est-à-dire à partir d'informations librement accessibles sur Internet. Utilisant des plateformes de collecte et de tri massifs de données, il peut ainsi définir les profils de milliers de personnes (même fonctionnement que pour les publicités ciblées, mais cette fois-ci pour un but autrement plus dangereux). Cerise sur le gâteau, le procédé ne respecte évidemment pas, pour les utilisateurs concernés, le RGPD.
Mais ce dernier point ne s'applique que pour les clients européens d'Altrnativ. Car si l'entreprise n'en manque pas (surveillance des critiques Bernard Arnault et de LVMH, des syndicalistes de Lesieur, des employés de l'armateur Naval Group, ou encore du Groupe Dassault), ses activités sortent des frontières du Vieux Continent. Les documents obtenus par Politico montrent que le groupe a ainsi fourni des solutions aux gouvernements du Tchad, du Bénin, du Congo, ou encore des Comores, leur permettant d'espionner de multiples manières leurs opposants. Ce qui arrive ensuite à ces derniers n'est pas le problème de Leandri. Cet article ne peut pas revenir sur l'ensemble des informations révélées par Politico, mais les services d'Alternativ ont parfois été associés à des contrats passés avec d'authentiques marchands d'armes, et Leandri n'a pas hésité à recruter d'anciens hauts fonctionnaires français pour étendre son influence en Afrique. Il aura au moins réussi à prouver la justesse et la nécessité du combat qu'il a autrefois mené.
Source : Politico
- Interface riche et conviviale
- Qwant Junior bien pensé
- Une vraie R&D pour un vrai concurrent