La rémunération ou redevance copie privée s'applique aujourd'hui à l'achat de produits neufs. Demain, elle pourrait être étendue aux produits reconditionnés.
Dans le cadre de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, le ministère de la Culture souhaite l'instauration de nouvelles taxes, dont l'une viendrait notamment frapper les produits reconditionnés déjà soumis à la redevance copie privée, et en ajouter d'autres. Si un amendement a été adopté par le Sénat, le gouvernement veut l'écarter d'un revers de la main, à la demande du Premier ministre Jean Castex, comme l'indique notre confrère de Next INpact, Marc Rees. Offrons-nous d'abord une piqûre de rappel de ce qu'est la redevance copie privée, avant de voir ce que son application à certains produits reconditionnés pourrait changer.
La redevance copie privée appliquée à l'achat de nombreux appareils électroniques
Instaurée en Allemagne en 1965, la rémunération pour copie privée est arrivée en France plus tard, en 1985. Encadrée par la loi, cette redevance consiste à autoriser n'importe quel citoyen français à faire des copies de contenus dits « culturels » pour son propre usage personnel. Cela concerne aussi bien les films, les séries et autres vidéos que les musiques, les arts visuels ou les photos, qui doivent avoir été acquis en toute légalité.
En échange de cette autorisation qui fait figure d'exception au droit d'auteur, chaque consommateur qui achète une tablette, un smartphone, une clé USB ou un disque sur externe, en bref tout support avec une capacité de stockage, verse indirectement une part minime du prix de son achat aux auteurs, artistes, compositeurs, producteurs et éditeurs des œuvres copiées, notamment par l'intermédiaire de la SACEM, à 75 %, et à hauteur de 25 % à destination du spectacle vivant.
Cette rémunération, qui porte sur un faible pourcentage du prix (c'était 1,43 % du prix de vente de l'iPhone 11 de 256 Go par exemple), est généralement imputée par les fabricants des appareils concernés au prix final payé par les consommateurs.
Cette redevance copie privée, le gouvernement souhaite l'appliquer aux appareils reconditionnés et l'étendre à de nouveaux appareils, comme les disques durs internes et ordinateurs, qui étaient jusque-là épargnés. Autant dire que la démarche, pas très écologique, pourrait freiner l'essor de la pratique visant à s'équiper de biens reconditionnés, et finalement favoriser l'achat d'appareils neufs, allant à l'encontre donc de l'esprit initial de la proposition de loi.
Les temps sont durs pour la « copie privée »
Si vous êtes de fidèles lecteurs de Clubic, vous avez peut-être lu nos différents papiers autour de la proposition de loi destinée à lutter en faveur de la sobriété numérique, ou « loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France ». Vous n'êtes donc pas sans savoir que tout un pan de ce texte, qui transite entre les deux chambres du Parlement depuis plusieurs semaines, concerne le reconditionnement des appareils, dont les smartphones. Le législateur souhaite notamment que le reconditionnement jouisse d'un véritable traçage pour que l'utilisateur final soit informé du pays de provenance, de la suppression des données ou de la sécurité de l'appareil.
Sauf que les recettes tirées de la redevance copie privée ne cessent de diminuer : 300 millions d'euros en 2018, 271 millions d'euros en 2019. Et la baisse progressive des copies privées sur les différents supports visés n'aide pas, les plateformes de streaming audio ou vidéo et les bibliothèques interactives comme Kindle ne font que renforcer le phénomène.
Et tout cela a poussé le gouvernement à militer en faveur de l'application d'une taxe sur la vente de produits reconditionnés. La copie privée est donc entrée en scène. « Le gouvernement prévoit de taxer les téléphones reconditionnés en leur appliquant une redevance copie privée qui ferait augmenter le prix de vente des téléphones reconditionnés de plus de 10 % et entraînerait la disparition de plusieurs entreprises actives sur ce secteur" redoute le Syndicat interprofessionnel du Reconditionnement et de la Régénération des matériels informatiques, électroniques et télécoms, le SIRRMIET.
La copie privée sur le reconditionné, comme un pied-de-nez à l'écologie ?
En théorie, le consommateur n'est censé payer qu'une seule fois cette redevance pour un même produit. Faire tomber les produits reconditionnés dans le giron de la redevance copie privée reviendrait, pour le gouvernement, à se tirer une balle dans le pied. Et le comble serait que la loi sur la réduction de l'empreinte environnementale du numérique y contribue. Car il est difficile de trouver une dimension écologique à l'application de la « taxe » sur le reconditionnement.
Si les Français sont évidemment sensibles aux arguments de l'achat d'un produit reconditionné comme limitant leur impact sur la planète en s'éloignant de l'achat neuf, l'argument financier (un prix plus bas que l'achat neuf) est particulièrement important. Jouer sur celui-ci en poussant les distributeurs à augmenter les tarifs des produits reconditionnés irait contre l'esprit de la loi. Au gouvernement maintenant d'inverser la tendance et de trouver une autre solution pour donner un nouveau souffle à la copie privée. Si tant est que cela soit possible…
Source : Next INpact