Les smartphones et les box internet font partie de la vaste proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, dite loi REEN.
Réunie en session ordinaire mercredi, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté la proposition de loi REEN, qui propose quatre leviers prioritaires pour accélérer et donner un vrai cadre législatif inédit à la transition numérique et écologique. Dans le viseur de la loi : une meilleure pédagogie vis-à-vis de l'impact environnemental du numérique ; la limitation du renouvellement des appareils numériques, avec l'épineuse question de l'obsolescence ; l'écoconception des sites web ; et l'émergence d'une régulation environnementale à destination des réseaux et des data centers. Entrons dans le vif du sujet.
Inciter à la sobriété numérique
La France, qui s'est fixée l'objectif de réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et d'atteindre la neutralité carbone en 2050, se doit dans un premier temps de faire prendre conscience aux utilisateurs de l'impact environnemental du numérique. C'est le chapitre 1er de la proposition de loi REEN.
Celui-ci, qui repose sur la pédagogie, vise à inscrire ce que l'on appelle la « sobriété numérique » comme l'un des thèmes de la formation suivie à l'école dans le cadre de l'utilisation des outils numériques. Un cran au-dessus, les ingénieurs en informatique, eux, devront obtenir une attestation de compétences acquises en écoconception logicielle pour être diplômés, tandis qu'un Observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique devrait être créé et rattaché à l'ADEME, l'Agence de la transition écologique. Un crédit d'impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises devrait par ailleurs être mis en place.
Faciliter les sanctions dans la lutte contre l'obsolescence programmée et l'obsolescence logicielle
Le second chapitre de la loi est sans aucun doute le plus important, puisqu'il traite de la limitation du renouvellement des terminaux numériques. À ce titre, il est peut-être bon de rappeler que les appareils constituent la principale source des émissions de GES du numérique en France (81%). Et une très grande partie (86%) concerne directement la fabrication des terminaux.
La loi REEN vise à renforcer la lutte contre l'obsolescence programmée, un délit déjà sanctionné de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Sauf que l'exigence d'un double standard de preuve rend difficilement sanctionnable un fabricant. L'article 6 de la loi propose de supprimer l'une des deux exigences qui se limiterait ainsi à prouver l'intention d'augmenter le taux de remplacement des appareils.
L'obsolescence logicielle (l'incompatibilité entre les dernières versions d'un logiciel et les capacités d'un smartphone) est aussi évoquée dans la proposition. Les sénateurs veulent l'inclure dans le code de la consommation, au même titre que l'obsolescence programmée. Plus globalement, c'est toute l'obsolescence « marketing » qui est ciblée.
La loi veut également augmenter de deux à cinq ans la durée minimale pendant laquelle l'utilisateur peut recevoir des mises à jour sur son appareil, et aussi de deux à cinq ans la durée de la garantie légale des équipements numériques. Autre mesure importante évoquée dans la proposition des sénateurs : la réduction de la TVA sur la réparation des terminaux et l'achat d'objets électroniques reconditionnés. La commission a aussi adopté un amendement demandant aux opérateurs de réduire les impacts environnementaux associés à la fabrication et à l'utilisation des box internet, qui devront automatiquement déclencher leur mise en veille. Une mutualisation des box dans les immeubles est aussi envisagée. Autant de points qui, les sages du Palais du Luxembourg l'espèrent, limiteront les achats neufs et augmenteront la durée de vie des terminaux.
Les sénateurs veulent limiter les forfaits avec data mobiles illimitées
Dans sa volonté de promouvoir le développement d'usages du numérique écologiquement vertueux, la proposition de loi pourrait interdire la vente de forfaits mobiles avec un accès aux données mobiles illimitées, ce à quoi les opérateurs devraient sans aucun doute s'opposer. L'écoconception des services et sites en ligne sera obligatoire pour les sociétés qui font état d'un certain chiffre d'affaires. Les services de streaming et de médias audiovisuels devront adapter la qualité de la vidéo téléchargée à la résolution maximale du smartphone, de la tablette, de l'ordinateur ou du téléviseur, et le lancement automatique des vidéos devrait être définitivement banni.
Le dernier chapitre de la loi, lui, s'attaque aux acteurs des infrastructures numériques, avec par exemple une obligation pour les centres de données de s'engager, sur plusieurs années, à réduire leur impact environnemental. L'avantage fiscal dont les data centers bénéficient sera conditionné selon des critères de performance environnementale.
Les opérateurs mobiles pourront être soumis à des engagements pluriannuels qui ne seraient pas pleinement contraignants. Il s'agirait, ici, de convaincre les acteurs des télécoms de se fixer des objectifs en matière de réduction des émissions de GES et de leurs consommations énergétiques.
Après cette première adoption en commission, le texte sera discuté en première lecture au Sénat le 12 janvier 2021, avant de lancer les débats à l'Assemblée nationale.