Pour mieux protéger les enfants en ligne, le Conseil de l'Europe adresse ses recommandations aux gouvernements européens, dans un rapport présenté vendredi à Rome.
L'augmentation exponentielle de l'exploitation des images et/ou vidéos à caractère sexuel autogénérées par des enfants en ligne est au cœur des préoccupations du Conseil de l'Europe, qui y consacre tout un rapport. L'institution a analysé la situation des 43 États européens (dont la France) parties à la Convention de Lanzarote, texte qui impose la criminalisation de toutes les infractions à caractère sexuel perpétrées contre des enfants. Dans son rapport, le Conseil veut renforcer la protection envers les enfants victimes d'extorsion sexuelle. Pour cela, il souhaite faire évoluer et renforcer la réglementation pour faciliter notamment les enquêtes et les poursuites.
Protéger l'enfant contre les contenus possédés ou partagés autogénérés en passant par la pédagogie
Le Conseil de l'Europe indique que pour la première fois, les enfants ont directement été associés au processus de suivi : plus de 300 depuis 2017, issus de dix États européens. Certaines des recommandations aujourd'hui formulées par l'organisation intergouvernementale et le Comité de Lanzarote sont d'ailleurs fondées sur ces points de vue. En 2019 et 2020, l'Internet Watch Foundation a déclaré avoir observé une hausse de 77 % du matériel d'abus à caractère sexuel autogénéré par les enfants, avec une aggravation qui s'explique en partie par le pandémie de COVID-19 et les confinements successifs.
Vous avez remarqué que plutôt que de parler de « pornographie enfantine » en ligne, nous avons employé l'expression « matériel d'abus sexuels sur enfants ». Il s'agit ici en réalité d'un souhait émis dans le rapport, qui considère que la première expression peut être trompeuse et qu'elle peut même minimiser la gravité des infractions, voire rejeter la faute sur l'enfant.
Pour davantage protéger les enfants contre ces abus et l'exploitation en lien avec du matériel à caractère sexuel autogénéré, le Comité réclame des changements législatifs certains. Si la possession ou le partage du contenu est volontaire, et qu'il n'est destiné qu'à son propre usage privé, un enfant ne doit pas être poursuivi pour cette possession ou ce partage, demande le comité.
Mais si le contenu est diffusé sans le consentement de l'enfant, ou s'il concerne d'autres enfants, le rapport préconise la mise en place de mesures éducatives. Le but est d'aider les enfants à explorer leur développement sexuel et à comprendre les risques qui découlent de la possession ou de la production de contenus autogénérés à caractère sexuel.
Créer une infraction spécifique sur l'extorsion sexuelle des enfants et pousser les États à plus d'enquêtes « discrètes »
Le Comité suggère ainsi de créer une infraction spécifique qui viendrait couvrir l'extorsion sexuelle sur des enfants. Elle permettrait également de lancer plus facilement des enquêtes et des poursuites en lien avec cette infraction, mais aussi avec les autres infractions sexuelles liées à l'utilisation des technologies numériques. L'institution appelle donc les États à engager des enquêtes discrètes (ce qui n'est pas le cas dans les deux tiers des 43 pays qui ont signé la Convention de Lanzarote). Elle encourage à mettre en place un développement technologique en parallèle, pour identifier plus facilement les enfants victimes.
Le rapport rappelle que les enfants victimes d'exploitation et d'abus sexuels facilités par le numérique doivent bénéficier d'une assistance et d'un soutien spécifiques. En outre, le texte préconise un accès des pays aux bases de données des autres, pour optimiser la coopération, l'identification, puis la répression.
Le Comité n'oublie pas que les infractions commises en ligne ont par définition une dimension internationale. Une infraction peut ainsi relever de la compétence de plusieurs pays. À ce titre, le rapport demande à plus de la moitié des pays concernés « de supprimer la condition que les poursuites soient précédées d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation de l’État du lieu où l’infraction a été commise ».
Source : Rapport