Le 27 mai 2021, l'ONG Privacy International a déposé plusieurs recours en Europe, dont un auprès de la CNIL en France, contre l'entreprise Clearview AI, spécialisée dans la reconnaissance faciale, soulevant une nouvelle fois la question de l'utilisation de cette technologie.
Plus encore, la manière dont elle est perçue, rien qu'en France, traduit à la fois une méfiance, mais aussi une méconnaissance des usages qui peuvent en être faits. Si la sécurité, par exemple dans le cadre d'un contrôle d'identité ou d'accès à un bâtiment, est plutôt bien acceptée par une majorité de sondés français, le recours à la reconnaissance faciale pour des publicités effraie beaucoup plus les répondants.
3 milliards de clichés détenus par Clearview AI
Particulièrement mise en lumière après le 6 janvier 2021 et la prise du Capitole par des supporters du président Donald J. Trump après sa défaite aux dernières élections, la reconnaissance faciale pose question : qui pourrait l'utiliser ? À quelles fins ? Car lorsque le FBI a émis un appel pour parvenir à identifier les personnes ayant pénétré le bâtiment de Washington dans le cadre de son enquête, c'est une firme privée, Clearview AI, qui s'est manifestée.
Son objectif ? Proposer une base de données de près de 3 milliards de clichés récoltés sur le Net via divers sites, tels que LinkedIn ou encore Facebook, permettant via un algorithme de faciliter l'identification d'une personne avec les informations qui y sont associées, par exemple son nom et prénom. Une véritable surveillance de masse aussi effrayante que réelle, développée à l'insu des utilisateurs du Web. D'autant plus dangereuse que l'algorithme, loin d'être infaillible, pourrait mener à de nombreuses dérives bien que désormais, les seules forces de l'ordre y aient officiellement accès.
Facebook en a fait les frais dans l'Illinois (États-Unis) après un recours impliquant près de 1,6 million d'utilisateurs du réseau social dont les visages, via l'outil d'identification, avaient été stockés avec des informations personnelles permettant de reconnaître les individus concernés. Six ans de procédures pour aboutir à un accord « à l'amiable » de 650 millions d'euros en mars 2021.
En France, une enquête réalisée par GetApp auprès de 1 009 sondés en avril 2021 relevait notamment que seulement 31 % des répondants étaient prêts à se soumettre à la reconnaissance faciale pour une entreprise privée en connaissance de cause.
La reconnaissance faciale serait la deuxième méthode d'identification biométrique la mieux acceptée
Au niveau du partage de leurs données biométriques, c'est leur empreinte digitale que les Français semblent enclins à fournir le plus facilement, pour 42 % des sondés.
Déjà obligatoire dans le cadre de la délivrance d'un passeport biométrique, c'est bien sur le thème du voyage que la reconnaissance faciale, qui arrive en seconde position avec 31 % de réponses favorables, gagne du terrain. Des aéroports, à l'image d'Orly, souhaiteraient l'utiliser pour comparer les documents d'identité et leurs détenteurs dans le cadre de contrôles. Une option acceptable pour 72 % des répondants, tout comme le déverrouillage d'un smartphone à l'aide de la reconnaissance faciale pour 65 % d'entre eux.
Si la sécurité met d'accord une majorité des sondés, le contrôle des présences ou la publicité personnalisée fait davantage grincer des dents, puisque respectivement 49 % et 52 % des interrogés déclarent ne pas être à l'aise avec ces usages.
L'utilisation de la reconnaissance faciale à des fins privées, notamment lorsque cela concerne la consommation, est loin de faire l'unanimité. Des enjeux prégnants sur lesquels va se pencher la CNIL alors que 58 % des sondés déclarent n'avoir jamais partagé de données biométriques de leur plein gré avec des sociétés privées (!).