Le mouvement européen ReclaimYourFace a pris position contre l'utilisation des données biométriques pour surveiller la population.
Les ressortissants de l'Union européenne disposent, depuis avril 2012 et grâce au traité de Lisbonne, de la possibilité de lancer une initiative citoyenne européenne (ICE). La Commission européenne a la possibilité de l'enregistrer (ce fut le cas à 76 reprises) ou de la refuser (26 fois) si elle ne remplit pas les conditions. L'organisation ReclaimYourFace a décidé de lancer une alerte en vue « d'une interdiction des pratiques de surveillance biométrique de masse ». Bruxelles a décidé d'enregistrer cette initiative le 7 janvier. En quoi consiste-t-elle concrètement, et quelles sont les prochaines étapes ?
Les citoyens européens dénoncent les dérives de la biométrie
Selon une étude de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, 83 % des citoyens de la zone se disent contre le partage de leurs données faciales avec les autorités, et 94 % sont contre ce partage avec des sociétés privées. Cela n'empêche pas les données biométriques d'être de plus en plus utilisées sur le Vieux Continent, à la fois pour l'identification des personnages, ou leur profilage.
Pour beaucoup, cette pratique constitue une surveillance biométrique de masse qui entre en confrontation avec plusieurs droits fondamentaux, comme la vie privée et la protection des données. Par effet ricochet, une surveillance de masse peut aussi avoir pour conséquences d'entraver certaines libertés fondamentales, comme celle de se réunir, ou la liberté d'expression. En France, ce débat a lieu actuellement avec la loi Sécurité globale et les fichiers polices élargis.
L'initiative citoyenne reçue par la Commission rappelle, à juste titre, que le Comité européen de la protection des données (CEPD) a fait part de ses préoccupations et a appelé à mettre fin à « la reconnaissance automatisée dans les espaces publics de caractéristiques humaines, non seulement des visages, mais aussi de la démarche, des empreintes digitales, de l'ADN, de la voix, des frappes au clavier et d'autres signaux biométriques ou comportementaux ».
L'initiative doit désormais recueillir un million de signatures
L'ICE demande à la Commission européenne de mettre fin à l'utilisation des données biométriques qui conduisent à une surveillance de masse. En sachant que les États se jouent du RGPD (qui en théorie encadre la pratique mais pose certaines exceptions) pour interpréter, à leur discrétion, ses dispositions dans leur droit national, l'initiative citoyenne européenne souhaite que Bruxelles réglemente cette utilisation considérée comme indifférenciée, ciblée et arbitraire des données biométriques.
La Commission a jugé l'initiative comme « recevable sur le plan juridique », puisqu'elle remplit les conditions nécessaires. L'institution européenne n'a cependant pas encore analysé l'initiative sur le fond. Mais sur la forme, le premier pas est fait. Le premier seulement.
Car il faut en effet que l'initiative citoyenne prenne de l'épaisseur. Désormais, les organisateurs ont six mois pour lancer le processus de collecte des signatures de soutien. Ce jeudi 7 janvier 2021, l'appel était déjà lancé, et près de 12 000 signatures ont été recueillies. Il faudra tout de même aller plus loin, puisque pour être étudiée par les membres de la Commission, l'ICE doit totaliser un million de signatures en un an. Si tel est le cas, Bruxelles aura six mois pour réagir et motiver sa décision, qu'elle soit positive ou négative.
Source : communiqué de presse