Haaaa la campagne anglaise ! Ses lochs, ses vallées luxuriantes, son temps gris… et ses zombies ! C’est parti pour une chronique SF champêtre dans un chouette futur post-apocalyptique.
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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
La part du monstre (2017)
M.R. Carey
Cette semaine, je vous propose de partir en balade dans une Angleterre dystopique ravagée par une terrible épidémie. Publié en 2017 dans sa version originale, La part du monstre est une préquelle du livre Celle qui a tous les dons du même auteur. N’ayant pas lu ce dernier, j’ai donc pu me plonger dans cet univers avec tout le plaisir de la découverte.
Mélange de thriller et de survie-horreur à la Resident Evil, le roman de Mike Carey m’aura transporté, l’espace de quelques heures, dans un pays aussi agonisant que ses habitants. Sombre à souhait, La part du monstre saura séduire les amateurs de SF post-apocalyptique qui, comme moi, adorent les histoires de zombies !
« Après une bonne centaine de faux départs, le Rosalind Franklin s’ébranle enfin en direction du nord pour le périple qui le mènera de Beacon jusqu’aux monts désolés des Highlands écossaises… On acclame la simple possibilité qu’il parvienne à destination. »
Dans un futur pas si proche, l’humanité est au bord de l’extinction. Une pandémie causée par un champignon nommé Cordyceps a changé la face de la Terre. Toute personne infectée se voit en effet transformée en « affam », sorte de zombie se repérant à l’odorat. Et quand je dis zombie, on est plus proches du modèle dopé à la rage de 28 jours plus tard que des gentilles versions pataudes de la célèbre trilogie de Romero…
En clair, c’est la galère pour le genre humain. La seule lueur d’espoir réside dans Beacon, une forteresse de bric et de broc rassemblant les derniers survivants du coin. Menée par un groupe mélangeant militaires et civils, Beacon envoie régulièrement des convois à la recherche d’indices sur un quelconque moyen de contrer l’épidémie, mais jusqu’à présent, c’est plus ou moins tombé à la flotte…
Le Rosalind Franklin, embarquant à son bord six soldats et six scientifiques, s’en va ainsi à l’aventure. L’engin - mélange entre un tank, un bus et un Sand Crawler Jawa – a une lourde tâche : sauver l’humanité. C’est parti pour un road-trip sauvage en pleine apocalypse affam !
« Au bout de sept semaines d’une mission de quinze mois, et dix ans après la fin du monde, à cent cinquante kilomètres de sa base, Samrina Khan, biologiste, est enceinte. Mais cet endroit n’a rien d’une Bethléem et il n’y aura pas de crèche. »
Comme si la fin du monde ne suffisait pas, l’une de nos valeureuses scientifiques découvre qu’elle porte en elle la vie… Coincée dans un bus blindé... Au milieu de hordes d’affams… On a rarement vu pire situation pour une grossesse tranquille. D'autant que le docteur Khan va devoir cacher la nouvelle à ses collègues, déjà à fleur de peau.
C’est d’ailleurs l’une des forces du roman de Mike Carey, qui instille progressivement une ambiance pesante dans son récit. On ressent presque physiquement l’étroitesse du Rosie, la promiscuité entre les membres d’équipage et la tension qui augmente à chaque chapitre. L’épopée n’a rien d’une promenade de santé, au point qu’on se demande même si les affams sont le véritable danger…
Chaque protagoniste est doté d'une personnalité forte. En tant que lecteurs on peut d'ailleurs vite avoir nos têtes et vouloir décoller quelques claques, notamment au chef civil de l’expédition, aussi pleutre que vicieux. L’histoire ne se joue finalement pas que dans la campagne anglaise, face aux zombies, mais bel et bien dans la coque du Rosalind Franklin.
« Il s’aperçoit aussitôt de ce qui a changé. Il y a une personne de plus, un enfant, dans la salle. De sexe féminin et – il évalue rapidement son âge – entre neuf et dix ans. »
L’épopée du Rosie prend un nouveau tournant quand après plusieurs semaines de recherches infructueuses, le jeune Stephen tombe, à l'occasion d’une sortie, sur une enfant pas comme les autres. Autiste et génie à la fois, le scientifique ne met pas longtemps à comprendre la vérité : la petite fille est une affam, mais d’un genre nouveau. Elle a la force et la vitesse de ces derniers mais semble capable de réflexion, chose encore jamais constatée par les scientifiques humains. Hélas, la petite s’enfuit avant que notre héros ait pu établir un véritable contact.
Comme vous pouvez vous en douter, cette découverte va radicalement bouleverser le reste de l’histoire. Les membres du Rosalind Franklin vont être confrontés à la petite fille à plusieurs reprises, ainsi qu’à ses comparses. De fait, elle n’est pas seule à tenter de survivre en pleine apocalypse. Elle est même la meneuse de toute une bande d’affams de nouvelle génération… des êtres capables de tenir des armes et de tendre des embuscades.
Inutile de dire que les choses vont rapidement s’envenimer. Gardant le secret de sa découverte, Stephen part à la recherche du « gang » de jeunes zombies intelligents. Son autisme lui empêche toutefois de voir qu’il risque de mener à la catastrophe une expédition déjà proche du point de rupture…
« Le plus pressant est de saboter la radio principale du poste de pilotage. Nous avons maintenu un silence radio, mais nous tenons à vous protéger de tous ceux qui parviendraient à contacter le véhicule. »
Que serait un bon thriller sans un saboteur visant à pourrir une situation déjà bien bancale ? Ce rôle est dévolu à Fournier, l’antipathique chef civil de l’expédition dont nous parlions précédemment. Tout en lâcheté, l’homme désire aussi amasser un maximum de crédit auprès des instances dirigeantes de Beacon. La ville est d’ailleurs en plein putsch, le Ralliement Militaire estimant les civils incapables de gérer la situation. Et bien entendu, les autres membres du Rosie n’en ont aucune idée. Encore des secrets qui s’accumulent…
Mais ce sont bien toutes ces cachoteries qui font le sel de ce roman. On oscille sans cesse entre sorties musclées sur les terres hostiles de l’Angleterre et mensonges qui gangrènent le convoi de l’intérieur. Je ne vous cache d'ailleurs pas que ça va partir de travers bien comme il faut, avec quelques décès brusques à la clé…
Qui peut faire confiance à l’autre ? Qui cache un secret ? Tandis que l'atmosphère s'alourdit à chaque page, c’est un vrai délice que de passer d’un protagoniste à l’autre. On a presque l’impression de faire les voyeurs, le lecteur étant le seul à connaître tous les secrets de l’équipage. Perturbant certes, mais diablement plaisant !
« Bon sang, elle est contaminée ! Elle est contaminée et tu as trouvé le moyen de contrôler le phénomène ! Tu as trouvé un antidote ! »
Quand les secrets éclatent au grand jour, il ne reste plus grand-chose à sauver. Ou peut-être bien que si, finalement, mais à un prix exorbitant… Samrina Khan et Stephen Greaves seront au cœur de la tempête, emportant avec eux ce qui pourrait bien être le dernier espoir de l’humanité.
Pour connaître le fin mot de l’histoire, il vous faudra lire La part du monstre d’un bout à l’autre. Croyez-moi, vous ne le regretterez pas. Avec son ambiance sombre et oppressante, son petit côté thriller porté par une écriture fluide, ce roman se dévore aussi vite qu’un affam engloutit une cervelle fraîche. Vous pouvez foncer dessus les yeux fermés et enchaîner avec Celle qui a tous les dons, histoire de clore cette fascinante épopée en beauté.
Sur ce, bonne lecture et à très bientôt pour de nouvelles aventures SF palpitantes !
La part du monstre (2017) est édité chez L’Atalante en version papier. Il est aussi disponible sur Amazon en version Kindle.
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