Pour cette première chronique cinéma de 2020, je vous propose de vous plonger dans les méandres de Dark City, une œuvre oppressante, mystérieuse, mais aussi (et surtout) visionnaire.
Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Dark City (1998)
d'Alex Proyas« Au commencement étaient les ténèbres. Puis vinrent les Étrangers. »
Dark City n'est pas un film forcément évident à appréhender. Longtemps j'ai hésité à le louer au vidéoclub (ça ne nous rajeunit pas), intrigué par sa jaquette mystérieuse... Avant de me jeter sur la dernière production Disney à la mode, que j'avais déjà vue une bonne dizaine de fois. C'est après le choc que fut Matrix à sa sortie en 1999 que je me suis décidé à arpenter les méandres de cette Dark City, décidément si intrigante.Le film d'Alex Proyas (son deuxième après The Crow, qui a lui aussi marqué une génération de spectateurs) suit les pas de John Murdoch, un homme qui se réveille amnésique dans la salle de bains d'une chambre d'hôtel. À ses côtés une femme, assassinée sauvagement. Tout le désigne comme coupable, mais dans sa fuite, l'homme va se rendre compte que des événements étranges surviennent dans cette ville et que d'étranges personnages le poursuivent.
« Il y a un tueur qui rode, dehors, au cas où vous ne seriez pas au courant. »
Ce qui m'a frappé au premier visionnage, c'est le rythme du film. Le réalisateur, qui est aussi scénariste, ne perd pas de temps et nous plonge directement au cœur du récit, sans exposition préalable (mis à part une voix off en introduction qui a été imposée par les studios pour ne pas perdre les spectateurs). L'idée est de nous placer dans le même état de sidération que John Murdoch et sur ce point c'est très réussi. Le spectateur découvrira cet univers à ses côtés et en même temps que lui.Le récit ne donne pas beaucoup d'explications et l'on devra courir après le film en permanence pour raccrocher les wagons. À l'heure où de nombreuses œuvres de science-fiction ne passent pas loin d'une heure pour expliquer quatre fois une situation pas si complexe à comprendre (oui je parle de toi Inception), c'est une sensation très agréable d'être lâché dans un univers déroutant et d'essayer d'en démêler les ficelles.
« Je ne suis même pas sûr que le soleil existe dans cet endroit. »
La « ville sombre » d'ailleurs parlons-en. Alex Proyas propose un univers à mi-chemin entre le cyberpunk et le film noir. Le metteur en scène convoque les univers de Fritz Lang et du Nosferatu de Murnau et à parfaitement digéré ses influences pour en faire quelque chose d'unique.La ville crée une véritable sensation d'étouffement, d'asphyxie même. La photographie est tout simplement magnifique, jouant sur les clairs-obscurs. Le ciel n'est pas presque jamais visible et dans chaque plan un pont, un immeuble ou une poutre vient obstruer le cadre. Les décors font eux-mêmes volontairement toc. Les plans larges participent à cet aspect irréel qui déroute dans les premiers instants, mais qui font sens avec le propos du film.
Les personnages participent également à créer ce sentiment d'étrange. Tous les comédiens presque sans exception adoptent un jeu minéral et leurs réactions ainsi que leurs interactions avec les autres protagonistes semblent constamment décalées et renforcent le mystère. Une fois pris au jeu, on veut en savoir plus !
Sans déflorer l'intrigue, John Murdoch va faire face à une race extraterrestre qui cherche à remplacer sa planète disparue par la nôtre en menant des expériences sur les humains. Le look général des aliens n'est pas des plus originaux (ils sont chauves, pales et portent des combinaisons en cuir), mais le design de leur vaisseau et de leurs technologies est très travaillé et laisse à imaginer leur civilisation ou leurs coutumes.
Dark City a le bon goût d'apporter des réponses à nos questions, mais de ne pas apporter toutes les explications sur un plateau. L'univers déborde du cadre et de nombreux éléments de l'histoire seront laissés à notre imagination. Dommage que l'on n'ait pas eu l'occasion d'en voir plus dans des comics ou dans une série dérivée.
« Il est peut-être à un niveau supérieur sur l'échelle de l'évolution. »
Au fil de son enquête, le personnage va se poser des questions sur sa propre humanité et sa place dans le monde. Car c'est bien le sujet central de Dark City : la manipulation et la simulation. La ville n'est pas ce qu'elle semble être et John Murdoch va devoir dépasser son propre regard et utiliser les connaissances de ses ennemis pour accéder à la vérité.Dark City convoque des thèmes chers à tout amateur de science-fiction qui se respecte comme la révolte face à une société uniformisée et l'importance des relations humaines et de l'amour pour gagner son indépendance, mais les intègre à son récit de manière organique, sans chercher à donner un cours magistral pompeux et des leçons de philosophie.
Ce que j'apprécie finalement beaucoup dans Dark City, c'est la croyance absolue d'Alex Proyas dans son univers. Le réalisateur ne cherche pas à alléger son récit par une blague ou un clin d'œil complice et le tout est très sérieux, anxiogène parfois, mais aussi passionnant à découvrir et à regarder.
« Je peux faire faire à ces machines tout ce dont j'ai envie. Faire de ce monde tout ce que je veux qu'il soit. »
Mais si on y réfléchit une seconde...film noir, simulation, cuir à tous les étages, révolte des individus...vous l'avez reconnu ? Oui, tous ces éléments se retrouvent dans un autre film qui a marqué de son empreinte le cinéma mondial, et pas seulement le genre de la science-fiction : Matrix.Les deux oeuvres sont similaires en de nombreux points, jusqu'à quelques décors réutilisés par les soeurs Wachowski lors du tournage de Matrix en 1998. Si l'on ne peut pas parler de plagiat, les deux scénarios ayant été écrits en parallèle, il est amusant de noter que les deux films abordent les mêmes thématiques et partagent des références communes.
Pourtant, si Matrix a été un succès, Dark City n'aura pas connu le même sort. Le film est sorti un mois seulement après Titanic, qui était déjà devenu le phénomène de société que nous connaissons tous. L'oeuvre est ensuite devenue culte chez les amateurs du genre grâce au marché vidéo.
Je vous invite donc vivement à vous replonger dans les méandres de Dark City. Le film n'a pas pris une ride et reste une expérience radicale comme on en fait plus aujourd'hui.
Dark City est disponible en DVD et Blu-Ray chez Metropolitan Video et en VOD sur Amazon Prime Video