Cette semaine je vous propose tout simplement l'un des meilleurs films de science-fiction de l'année 2019. Rien que ça. Alita : Battle Angel est un projet qui pourtant revient de loin, mais qui s'impose comme une proposition plus forte et plus riche qu'elle n'y parait.
Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Alita : Battle Angel (2019)
de Robert Rodriguez« A quoi tu rêves petit ange ? »
L'adaptation cinéma de Gunnm était une arlésienne depuis près de 20 ans. En 1998 James Cameron, auréolé du succès gigantesque de Titanic, avait deux projets sur son bureau rempli d'Oscars. Le premier était Avatar, un univers que le réalisateur mûrit depuis déjà plusieurs années. L'autre était l'adaptation du manga de Yukito Kishiro. Les années passant et les technologies avançant à pas de géants, Cameron s'immergera dans le monde de Pandora et laissera de côté Gunnm jusqu'à refiler le bébé - à la surprise générale - à Robert Rodriguez, un réalisateur coupable de films comme Machete, Sin City ou Desperados.Je dois être honnête, je n'attendais rien de ce projet en rentrant dans la salle de mon bien-aimé multiplexe. Le cinéma de Robert Rodriguez m'a toujours laissé circonspect et le voir s'atteler à un monument de l'édition et de l'animation japonaise me faisait craindre un ratage de l'ampleur d'un Dragonball Evolution (triste souvenir...). Et pourtant Alita : Battle Angel est une vraie réussite sur à peu près tous les plans.
« Je préfère régner en enfer qu'être esclave au paradis »
Le film m'a d'emblée impressionné par la qualité de son univers visuel. Kuzutetsu devient ici Iron City, et le bidonville dans lequel se passe l'action vit à l'écran. Rodriguez s'attarde souvent sur le quotidien des habitants, intègre des figurants dans tous les plans et l'on ne se pose jamais la question de la crédibilité de cet univers. Si Kuzutetsu était une sombre décharge à ciel ouvert, Iron City ressemble bien plus à une ville d'Amérique du Sud, plus lumineuse, mais tout aussi chaotique qui permet au spectateur de s'immerger rapidement dans l'action.L'intrigue, justement, suit Alita une cyborg exceptionnelle datant d'une époque révolue. Celle-ci pose un regard neuf sur les inégalités de sa ville et possède des habiletés au combat à peine croyables qui pourraient bien lui permettre de renverser le désordre établi. Iron City voit en effet les riches prospérer sur Zalem, une cité suspendue au-dessus d'elle, tandis que dans ses ruelles le peuple lutte pour sa survie.
« Je ne sais pas ce que je suis »
Il était évident que le personnage allait toucher au cœur James Cameron. Le cinéaste canadien a toujours aimé mettre en scène des femmes fortes, prenant leur destin en main sans dépendre des hommes, sensibles aux autres et à leurs sentiments. Alita est écrite en ce sens. Elle est redoutable et détruit ses adversaires en deux temps trois mouvements, mais c'est aussi une adolescente, dont le cœur chavire devant les yeux bleus d'Ugo et qui est prête à lui donner son cœur (littéralement) pour qu'il réalise ses rêves.Alita est un personnage 100% numérique, réalisée en performance capture et interprétée par la comédienne Rosa Salazar. Le défi était de taille tant l'apparence du cyborg, avec ses très grands yeux ronds, pouvait vite devenir ridicule en s'intégrant avec d'autres comédiens en chair et en os. Mais Robert Rodriguez réutilise une idée développée par Cameron dans Avatar et débute son film par le réveil d'Alita.
On est au plus près de son visage, le temps d'admirer la prouesse technique. La fille teste ensuite son corps, s'étire et nous intégrons son animation. L'affaire est réglée, Alita est désormais bien réelle et « humaine » après quelques secondes.
« Je ne reste pas passive en présence du mal »
L'autre défi de taille posé par l'adaptation de Gunnm était de faire passer au cinéma des humains robotisés ou augmentés, avec différentes parties de leurs corps remplacés par des machines. Le manga pousse très loin l'idée et à la surprise générale, Alita : Battle Angel suit la même veine en ne s'interdisant aucune excentricité visuelle.À la première vision du film, j'ai été frappé par son traitement des corps. Les protagonistes sont démembrés, mutilés, recomposés dans des images très graphiques et parfois très limites pour un public occidental. Même si l'on parle plus de machines que d'êtres humains, les séquences d'action sont violentes, frontales et brutales. Cameron et Rodriguez sont allés chatouiller les limites du blockbuster pour proposer un spectacle hybride, qui fait le pont entre la radicalité du manga et le sens du spectacle américain.
« On ne sera bien nulle part si on est pas ensemble »
Alita : Battle Angel est enfin, et surtout, une métaphore du monde actuel. Si l'action se situe en 2563, le film ne parle que de notre monde et de la lutte des classes. Le sujet, Cameron l'a déjà traité dans Titanic car au fond qu'est que le paquebot sinon l'effondrement d'une société avec les bourgeois pataugeant dans le luxe sur les ponts supérieurs et les pauvres relégués dans les bas-fonds aux côtés des rats.Le film en est une suite spirituelle et offensive. Cette fois Alita prend le contrôle de la situation et veut en découdre pour renverser l'ordre établi. Une fois qu'elle aura expérimenté la douleur et l'injustice, l'adolescente idéaliste aura achevé son parcours initiatique et deviendra une adulte animée par une cause. Alita : Battle Angel est finalement une réactualisation du manga, une trahison aussi sans doute, qui élimine volontairement la subtilité du matériau d'origine pour donner plus de force à son propos.
Alors à quand la suite ? Eh bien peut-être jamais. Le film a plutôt bien marché pour un projet aussi surprenant et orignal visuellement, mais pas assez pour les dirigeants de Disney, désormais propriétaires de la Fox. Cela étant dit, on n'est jamais à l'abri d'une bonne (ou moins bonne) surprise. La propension des studios à réutiliser des matériaux existant en quête d'une rentabilité facile accouche parfois de films réussis ; le voyage vers Zalem n'en est peut-être qu'à son commencement.
Alita : Battle Angel est disponible en DVD, Blu-Ray et VOD chez 20th Century Fox.