La start-up française Bodyo propose deux cabines de télésanté à 360°, le Health Lounge et l’AIPod, qui sont de véritables stations d’automesure pionnières de la télémédecine de demain. Clubic a voulu en savoir plus à l'occasion du dernier VivaTech.
Fondée en 2016 à Dubaï puis rapatriée à Nice où se situe désormais son siège social, Bodyo veut s’inscrire dans le futur de la télésanté. Pour cela, l’entreprise propose le Health Lounge et l’AIPod, deux stations autonomes qui collectent près d’une trentaine de paramètres vitaux, pouvant assurer ainsi un bilan de santé en l’espace de 6 minutes. Chaque machine se destine à des marchés différents, certes, mais Bodyo compte sur ses stations pour lutter contre les déserts médicaux, en France et à l’étranger. Avec l’idée de proposer deux parcours : l’un préventif, l’autre curatif.
Pour en savoir plus sur les deux produits de télésanté à 360° de Bodyo, nous avons rencontré à VivaTech François Recorbet, Chef de la stratégie de la start-up française. Interview.
L’interview de François Recorbet, chef de la stratégie de Bodyo
Clubic : François Recorbet, pouvez-vous nous présenter Bodyo ?
François Recorbet : Bodyo est une entreprise française fondée par Patrice Coutard en 2018. Elle propose une solution de télésanté à 360°, basée sur des stations d'automesure qui vont permettre de faire un bilan de santé sur 26 paramètres vitaux en 6 minutes. Nous avons deux produits, le Health Lounge, qui est un nouveau concept ouvert, et l'AIPod, qui est une cabine fermée présentant les mêmes caractéristiques.
En tant que cabine, l'AIPod est plutôt destiné à être dans des lieux de passage, comme ici à VivaTech, dans un hall d'hôpital, un hall de gare ou un hall d'aéroport, ou encore dans un centre commercial. Le Health Lounge, lui, est un concept qui va s'intégrer dans un concept privatisé : on peut s'identifier avant de rentrer dans la pièce et aller faire ses propres mesures. Il peut apporter la possibilité d'avoir une assistance pour des personnes qui seront en mobilité réduite ou des personnes âgées, dans des maisons de retraite par exemple.
« Après le parcours prévention de Bodyo, on a la possibilité de rentrer, si besoin, en téléconsultation avec un médecin »
Le principe, c'est d'abord de s'identifier. On fait une prise de température et on suit un premier parcours, que l'on appelle le « parcours prévention ». Avec des capteurs, on mesure 26 paramètres, qui vont être de la biométrie, le poids, la taille. On travaille aussi sur la composition corporelle : la masse grasse, la masse musculaire, la masse osseuse et la masse hydrique. Ensuite, on mesure l'oxygénation du sang avec l'oxymétrie, et la tension artérielle avec un tensiomètre.
Après ce parcours prévention, on a la possibilité, si besoin, de rentrer en téléconsultation avec un médecin, qui va lui-même piloter d'autres capteurs spécifiques à la consultation médicale, comme un stéthoscope, un dermatoscope, un spiromètre ou un ECG, en fonction de la condition du patient.
Sur la mise en relation avec le médecin, comment cela fonctionne ?
Nous ne sommes pas une société de téléconsultation et n'avons pas vocation à apporter notre propre réseau de médecins au système. Au contraire, on s'appuie sur des partenaires qui, eux, apportent cette consultation médicale à distance, mais qui n'ont, par définition, pas les capteurs. On est un canal de distribution pour ces partenaires qui, eux, ont les plateformes de médecins et de visioconférence. On va pouvoir programmer les rendez-vous via ces plateformes, et nous réservons les cabines en fonction des rendez-vous pris.
« On a déjà mené des expérimentations, avec des milliers de patients sur Dubaï »
Qui sont ces partenaires ? Les deux appareils sont donc bien disponibles ?
Nous sommes entrés en production. Le projet Bodyo a été démarré par Patrice Coutard en 2016. Après cinq ans d'investissements et de R&D, on peut disposer de ces deux dispositifs. Au niveau des partenariats, nous y travaillons et espérons convaincre. Nous sommes surtout présents à l'étranger, à l'export. Bodyo est née à Dubaï avant d'être rapatriée en France. On a déjà donc mené des expérimentations avec des milliers de patients sur Dubaï. Nous nous lançons en Arabie saoudite et démarrons au Canada et dans d'autres pays, sans oublier la France.
VivaTech tombe à point nommé puisqu'il s'agit de la reprise des évènements physiques. C'est une belle opportunité et vitrine pour vous ?
C'est une merveilleuse vitrine pour Bodyo et un timing parfait, puisque nous sommes vraiment en lancement. Nous présenterons début juillet le Health Lounge à la Marine nationale, dans le cadre des innovations de la Défense sur le sauvetage en mer.
Pour celles et ceux qui douteraient et crieraient au « gadget », en précisant que ça ne remplacera jamais un médecin, etc., qu'est-ce que vous pouvez leur répondre ?
Déjà, on ne remplace pas le médecin, on est en complément de ce dernier. Et il faut savoir qu'il y a beaucoup d'endroits, en France et dans le monde, où il n'y a pas de médecin. L'un de nos moteurs, c'est de faciliter l'accès aux soins, d'atteindre des patients que les médecins ne pourraient pas atteindre, pour compenser les déserts médicaux, qui représentent 4 millions de Français, 48 millions d'Américains, sans parler des 50 % de la population mondiale qui n'ont pas accès aux services de soin essentiels.
« L'un de nos moteurs, c'est de faciliter l'accès aux soins, de compenser les déserts médicaux »
Où sont fabriquées les deux machines, Health Lounge et AIPod ?
Les appareils sont encore fabriqués à l'étranger. La plupart des composants comme les capteurs, certifiés comme des dispositifs médicaux, sont français. Mais nous avons déjà enclenché le processus de rapatriement de l'assemblage qui sera fait en France dès le mois de septembre avec l'objectif d'avoir une production 100 % française dans les 12 à 15 prochains mois.
Quel a été votre parcours jusqu'à maintenant ?
Cela fait plus de 15 ans que je suis dans l'e-santé, avec un parcours plutôt dans des solutions logicielles de nutrition et tout ce qui est composition corporelle. J'ai aussi beaucoup travaillé dans le domaine de la confidentialité des données, en particulier de la donnée de santé, ce qui permet à Bodyo d'assurer cette conformité aux différentes réglementations sur la protection des données personnelles, et d'avoir des hébergements en conformité.
Bodyo est née à l'international et développe essentiellement son chiffre d'affaires à l'étranger aujourd'hui. À chaque fois qu'on va sur un marché, il y a cette particularité sur laquelle il faut qu'on s'adapte. Cela justifie notre choix technologique d'aller sur une architecture délibérément ouverte, qui permet de déployer nos systèmes sur n'importe quelle infrastructure locale ou Cloud souverain, et d'échanger les données des utilisateurs (avec leur consentement) avec des plateformes comme les dossiers de patients dans les hôpitaux, des solutions de bien-être, etc.
Est-ce qu'il y a déjà un intérêt d'entreprises ou groupes pour les dispositifs que vous proposez ?
Sur VivaTech, nous avons reçu plusieurs délégations, dont le ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire et le secrétaire d'État au Numérique Cédric O. Nous avons signé un premier contrat pour un pilote avec un grand acteur de la distribution spécialisée en France, qui ouvre un nouveau magasin à l'automne et présentera l'AIPod à ses clients. À Dubaï, on avait déjà comme partenaires de grands groupes pharmaceutiques et l'autorité de santé de Dubaï, qui sponsorisent des AIPod pour permettre aux individus de faire leur bilan de santé, dans des centres commerciaux ou des hôpitaux.
Quel est le business model aujourd'hui de Bodyo ? Envisagez-vous de réaliser des levées de fonds ?
On est sur un business model qui dépend de la vente des dispositifs : soit en vente pure, soit en location. Ensuite, on a un pricing (fixation des prix) sur du récurent, par rapport aux tests et à la capacité de nos clients à accéder à certaines données que nous allons collecter ; et les consultations faites par les cabines.
Au niveau du développement, tout a été autofinancé par le fondateur Patrice Coutard et des business angels. Il y a eu un gros investissement en R&D et en production. Et nous préparons une première levée de fonds de Série A d'ici 12 à 15 mois, justement pour travailler sur d'autres problématiques liées à la proximité des soins : c'est-à-dire la mobilité, l'intelligence artificielle, le développement d'algorithmes et de modèles prédictifs. Nous avons aussi le projet d'accélérer le développement à l'international. Deux contrats de distribution sur l'Arabie saoudite et le Canada ont été signés.
« Nous avons le choix technologique d'aller sur une architecture délibérément ouverte »
Est-ce que Bodyo peut représenter le début d'une nouvelle génération de téléconsultation ?
Certainement, mais je ne me limiterais pas à la téléconsultation, car ce n'est pas l'identifiant qui nous représente le mieux. Je parlerai plutôt de « télémédecine ». C'est un écosystème complet qui va de la prévention (pour les salariés d'une entreprise, des personnes âgées, etc.) à l'apport de solutions facilement déployables, très simples et non anxiogènes. Au niveau de l'innovation, l'idée est d'apporter des innovations inclusives qui soient fondamentalement humaines.
Un effort a été fait sur le design, notamment au niveau de l'AIPod, pensé pour que celui-ci ne soit pas complètement fermé...
Un rideau acoustique se ferme sur l'AIPod, et nous avons aussi des systèmes de sonorisation qui déclenchent un bruit à l'extérieur de l'appareil pour garantir la confidentialité des conversations qui pourraient être captées en téléconsultation. On peut permettre à une infirmière d'avoir un Health Lounge et d'entrer en communication avec un médecin pour avoir un conseil par rapport à un employé qui aurait tel ou tel symptôme. Réduire au maximum l'effet anxiogène fut une priorité. L'AIPod, par son design, est rassurant.
Notre objectif est de permettre de développer, à long terme, des algorithmes qui nous feront basculer vers une médecine prédictive en multipliant les mesures de personnes saines, et de voir à quel moment elles vont peut-être basculer d'une condition saine vers une condition de maladie chronique. Quand on aura toutes ces informations, on pourra apporter des solutions en termes de comportement de vie, pour retarder au maximum l'apparition de ces conditions.
Avez-vous une fourchette de prix approximative à nous donner concernant le Health Lounge ou l'AIPod ?
Les machines sont souvent louées. On peut être sur un prix qui va être autour des 950 euros par mois sur le Health Lounge à 1 200 euros sur l'AIPod. Nous sommes sur des tarifs conformes à ce qui se fait sur le marché aujourd'hui. Mais après, c'est à l'appréciation des uns et des autres.