Le potentiel de l'imprimante 3D fait l'unanimité. Barack Obama en personne n'avait pu cacher son enthousiasme sur le sujet, parlant de « la prochaine révolution industrielle ». Mais s'il est réellement possible de tout concevoir avec ces imprimantes, il fallait bien que le risque de dérives finisse par faire surface.
Après un an de travail, le groupe Defense Distributed a développé « le Liberator », une arme presque exclusivement imprimée en 3D. Il avait déjà conçu un fusil, le AR-15, qui bien que fonctionnel manquait de fiabilité et avait fini par se briser au bout de six coups. La fiabilité du Liberator n'est pas non plus réellement garantie puisque le groupe conseille d'imprimer plusieurs canons pour ne les utiliser qu'une seule fois chacun. Il a par ailleurs d'ores et déjà proposé en téléchargement les plans permettant de concevoir son pistolet en plastique ABS, sur Mega.
Ce groupe a été fondé par un étudiant en droit de 25 ans, Cody Wilson. Le 18 mars dernier, il avait reçu une licence en provenance du bureau de l'alcool, du tabac et des armes à feu, six mois après avoir déposé sa demande. En règle générale, les délais ne dépassent pas les deux mois. Cette licence doit permettre au groupe de concevoir et commercialiser légalement son tout nouveau pistolet.
Enfin presque, puisqu'un clou en métal est utilisé pour faire office de percuteur. Mais surtout, une autre pièce de métal a été incluse dans le corps de l'arme afin de la rendre détectable par les détecteurs de métaux et de respecter les obligations légales en matière d'armes à feu. Il ne serait pas obligatoire d'intégrer cette pièce en métal, ce qui peut laisser craindre de potentielles dérives.
Lorsqu'on l'interroge sur son initiative, Cody Wilson dit « voir un monde dans lequel les technologies permettraient d'obtenir tout ce dont on a besoin ». S'il reconnait que les armes « peuvent être utilisées pour nuire à autrui », il répond tout simplement que « c'est ce que l'outil est, une arme ». Limpide.
Beaucoup s'inquiètent en effet de cette initiative, d'autant plus que le débat s'intensifie outre-Atlantique, notamment depuis la fusillade de Newton, dans le Connecticut. Mais limiter la circulation et la commercialisation des armes aux Etats-Unis n'est pas chose aisée, face aux puissants lobbys qui défendent ardemment leurs intérêts. Un sénateur a bien réclamé l'interdiction de ces armes imprimées en 3D, au nom de l'interdiction des armes indétectables, mais l'argument tombe déjà à l'eau avec le modèle conçu par Defense Distributed...
Interrogée par la BBC, Victoria Baines, qui travaille au pôle cyberdélinquance d'Europol, n'entend toutefois pas tomber dans le catastrophisme, affirmant que « les criminels restaient pour le moment plus enclins à se tourner vers les voies traditionnelles pour se procurer des armes à feu ». Reste que la technologie est vouée à devenir de plus en plus accessible et de moins en moins coûteuse. L'imprimante qui a servi à concevoir l'arme a été achetée sur eBay moyennant 8 000 dollars (un peu plus de 6 100 euros).