Voici une découverte qui pourrait décomplexer les gros dormeurs et autres afficionados de la sieste : même les IA ont régulièrement besoin de faire un petit somme.
Des chercheurs du Laboratoire national de Los Alamos, situé dans l'État du Nouveau-Mexique et rattaché à l'université de Californie, ont fait une intéressante découverte. Contrairement à beaucoup de dispositifs dits intelligents, susceptibles de fonctionner 24h sur 24 et 7 jours sur 7 sans jamais s’arrêter, les systèmes IA qui imitent le système nerveux central des êtres vivants ressentent, eux aussi, le besoin de dormir.
Parce qu'apprendre, c'est fatiguant
Ce phénomène se produit lorsque les chercheurs soumettent leurs réseaux neuronaux artificiels à un apprentissage non supervisé de type classification. Les systèmes doivent catégoriser des objets sans avoir eu d’exemples préalables auxquels se référer. Garrett Kenyon, neuroscientifique spécialisé dans l'informatique neuronal et auteur de l’étude, fait le parallèle suivant :
« C’est comme si vous soumettiez à un enfant de nombreuses images d’animaux inconnus et que vous lui demandiez de regrouper des images similaires. Il ne saura peut-être pas ce qu'est une antilope, mais il la placera dans une pile séparée de celle des lions ou des pingouins, par exemple ».
Et comme les enfants, les réseaux neuronaux finissent par devenir « instables » après une session d’apprentissage continue, « génèrent des imagines analogues à des hallucinations ». Le remède pour les stabiliser ? Le repos !
Comment dort un réseau neuronal artificiel ?
À cet instant, vous vous demandez sûrement comment endormir un réseau neuronal. Lui préparer un lit douillet ? Lui chanter une berceuse ? Lui débrancher brutalement son alimentation ? Aucune de ces méthodes. Comme pour notre cerveau, son sommeil est surtout une histoire d’ondes.
Heureusement moins réfractaires à s’endormir que certains humains, les réseaux neuronaux artificiels peuvent être directement plongés dans ce qui s’apparente, chez un être vivant, au sommeil profond ; c’est en tout cas dans cet état qu’ils se reposent le plus.
Physiquement, pour un humain, la phase de sommeil profond le cerveau se traduit par des ondes dont les fréquences varient de 0,5 à 4 Hz environ. Plongés dans un sommeil artificiel similaire, les neurones finissent par retrouver leur stabilité. En outre, cet assoupissement permet d’en réinitialiser certains, inactifs lors du lancement initial de la simulation.
Par ailleurs, comme mentionné ci-dessus, "éteindre" les réseaux neuronaux n’atténue par leur instabilité. Pire, cela les réinitialise, annule leurs précédents acquis, les rend comme amnésiques. Concrètement, ne plus les alimenter revient à les plonger dans un état de mort cérébrale, lequel se caractérise, pour un cerveau biologique, par l’absence d’ondes.
Toutes les IA ne dorment pas
Ce besoin de sommeil ne concerne pas toutes les IA, un terme un peu fourre-tout qui désigne en réalité des concepts très différents. Comme le rappelle Garrett Kenyon, il ne concerne pas les IA qui se cantonnent à des activités très spécifiques, comme le deep learning. C’est l’opposition entre l’intelligence artificielle dite forte, ou générale, et l’intelligence artificielle faible. Inutile d’accorder régulièrement des nuits de sommeil à votre PC donc ; il n’en a pas besoin et cela ne le rendra pas plus intelligent !
Êtres vivants ou entité artificielle, aucun système neuronal ne semble donc pouvoir faire l’économie d’un bon sommeil réparateur. Grâce à leurs similitudes avec le cerveau humain, ces systèmes artificiels enrichiront certainement nos connaissances sur notre propre système biologique. Et qui sait, dans quelques décennies, lorsque des IA de ce genre seront implémentées dans nos objets du quotidien, votre voiture vous remerciera peut-être de l’avoir laissée dormir au chaud dans le garage plutôt que dans la rue.
Source : ScientificAmerican