Reconnaissance faciale

Dans une présentation financière longue de 55 pages destinée aux investisseurs, Clearview AI, entreprise spécialisée dans la reconnaissance faciale, dévoile ses ambitions pour l’avenir… Et il y a de quoi donner des sueurs froides aux défenseurs de la vie privée. 

D’ores et déjà très controversée, la firme américaine voit pourtant très loin et souhaite largement étendre ses capacités. Pour cela, elle fait appel aux investisseurs. 

La reconnaissance faciale pour la police, l’e-commerce, les banques… 

La société assure que depuis début 2020, elle est passée de 3 milliards à plus de 10 milliards d’images dans sa bibliothèque de visages. Elle explique en outre que son système de collecte de données ingère 1,5 milliard de visuels chaque mois. Si elle parvient à engranger 50 millions de dollars de financement, l’entreprise explique qu’elle sera en mesure d’accroître ses pouvoirs de collecte à 100 milliards de photos d’ici l’année prochaine, soit l’équivalent d’environ 10 visages pour chaque personne présente sur Terre. Elle espère ainsi créer de nouveaux produits, élargir son équipe de vente internationale et exercer un lobbying plus poussif pour faire pression sur les décideurs gouvernementaux. 

Alors que la majorité des géants technologiques ont décidé de lever le pied et de laisser la reconnaissance faciale de côté pour des raisons éthiques, Clearview AI y voit une immense opportunité commerciale afin de prendre une place laissée vacante par ces derniers. La firme explique ainsi qu’en plus de permettre à la police d’identifier des criminels, son système pourrait également servir à la gig economy, c’est-à-dire aux entreprises collaboratives telles qu’Uber, en leur permettant de surveiller davantage leurs travailleurs. Elle considère également des secteurs comme l’e-commerce, le retail et la finance comme de potentiels pans de croissance pour sa technologie. 

Clearview AI assure par ailleurs que son système est plus efficace que celui qui est exploité en Chine pour la surveillance de masse de la population. La firme travaille désormais sur de nouvelles technologies permettant d’identifier une personne selon sa démarche, et même de scanner des empreintes digitales à distance. 

Toujours pas de législation à l’échelle fédérale sur cette technologie outre-Atlantique

Actuellement, il n’existe aucune législation à l’échelle fédérale américaine pour réguler l’usage de la reconnaissance faciale, malgré plusieurs tentatives de certains députés. Si certains États ou villes, à l’instar de Los Angeles, ont décidé d’y avoir moins recours, la technologie peut être utilisée par les autorités fédérales. Par exemple, Cleaview AI a joué un rôle déterminant dans l’identification de certains supporteurs de Donald Trump lors de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. 

L’entreprise a ainsi déclaré qu’elle s’attendait à ce que ses revenus fédéraux annuels atteignent 6 millions de dollars cette année ; elle espère en outre « augmenter de 300 % l'utilisation globale » de son produit par les agences de police étatiques et locales. Cela risque néanmoins d’être compromis sur le Vieux Continent. Les députés européens ont en effet voté, en octobre dernier, une résolution contre la surveillance de masse à l’aide de l’IA. Par ailleurs, Clearview AI a déjà été dans le viseur des autorités françaises, qui l’ont récemment sommée de supprimer ses données sur les citoyens français. 

Il est difficile de savoir si les plans gargantuesques de Clearview AI sont réalisables pour le moment. Afin de convaincre les investisseurs, l’entreprise en appelle au patriotisme américain, et assure que son système permettra de défendre bien plus efficacement le pays. Il ne faut toutefois pas perdre de vue ses ambitions commerciales qui, si elles aboutissent, étendraient largement l’utilisation de la reconnaissance faciale. 

Source : MSN