Présent sur le Tour de France, Orange a ouvert ses portes à Clubic pour une immersion au sein des équipes techniques de l'opérateur, qui assurent de nombreuses missions déterminantes pour le bon déroulé de la Grande boucle. Un reportage destiné à mettre en lumière le travail de ces femmes et ces hommes qui restent dans l'ombre du peloton.
Quand il s’agit de résumer le travail mené par ses équipes techniques sur le Tour de France, Henri Terreaux, le Monsieur grands projets événementiels chez Orange, évoque une « toile d’araignée », ce qui décrit parfaitement la chose. Sur un peu plus de trois semaines, en comptant les deux journées de repos, c’est une vraie ville itinérante qui se déplace de région en région, pour offrir aux spectateurs, auditeurs et téléspectateurs du monde entier un événement sans accroc. Mais comment cette immense machine fonctionne-t-elle ?
Pendant plus de 24 heures, Clubic a eu l’opportunité de suivre les équipes techniques d’Orange sur l’étape 11 du Tour de France 2021, qui se courait entre Sorgues et Malaucène, dans le Vaucluse. Cette étape présentait un aspect tout particulier puisque les coureurs ont grimpé, non pas une, mais deux fois les mythiques pentes du Mont Ventoux, surnommé le mont Chauve, où les équipes techniques d’Orange, qui défient à la fois le temps et les éléments, ont souvent eu à accomplir des prouesses pour préserver la bonne retransmission de la Grande boucle. Montage de la ligne d’arrivée en un temps record, visite de la zone technique, rattachement à la fibre optique, antennes mobiles, gestions des aléas… On peut dire que nous avons été servis.
Notre reportage au cœur du Tour de France, dans les coulisses de la Grande boucle avec les équipes techniques d’Orange, commence ici.
1. L’installation de la ligne d’arrivée, le raccordement à la fibre
Mardi, 18 h 30. Après avoir pris le train depuis Marseille, notre taxi nous dépose à Malaucène, dans le Vaucluse, ville d’arrivée de la 11e étape du Tour de France. Le temps d’un repas, nous faisons connaissance avec l’une des deux équipes techniques d’Orange sur la course (pendant que l’une s’occupe de la ville d’arrivée, l’autre se charge de la ville de départ de l’étape).
À 20 h 30, certaines barrières sont déjà installées pour filtrer le public sur la zone d’arrivée, située pile en face de notre hôtel (ce qui ne nous aidera pas à bien dormir). Un peu plus tard, autour de 21 h 30, l'orage s'abat sur Malaucène ; il se prolongera, par intermittence, durant une bonne partie de la nuit. Mais peu importe la météo, les cars arrivent quand même en fin de soirée et pendant la nuit.
Après une courte nuit de sommeil, dès 6 h 30 du matin, les techniciens d’Orange, Henri Terreaux en tête, s’affairent à « connecter la ligne de départ ». L’une des premières opérations consiste à installer, dans le camion de l’opérateur, un serveur optique par lequel les caméras de France Télévisions et de tous les autres diffuseurs vont transiter. « Il y a deux façons de mettre la fibre », nous explique Henri. « On peut l’interconnecter au réseau, avec un second tiroir qui va nous relier à l’Internet. Et il y aura un renvoi fibre vers la deuxième zone technique. Le tiroir permet un renvoi de 36 fibres optiques vers nos camions. Vers 9 h du matin, tous les médias devraient se brancher ici ».
Malaucène est un lieu tout à fait particulier pour les équipes d’Orange, puisqu’il est l’un des seuls sur ce Tour de France à disposer de deux zones techniques au lieu d'une. « Il y a plusieurs prouesses à réussir ici », nous dit Henri Terreaux. « Nous avons des relais mobiles, supplémentaires, sur Malaucène et sur le Mont Ventoux. S’il y a des milliers de spectateurs, il va falloir que le réseau tienne. Et il y a les deux zones techniques, distantes de 900 mètres l’une de l’autre ».
Sur la zone technique 1, située au niveau de la ligne d’arrivée, on retrouve toutes les structures ou éléments liés au protocole (podium, visioconférence-interview des coureurs, point de chronométrage). Toutes les images de l’arrivée, celles du protocole notamment, seront acheminées vers les régies finales, qui se trouvent sur la zone technique 2.
Une fois les deux zones connectées et reliées à la fibre, les techniciens vont procéder à des tests des DSLAM (équipements réseau), qui sont routés sur Rennes et Clermont-Ferrand. « On va à présent faire décoller le DSLAM et regarder si les routages ont bien été faits dans la nuit. Les routages, c’est comme une gare de triage, il y a des scripts automatiques qui se passent la nuit, vers 5 h du matin. Et si tout se passe bien, on devrait avoir l’Internet haut débit, sur cette zone-là, d’ici un petit quart d’heure ».
Orange et le Tour de France : les chiffres à retenir
Orange, sur le Tour de France 2021, c'est :
- 662 communes couvertes en 4G et 7 villes-étapes en 5G
- 225 communes bénéficiant de la Fibre Orange
- 32 km de câbles déployés sur la ligne d’arrivée pendant l’épreuve
- 450 techniciens et superviseurs en back office
- 36 techniciens mobilisés nuit et jour au contact de la course
- 6 réseaux Wi-Fi 6 sur support Full Giga Ethernet
- 54 relais mobiles 3G 4G 5G en renfort
- 15 tonnes de matériel.
2. Le Mont Ventoux, un géant apprivoisé… ou presque !
Nous parlions un peu plus tôt du Mont Ventoux, point d’orgue de la 11e étape du Tour de France, traversé deux fois consécutives. Le Géant de Provence, qui domine le Vaucluse par sa hauteur, jusqu’à apercevoir une raffinerie de La Mède aux allures d’Œil de Sauron, à des dizaines de kilomètres de là, constitue à lui seul un défi technologique. Mais il est aussi une opportunité en termes de connectivité. Au petit matin, avant que les spectateurs ne s’en emparent, nous sommes allés à la rencontre de Grégory, technicien d'Orange, en charge de la supervision des équipements de l’opérateur au sommet du Ventoux.
Sur place, à environ 1 900 mètres d’altitude, les antennes ne manquent pas. Orange a équipé le mont Chauve d’antennes 2G, 3G et 4G. En sa qualité d’opérateur d’infrastructures, l’entreprise possède aussi sa propre tour hertzienne, légèrement en contrebas du sommet. Là aussi, on retrouve quatre antennes (2G, 3G et 4G) qui inondent les clients tout autour du sommet. « Une antenne envoie du signal sur 5 à 6 kilomètres de distance et sur 120°. Avec les quatre antennes, nous arrivons à couvrir les deux versants », précise Grégory.
La tour hertzienne d’Orange qui abrite notamment un groupe électrogène flambant neuf, est équipée des cartes de faisceaux hertziens. Ces cartes, alimentées par les antennes FH, sont reliées, par une fibre optique, à un routeur lui-même connecté en RJ45 aux cartes mobiles Nokia, qui convertissent ensuite tout cela en signal radio, lequel est remonté jusqu’aux antennes mobiles, qui se trouvent au sommet de la Tour, et qui jouent sur un gros scope de fréquences (800 MHz, 900 MHz, 1 800 MHz, 2 100 MHz et 2 600 MHz).
Les équipes d’Orange ont aussi, sur place, leur propre station météo, équipée de capteurs installés sur le toit. « Elle nous permet de recevoir des informations en temps réel différentes de celles que l’on reçoit par application du Mont Serein, qui se situe tout de même 500 mètres plus bas ».
Le Mont Ventoux, ce « lieu inhospitalier » pour Henri Terreaux.
Clubic : Puisque vous parlez des conditions météorologiques, pouvez-vous nous reparler du Mont Ventoux, célèbre auprès d'Orange et de l'organisation du Tour. Il y a eu, il y a plusieurs années, un épisode disons très difficile à gérer...
Henri Terreaux : Le Mont Ventoux est connu pour être un sommet où rien ne pousse. On croirait qu'il est enneigé. C'est un gros dôme tout blanc, avec des vents parfois très intenses. La dernière fois que nous sommes passés au Ventoux, en 2016, Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France, m'appelle à 1 h du matin en me disant « Henri, les coureurs ne pourront pas arriver au sommet du Mont Ventoux. Les rafales de vent, entre 100 et 120 km/h, ne permettront pas aux coureurs de tenir sur leur vélo, donc nous avons décidé de descendre au Chalet Reynard, 6 kilomètres en contrebas du sommet ».
Il a fallu, entre 1 h et 6 h du matin, dans les pentes du Mont Ventoux notamment, tirer des fibres optiques pour assurer les retransmissions pour les télévisions et radios, et pour que chaque téléspectateur et auditeur puisse vivre l'étape et l'arrivée. Nous avons fini à 7 h du matin, et lorsque les ingénieurs radio et son de France Télévisions sont arrivés, tout a pu fonctionner, ce qui fut une performance, sachant également qu'en contrebas du Mont Ventoux, vous avez le fameux col des Tempêtes, qui porte bien son nom. Cela reste un lieu inhospitalier, que nous couvrons à l'occasion de l'arrivée, sur ce sommet mythique.
Sur la première partie du Tour de France, la météo ne fut pas vraiment l'alliée des équipes techniques d'Orange, qui ont essuyé de nombreuses averses, et parfois le froid. Cela rend la tâche encore plus difficile on imagine, et pourtant, il n'a fallu que quelques heures pour monter les deux zones techniques à Malaucène, par exemple...
Sur cette édition du Tour de France, la météo depuis Brest n'a pas été très favorable en effet. On a essuyé des arrivées d'étapes avec des pluies diluviennes, tout cela sans perturber la qualité de service, sans qu'il n'y ait de coupure à l'antenne voire une coupure radio. C'est aussi une performance d'avoir cette fiabilité au niveau des transmissions.
Deux équipes sont présentes. Au moment où nous parlons, l'une est déjà partie sur l'étape suivante, pour câbler la salle de presse. Nous finissons parfois très tardivement. Nous avons le risque que les camions roulent et abîment nos câbles. La difficulté, c'est que nous ne savons jamais où les camions et cars régie vont se positionner dans la nuit. Nous tirons entre 20 et 25 kilomètres de câble tous les jours. On tisse une toile d'araignée tous les matins.
3. Les affaires tournent, mais sur le Tour de France, les aléas ne sont jamais loin
Lorsque nous redescendons du Ventoux sur Malaucène, il est à peine un peu plus de 9 h 30. Et la stupéfaction est totale. Tout a été monté et installé : ligne d’arrivée, tribunes VIP, barrières à l’effigie des partenaires du Tour, podium, zone d’interview, etc. Même une partie du public est déjà présente, il ne manque donc plus que les coureurs. Mais ces derniers ne sont pas attendus sur la lignée d’arrivée avant 17 h 20…
Alors que la première partie du Tour a été entachée d’une météo assez catastrophique, cette fois le beau temps est au rendez-vous. Et les spectateurs, bien que filtrés depuis plusieurs jours, sont nombreux sur les pentes du Géant de Provence. Un effet de masse qui a occasionné des soucis de connectivité, comme nous le détaille Henri Terreaux. « L'an dernier, nous avions des lignes d'arrivée vides de spectateurs, ce qui était un peu tristounet. On retrouve la ferveur le long des routes, et nous, nous retrouvons des pics de trafic incroyables ».
« On tisse une toile d'araignée tous les matins ».
« Aujourd'hui, au sommet du Ventoux, sur les deux escalades, nous avons eu plus de 100 000 appels et connexions en moins d'une heure. Nos deux réseaux mobiles ont presque atteint un pic de saturation, donc au moment où nous parlons, nous sommes en train de reprogrammer, de reparamétrer nos cellules pour évacuer toute la data et toute la voix ».
« Nous sommes sur une étape avec deux zones techniques, d'où une difficulté : nous avons tiré 36 fibres optique à destination de France Télévisions, d'Eurovision Sport, de la data de la course (ASO, la partie classement) et de l'interconnexion pour notre visioconférence, qui est stratégique, puisqu'il s'agit des interviews du maillot jaune et du vainqueur de l'étape. Puis nous avons réalisé aussi la performance de mettre deux relais mobiles temporaires le long de la course pour desservir au moins le village de Malaucène. C'est le même dispositif que nous mettrons sur les Champs-Elysées. Comme quoi, le troisième événement sportif mondial est capable de s'implanter partout, même dans un village reculé de la Drome ».
4. Fibre, 4G, 5G… le Tour de France, une opportunité en or pour connecter des zones reculées
Clubic : Les deux relais mobiles dont vous parliez, Henri, sont temporaires et permettent de répondre aux besoins du Tour et de ses spectateurs, mais Orange profite de la course également pour installer des équipements pérennes, n'est-ce pas ?
Henri Terreaux : Effectivement. Nous arrivons à l'ère de la 5G. Nous avions sept villes équipées de 5G sur ce Tour et avons réalisé et implanté des relais mobiles de cinquième génération. Nous avons également implanté 36 relais mobiles pérennes, que nous laissons à la fin du Tour, en 4G, pour désaturer des zones dites blanches ou des villages un peu reculés.
Quant à la fibre optique, est-ce que ça fonctionne de la même manière ?
Notre souhait, c'est une relation gagnante avec les collectivités et avec la société organisatrice du Tour, ASO (Amaury Sport Organisation). L'an dernier, sur une station de ski comme Orcières-Merlette, nous avions mis 17 km de fibre. Cette année, nous réitérons cette performance avec la station de Luz-Ardiden. Nous avons creusé la montage sur 11 km, posé du génie civil et une fibre pour desservir la station. Cela nous permet aussi « d'opticaliser » nos relais mobiles. Avant, ces derniers étaient sur FH (faisceau hertzien, une solution très haut débit sans fil pouvant grimper jusqu'à 100 Mbit/s, ndlr.). Cette fibre permet d'offrir du débit à la station, tout en réduisant les interventions sur des problèmes d'intempérie qui touchent les réseaux FH.
Sur la connectique fibre, on a tendance à passer petit à petit de fibres 1 Gbit/s à des fibres 10 Gbit/s, c'est bien ça ?
La fibre 1 Giga, c'est quasiment le passé même si c'est un tuyau qui nous a permis de dimensionner le Tour ces cinq dernières années. Maintenant, nous sommes obligés d'évoluer vers une nouvelle dimension, à savoir beaucoup plus de débits. Certains transmettent vers des télévisions 4K ou 8K, il y a des immersions à 360° aussi. Tout cela présage, dans l'avenir, une plus haute définition, plus de débits, plus d'images et d'immersion à l'intérieur de la course. La fibre 10 Gigas nous permet d'apporter ce dimensionnement réseau à la course, et nous offre une bulle d'air pour au moins trois à quatre ans.
Le mot de la fin de Clubic
Ce moment passé avec les équipes d’Orange nous aura permis de nous rendre compte que rien n’est laissé au hasard et que peu importe le lieu, la météo, les aléas ou les dates, l’erreur n’est pas permise, un rien pouvant enrayer cette gigantesque machine connectée. Nous remercions sincèrement l’opérateur de nous avoir ouvert ses portes, en nous laissant une totale liberté (une chose qui compte) pour notre reportage. Ouvrir de cette façon ses portes, cela devient (trop) rare, mais c’est ce qui nous a permis de vous offrir, on l’espère, un reportage authentique.