Le codec AV1, créé par les géants du numérique, fait l'objet d'une enquête de la Commission européenne. Bruxelles craint que l'alliance à l'origine du codec n'impose des conditions de licence qui freineraient la concurrence et l'innovation.
La technologie de compression vidéo AV1 est apparue il y a quelques années déjà, mais son origine est toute particulière. Le codec vidéo ouvert a en effet été créé par plusieurs mastodontes du numérique, comme Google, Meta, Apple, Amazon, Netflix, Cisco, Samsung, Tencent, Huawei ou encore Mozilla et Apple, dans le but de proposer une alternative libre de droit, au travers de l'Alliance for Open Media (AOM). Et qui plus est, le codec est 30 % plus efficace que le H.265, son premier concurrent, réputé universel. La Commission européenne a toutefois décidé d'ouvrir une enquête sur les pratiques du consortium qui développe le codec.
Le risque d'un comportement anticoncurrentiel
Certes, l'ouverture d'une enquête ne préjuge en rien de son issue, mais Bruxelles a aujourd'hui quelques petits doutes sur les conditions d'utilisation des licences AV1 en Europe. La Commission redoute en effet que l'Alliance for Open Media, fondée en 2015, n'ait eu un comportement anticoncurrentiel.
Si Netflix, Twitch ou YouTube ont commencé à utiliser le codec AV1, celui-ci reste encore loin de l'adoption massive, puisque compatible avec un nombre encore restreint de navigateurs (Chrome, Firefox, Edge, Opera), de mobiles (Android seulement) et surtout de téléviseurs (très peu). Mais son ampleur est croissante, et l'intérêt du public, dont une partie est de plus en plus consommatrice de contenus en 4K, est grandissant.
En début d'année, les entreprises qui font partie de l'AOM ont été invitées, par la Commission européenne, à répondre à un questionnaire visant à recueillir leur témoignage et avis sur de possibles licences croisées obligatoires sans redevance, qui seraient imposées à des sociétés qui ne faisaient pourtant pas partie de l'Alliance lors de la création du codec AV1.
Un frein potentiel à l'innovation et à la concurrence de l'AV1
À ce stade, la Commission détiendrait des informations selon lesquelles le consortium et ses membres pourraient avoir imposé ces fameuses conditions, alors que les brevets rattachés au codec AV1 sont jugés essentiels.
Selon Bruxelles, ce comportement potentiellement anticoncurrentiel peut avoir restreint la capacité de certaines entreprises à concurrencer la spécification technique AV1, et avoir créé un frein à l'innovation pour ces sociétés, alors pourtant que la promesse de départ de l'AOM n'est autre que « d'offrir des solutions ouvertes, libres de droits et interopérables pour la prochaine génération de diffusion de médias ».
Si l'enquête n'aboutira pas nécessairement sur des sanctions, les entreprises ciblées par cette dernière s'exposent tout de même à une amende pouvant atteindre 10 % de leur chiffre d'affaires mondial annuel.
Source : Reuters