Français ou Japonais, on a tous vécu cela ou on s'apprête à l'expérimenter. Un beau jour on se sépare de sa famille, on entre dans la « vie active », on emménage seul ou à plusieurs, on déménage pour changer de pays, de ville, de quartier, de boulot, bref, une nouvelle existence démarre. Au Japon, ces bifurcations dans le parcours personnel se produisent à très grande échelle en mars et début avril. C'est que chaque 1er avril marque le début d'une nouvelle année scolaire et budgétaire.
Presque toutes les entreprises accueillent alors par dizaines, centaines ou milliers des nouvelles recrues, les « shinnyushain », lesquels entament alors une « shinseikatsu » (nouvelle vie). Quel rapport avec la high-tech direz-vous ? Eh bien, le lien commercial, pardi. Car les hypermarchés de l'électronique et de l'électroménager nippons, des malins s'il en est, profitent à plein de ces grands chambardements pour proposer des offres spéciales destinées à faciliter l'acquisition des besoins de ceux qui, nouveaux locataires d'un appartement vide, doivent tout acheter : le réfrigérateur, le lave-linge, le four à micro-ondes, l'indispensable auto-cuiseur à riz, l'aspirateur, le téléviseur, le lecteur/enregistreur à DVD, l'ordinateur et tout le toutim... Bref, le confort minimum vital.
Ainsi, qui va ces jours-ci faire un petit tour dans les travées d'enseignes telle que Bic Camera à Tokyo, a le regard sans arrêt happé par des affiches géantes sur lesquelles sont inscrits en gros caractères, en japonais, les termes « promotions de soutien à la nouvelle vie ». Et ces panneaux tape-à-l'oeil de présenter des ensembles pré-constitués d'équipements vendus en bloc pour un tarif largement inférieur à la somme des prix habituels de chaque appareil proposé. Par exemple, un lot comprenant un réfrigérateur/congélateur National (groupe Matsushita/Panasonic), une machine à laver Toshiba, un four à micro-ondes National, un auto-cuiseur à riz Tiger et un aspirateur Hitachi est vendu 79.800 yens (495 euros) soit 10.000 yens de réduction. Ce n'est pas là la réclame la plus intéressante, tant s'en faut, mais elle s'accompagne quand même d'une remise supplémentaire de 7.900 yens à valoir sur un achat ultérieur pour les possesseurs de la carte de fidélité Bic Camera. En acceptant de réduire d'un quart, un tiers ou de moitié le montant de l'à-valoir, il est possible d'étendre à 3, 5 ou 10 ans la garantie de chaque produit.
On peut en outre ajouter différents autres appareils (sèche-cheveux, pèse-personne, rasoir électrique, cafetière, téléphone fixe/fax) moyennant un supplément, lui aussi réduit par rapport au tarif normal de chacun de ces articles. D'autres « set » sont également proposés pour qui veut aussi équiper son salon et son coin loisirs/travail. Exemple, un ensemble TV à écran à cristaux liquides (LCD) de 26 pouces de diagonale, haute-définition, siglé Sanyo, associé à un enregistreur à disque dur et DVD de marque Panasonic, est bradé à 118.000 yens (740 euros) contre 140.000 yens (875 euros) au tarif normal, sans compter les 12 000 yens de ristourne à valoir sur l'achat suivant dans le cadre du programme de fidélité.
Autre offre alléchante, un "kit" intégrant un ordinateur portable de marque Fujitsu, Sharp ou Toshiba (c'est-à-dire un modèle de très bonne facture) avec la suite Microsoft Office Personal + une imprimante couleur HP et un module USB de connexion à internet par réseau cellulaire de troisième génération avancée (3,5G, W-CDMA/HSDPA) avec abonnement à l'opérateur EMobile, est proposé à 90.000 yens (562 euros) soit, tenez-vous bien, une réduction de 47% par rapport au prix normal. Evidemment, pour qui paye par carte de crédit émise par un organisme japonais (DC, JCB, etc), le règlement peut être réparti sur plusieurs mois sans frais supplémentaires. Il suffit juste de le signifier au caissier au moment où l'on présente sa carte. (Soit dit en passant, cet étalement des paiements est valable dans quasiment tous les commerces acceptant lesdites cartes, quel que soit le montant des achats).
Par ailleurs, si un des produits du lot ne plaît pas, il est possible de le remplacer par un autre de son choix, mais dans ce cas, le prix « lot » sera recalculé en fonction du différentiel. D'autres boutiques comme Yodobashi Camera ont adopté un modèle un peu différent qui laisse plus de liberté aux clients. Par exemple, qui achète un réfrigérateur et une machine à laver (minimun requis) peut ajouter jusqu'à neuf produits supplémentaires à prix réduits sélectionnés dans neuf catégories pré-définies qui totalisent quelque 200 références d'appareils électro-ménager et électroniques. La livraison, l'installation et différentes autres prestations sont comprises dans ces tarifs promotionnels.
Ces offres spéciales groupées imbattables ne durent pas plus de quelques semaines (de début mars à mi-avril), mais « elles ne sont pas seulement réservées à ceux qui sont en mesure de prouver qu'ils viennent de changer de vie », explique un vendeur de Bic Camera. « Des vieux retraités qui habitent depuis des lustres dans la même maison de bois à Tokyo (il y en a encore beaucoup) et n'ont nullement l'intention de la quitter peuvent, s'ils le souhaitent, profiter des rabais", ironise-t-il. Elle est pas belle la nouvelle vie ?
Ce n'est pas fini...
Puisque la période se prête aux soldes groupés de début d'année budgétaire, on saute sur l'occasion pour faire de même. Voici donc un lot de brèves télécoms/audiovisuel/electro-ménager pour compléter ce court reportage. Cette semaine, plutôt calme sur le plan des nouvelles fracassantes dans l'univers high-tech nippon, a quand même été marquée par l'annonce officielle de la disparition des terminaux mobiles de deuxième génération et quelques présentations de produits ma foi pas inintéressants, notamment du côté de chez Sony ou Matsushita (groupe qui sera rebaptisé Panasonic en octobre).Anticiper
L'association des fabricants de produits électroniques japonaise (Jeita) a annoncé cette semaine la fin anticipée des téléphones portables de deuxième génération avant l'extinction en 2012 des réseaux afférents (du moins de la part du premier opérateur nippon NTT DoCoMo). Pour la première fois en janvier, plus un seul mobile de deuxième génération (format PDC au Japon) n'a été livré aux boutiques japonaises sur les quelque 4,1 millions d'appareils mis en vente le même mois, lesquels sont tous de troisième génération ou assimilée.
Depuis des mois ou années, les opérateurs japonais, co-développeurs des terminaux aux côtés des fabricants (nippons pour la plupart), ne développent plus de téléphones cellulaires de deuxième génération. Les industriels continuaient cependant de livrer quelques exemplaires antérieurs pour une clientèle ultra-limitée de nouveaux abonnés peu exigeants. Depuis des mois déjà, il est quasiment impossible de souscrire à une offre de deuxième génération et la demande est de toute façon presque nulle. A partir de fin mars, ce sera fini, on ne pourra plus s'abonner à un service 2G.
Quant à la migration des clients de longue date vers la 3G, elle se poursuit à grande vitesse, les utilisateurs de mobiles japonais étant fous des innombrables services de données multimédia qui leur sont proposés. Ils surfent à fond sans compter, grâce aux forfaits de données en volume illimité. Fin février, près de 85% des 105 millions de possesseurs de téléphones portables nippons avaient déjà opté pour un service de 3e génération ou équivalent.
Par ailleurs, sur les 4,1 millions de téléphones livrés en janvier, quelque 2,45 millions (plus de 60% du total) sont équipés d'un tuner pour la réception des chaînes de télévision diffusées en numérique à destination d'appareils nomades. "C'est le troisième mois de suite où ce type d'appareils représente plus de la moitié des mobiles écoulés", a précisé la Jeita.
Anti-bruit
Sony va commercialiser fin avril au Japon un casque audio haut de gamme pourvu d'un système numérique de réduction de bruits environnants qui, selon le groupe, atténue 99% des perturbations sonores externes, un résultat jamais atteint par les modèles à procédé analogique.
Il existe déjà une vaste panoplie de casques audio de différentes formes (fermés, oreillettes) dotés d'un dispositif pour annuler partiellement le brouhaha extérieur (conversations, ronronnement dans les avions ou trains, voitures dans les rues, etc.). Las, seulement environ 80% des nuisances sonores alentour sont généralement plus ou moins réduites dans le meilleur des cas. Les sons aigus, directifs, restent le plus souvent parfaitement perceptibles. C'est que jusqu'à présent, les casques à système de réduction de bruit actif (c'est-à-dire reposant sur un processus électronique) traitent un signal analogique capté par deux micros omnidirectionnels intégrés aux oreillettes et dirigés vers l'extérieur. Le nouveau casque de Sony est, paraît-il, le premier à opérer une conversion en numérique des sons extérieurs perçus par les micros, avant d'ajouter un autre signal, généré électroniquement, en opposition de phase, une somme dont le résultat, en théorie presque nul, élimine les nuisances au maximum selon leur nature et leur niveau sonore.
Ce processus numérique permet d'attaquer également en partie les fréquences élevées (médium-aigus), ce qui est plus difficile avec les procédés analogiques qui parviennent certes à atténuer les sons sourds (dans un avion par exemple) mais pas les bruits stridents (comme les conversations, klaxons ou rires).
Toutefois, certains fabricants ne jugent pas pertinents de proposer des casques réducteurs de bruits environnants trop performants, du fait du danger potentiel qu'ils font courir lorsqu'ils sont utilisés dans les rues et autres lieux où la vigilance s'impose.
Quant à certains mélomanes (dont l'auteur de ces lignes), ils trouvent que les traitements mis en oeuvre perturbent le signal musical. Du coup, ils préfèrent les casques dont l'isolation ne fait appel qu'à des méthodes non électroniques (embout en plastique sur-mesure, mousses). Pour le moment, aucun casque à réduction de bruit électronique n'est parvenu à supprimer aussi bien le capharnaüm ambiant que les oreillettes Ultimate Ears UE "tripleFi-10 Pro" dont l'auteur de ces lignes apprécie quotidiennement la qualité, laquelle a un prix : près de 400 euros. A bon entendeur... Quant au casque de Sony, il sera mis en vente aux environs de 50.000 yens (315 euros).
Anti-perte
Le mastodonte nippon a également présenté cette semaine un outil qui manifestement se faisait attendre : une platine pour disques vinyle à raccorder à un ordinateur pour réaliser simplement des copies numériques de titres enregistrés sur ces vieux supports analogiques. Ledit « tourne-disque » se connecte à un PC par câble USB via lequel transite le signal électrique musical. Il est livré avec un logiciel spécifique qui permet de convertir automatiquement les morceaux en formats numériques compressés MP3 ou ATRAC. Ces fichiers peuvent ensuite être répliqués sur CD inscriptibles ou transférés sur un baladeur audionumérique.
Il existe en fait déjà des appareils du même type ou presque, mais ils semblent relativement difficiles à dénicher, en tout cas au Japon. Bien sûr, les connaisseurs n'ont pas attendu le bon vouloir des fabricants pour bidouiller en ajoutant des amplis et autres boîtiers, afin de numériser une discothèque vinyle. Mais avouez que ce "système D" est un tantinet rebutant pour le commun des audiophiles.
Numérique n'étant pas synonyme de "meilleur", la conversion ne se traduit pas par une amélioration de la qualité sonore, laquelle est variable selon l'état des supports. Les morceaux conservés sur des disques rayés continueront de bégayer et les crachouillis resteront intacts, sauf à utiliser le logiciel livré, ou un autre, pour retoucher le tout, ce qui n'est pas forcément souhaitable. N'aime-t-on pas aussi le son vinyle pour ses imperfections et les souvenirs qui vont avec ?
Par ailleurs, contrairement à un CD dont le contenu peut être transféré sur un disque dur de PC en beaucoup moins de temps qu'il n'en faut pour le lire, dans le cas du vinyle, la copie se fait à la vitesse de lecture nominale des morceaux : une heure de musique nécessite une heure pour la convertir. La platine PS-LX300USB de Sony sera proposée au Japon en avril pour un prix voisin de 180 euros.
Anti-bide
Dans un registre totalement différent, Matsushita a bien faire sourire (ou terrifié) les journalistes lundi 10 mars avec un nouvel engin pour lutter contre la prise d'embonpoint, ou plutôt, pour évaluer les dégâts d'abord et les progrès réalisés ensuite. Il s'agit d'un pèse-personne « high-tech » associé à un accessoire que l'on positionne devant différentes parties du corps (le ventre, les fesses, les cuisses, les bras, etc.) pour mesurer l'épaisseur de graisse! L'appareil est le premier au monde à employer pour ce faire un capteur à faisceau lumineux qui évalue la grosseur des bourrelets en une seconde, en mesurant l'angle et la façon dont le signal envoyé lui revient. Le système perd la tête si l'épaisseur de graisse rencontrée dépasse... six centimètres!
Ce pèse-personne est bourré d'autres fonctions (taux de graisse, masse musculaire, mesure de l'équilibre, diagrammes corporels), pour apprendre aux Japonais à faire gaffe aux excès et à se surveiller de très près. Appareil familial, il est conçu pour mémoriser les données correspondant à quatre individus pendant plusieurs mois. Il se vend déjà quelque 2,5 millions de ce genre d'engins haut de gamme au Japon depuis plusieurs années, et la demande ne cesse d'augmenter.
C'est que le 1er avril ne marque pas seulement la nouvelle année scolaire et budgétaire, c'est aussi la période des bonnes résolutions et la date d'entrée en vigueur de nouvelles lois et règlements. A partir du 1er avril 2008, les entreprises nippones auront l'obligation de proposer à leurs ouailles des programmes de contrôle de poids et des mesures pour éviter que leurs employés prennent de la bedaine, facteur supplémentaire de risques de maladies cardio-vasculaires ! Véridique. La population salariée japonaise vieillit, il faut donc la maintenir en vie et en pleine forme le plus longtemps possible pour que chaque individu trime jusqu'à au moins 65 ans. Remarquez, les intéressés ne sont pas contre, ça tombe bien.
Sur ce, prenez soin de vous et revenez la semaine prochaine.