Live Japon : Comptes catastrophiques, comme prévu

Karyn Poupée
Publié le 17 mai 2009 à 13h00
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Le bilan annuel des industriels japonais était annoncé désastreux : il l'est. Sur les dix plus importants groupes d'électronique nippons plus ou moins diversifiés, huit ont terminé l'exercice budgétaire 2008-2009 fin mars dans le rouge, et seulement trois prévoient d'être bénéficiaires cette année (avril 2009 à mars 2010). Voilà qui illustre, s'il en était encore besoin, la gravité des répercussions de la débâcle économique internationale sur l'industrie japonaise qui a pâti de la prudence redoublée des acheteurs (particuliers et sociétés) et peut-être plus encore de l'envolée de la devise nippone, le yen. Résultat : leur chiffre d'affaires a dégringolé comme jamais par rapport à celui de l'année précédente, les rendant incapables de comprimer leurs coûts autant que nécessaire.

De nombreuses pertes résultent toutefois de charges exceptionnelles correspondant à des mesures d'urgence pour faire le ménage dans les activités (exit les non profitables), éliminer les équipements ou dédommager les salariés jugés excédentaires. En se transformant et en maintenant souvent des budgets de recherche et développement importants (qui se situent dans une fourchette de 5 à 9% de leur chiffre d'affaires), les groupes nippons disent en outre se préparer à affronter un marché mondial en voie de mutation durable, du fait de changements de comportement des consommateurs et d'une clientèle qui grossit dans les pays émergents alors qu'elle rétrécit au Japon et en Occident.

Détaillons, quitte, une fois n'est pas coutume, le faire en deux volets, cette semaine et la prochaine.

Entre avril 2008 et mars 2009, Hitachi, Panasonic, Sony, Toshiba, Sharp, Fujitsu, NEC et Sanyo ont perdu de l'argent, et seuls Sharp, Nec et Fujitsu pensent renouer avec les profits cette année. Sanyo ne vise que l'équilibre.

Qui a été rentable l'an passé ? Mitsubishi Electric et Kyocera, mais le premier pense que cela ne va pas durer.

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Les poids lourds au fond de l'eau: Hitachi et Toshiba

La triste palme de la plus grosse perte nette historique 2008-2009 revient au conglomérat oeuvrant dans un large éventail de secteurs (réacteurs nucléaires, turbines, ascenseurs, téléviseurs, disques durs, semi-conducteurs, etc) : Hitachi. Ce dernier a fait état d'une perte nette record de 6,1 milliards d'euros pour une bonne part due à des dépréciations d'actifs divers pour cause de réorganisation de certaines activités en mauvaise santé, de dévalorisation de titres boursiers et autres mesures extraordinaires. Des frais fiscaux élevés ont également contribué à creuser le déficit. Victime du yen fort et de la dégringolade de la demande mondiale en produits électroniques et en composants automobiles, Hitachi avait annoncé au début de l'année un vaste plan d'austérité et 7 000 suppressions d'emplois.

Seule maigre consolation pour Hitachi, son résultat d'exploitation annuel a finalement un peu mieux résisté que ne le craignait le groupe quelques mois auparavant. « La situation de plusieurs divisions comme celle des matériaux avancés ou des systèmes électriques et industriels a été moins mauvaise que ce que nous pensions », a-t-il expliqué.

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Durant l'année d'avril 2008 à mars 2009, le chiffre d'affaires du groupe a dévissé de 11% par rapport à l'année précédente, pour tomber à 10 000 milliards de yens (77 milliards d'euros). « Toutes nos activités ont vu leurs ventes baisser en valeur par rapport à l'année précédente », a souligné mardi Hitachi qui reconnaît avoir constaté une très rapide baisse de la demande d'équipements industriels, de semi-conducteurs et de composants pour le secteur automobile, une filière dévastée. Sur le plan des bénéfices d'exploitation, à part l'activité des systèmes d'information et communication qui a été plus rentable que l'an passé, les autres (composants, équipements automobiles, engins et matériels de construction, électroménager, matériaux avancés, systèmes logistiques et services financiers) ont toutes vu leurs profits chuter dans des proportions de 7% à plus de 80%. Quant à celle des appareils électroniques grand public, elle est carrément tombée dans le rouge.

Pour l'exercice en cours qui sera achevé le 31 mars 2010, Hitachi s'attend à être encore déficitaire. Il pense endurer une perte nette de 2,1 milliards d'euros au cours actuel, sur un chiffre d'affaires qui devrait encore dégringoler de près de 9 milliards d'euros! Le groupe, qui prévoit encore d'importants frais de restructuration et va limiter ses dépenses d'investissement à celles jugées prioritaires, compte toutefois sur ses activités piliers comme les infrastructures (centrales électriques, équipements pour le secteur de l'énergie, dispositifs urbains, technologies environnementales, réseaux, etc.) pour mieux affronter cette conjoncture exécrable.

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Dans un registre voisin, le conglomérat Toshiba a bouclé l'année sur une perte nette de 2,6 milliards d'euros, à cause d'une décrue de 13% de son chiffre d'affaires à 51,2 milliards d'euros. Toshiba a surtout souffert de la forte baisse de la demande et des prix des mémoires flash NAND, une de ses spécialités stratégiques, ainsi que de la dégradation du marché des appareils électroniques dans leur ensemble. Il a aussi été durement pénalisé par la hausse du yen qui a rongé ses marges et laminé sa compétitivité. « Le marché des mémoires a décliné bien plus que nous le pensions », a reconnu le groupe qui a fait de ces composants de stockage de données (intégrés dans de nombreux produits électroniques) une de ces activités piliers. Le chiffre d'affaires des différentes grandes divisions de Toshiba a baissé dans des proportions allant de 1% pour les « infrastructures publiques » (qui comprennent notamment les réacteurs nucléaires) à 24% pour les composants électroniques, lesquels englobent les mémoires flash et représentent 20% des revenus du conglomérat.

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Les produits électroniques grand public et appareils pour professionnels de marque Toshiba (ordinateurs portables, téléviseurs, enregistreurs vidéo, téléphones mobiles etc.) ont connu une année pitoyable, en raison d'une concurrence exacerbée, d'un yen trop cher, d'un appétit moindre des consommateurs pour ce type d'articles en période de crise et d'une baisse des investissements des entreprises. Le chiffre d'affaires de cette activité, qui représente 37% du total du conglomérat, a dévissé de 26% sur un an. Pour l'année en cours qui s'achèvera le 31 mars 2010, Toshiba, qui a lancé une vaste restructuration et décidé de supprimer plus de 8.000 postes de salariés temporaires au Japon, s'attend à une nouvelle perte nette de 385 millions d'euros, mais il escompte un petit rebond de 2,2% de son chiffre d'affaires. Il espère une amélioration dans le domaine des mémoires et appareils électroniques, « grâce à une situation meilleure pour les téléphones portables et enregistreurs vidéo à disque dur ».

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Dans le rouge mais pensent en sortir : NEC et Fujitsu

Les deux gros de l'électronique, de l'informatique et des équipements de télécommunications nippons NEC et Fujitsu ont aussi affiché des finances en piteux état.

NEC, dont le chiffre d'affaires a également fortement régressé (-8,7% en un an à 32 milliards d'euros), a confirmé avoir subi une perte nette de 2,3 milliards d'euros en partie due à des charges exceptionnelles afin de faire le tri dans ses activités, sauver des filiales aux abois (NEC Electronics et NEC Tokin) et renouer avec les profits cette année. NEC Electronics, société de composants du groupe, championne des micro-contrôleurs, se prépare à fusionner dans un an avec Renesas Technology, firme nippone contrôlée par Hitachi et Mitsubishi Electric et connue pour ses circuits intégrés à grande échelle (LSI). Ensemble, NEC Electronics et Renesas devraient se hisser au rang de numéro un nippon des semi-conducteurs et troisième mondial.

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Fujitsu a quant à lui annoncé une perte nette de 860 millions d'euros tout en se disant en mesure de redevenir bénéficiaire très vite grâce à ses activités porteuses et à un tri sélectif. La mauvaise performance de l'an passé est due à une chute de 12% de son chiffre d'affaires à 36 milliards d'euros. D'importantes dépréciations d'actifs liées à l'abandon récent de la fabrication de disques durs ont lourdement aggravé le résultat final. Bon point pas si surprenant : l'activité des solutions et services informatiques a été relativement épargnée par la débâcle internationale, grâce au fait que de plus en plus de sociétés de tous secteurs préférent, pour des raisons de coûts et de compétences, sous-traiter à des groupes spécialisés comme Fujitsu l'administration de leurs serveurs, progiciels et réseaux.

« Nous avons fini l'année sur de bons résultats dans nos divisions des services et plates-formes d'informations, grâce à la capacité de nos salariés à répondre au changement de comportement et aux nouveaux besoins des clients, pour leur fournir des solutions qui leur permettent de faire des économies en ces temps difficiles », a commenté le patron de Fujitsu, Kuniaki Nozoe. Fujitsu table de facto sur ses services informatiques qui devraient continuer de prospérer, même si la crise perdure, pour revenir dans le vert. L'abandon de l'activité déficitaire des disques durs, cédée par appartements au conglomérat Toshiba et à une autre société nippone, Showa Denko, allègera en outre ses dépenses.

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Pas encore dans le rouge, mais persuadé d'y sombrer : Mitsubishi Electric

D'un poids équivalent et ayant des activités communes à NEC et Fujitsu, l'inclassable Mitsubishi Electric a pour sa part dégagé en 2008/09 un bénéfice net d'environ 92 millions d'euros sur un chiffre d'affaires de l'ordre de 28 milliards d'euros (-9% sur un an). Il est parvenu à ce résultat légèrement positif même si sa division de composants électroniques a été très affectée, ayant affiché une perte opérationnelle de près de 250 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 1,3 milliard, en baisse de 13% sur un an.

Les autres activités de Mitsubishi Electric (groupe indépendant des diverses nombreuses sociétés Mitsubishi nippones) sont restées bénéficiaires. La plupart ont néanmoins souffert d'une chute des profits consécutive à une baisse de 9% à 16% de leurs recettes. Seules ont fait mieux sur le plan de la rentabilité que l'année précédente celle des gros systèmes électriques (qui a vu ses profits augmenter malgré un petit repli de 1% du chiffre d'affaires) et celle des moyens de télécommunications, délestée du segment très déficitaire des téléphones portables, un domaine totalement abandonné par le groupe. S'il a sauvé la face l'an passé, Mitsubishi Electric pense cependant qu'il n'échappera pas à un plongeon dans le rouge cette année, car les entreprises qui achètent ses automations industrielles et composants devraient encore se montrer assez peu dépensières et le yen encore cher.

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Ceux qui pensent profiter des rayons du soleil : Sanyo, Sharp et Kyocera

Parmi les trois groupes de taille et activités assez proches Sharp, Sanyo et Kyocera, connus pour leurs produits électroniques et panneaux solaires, seul le dernier est parvenu à tirer son épingle du jeu.

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Sharp a enduré une perte de 960 millions d'euros, des éléments comptables exceptionnels ayant lourdement pesé sur ce résultat, alors que son chiffre d'affaires s'est affaissé de 16,7% sur un an à 21 milliards d'euros. Dans le domaine des produits électroniques, le groupe a notamment souffert d'un déclin de la demande de dalles et de téléviseurs à écran plat à cristaux liquides (LCD), une de ses spécialités, sur fond de féroce concurrence et de chute des prix de vente. La mauvaise conjoncture de l'année passée l'a de facto forcé à réorganiser sa production de dalles LCD, en fermant une usine, ce qui s'est traduit par l'enregistrement comptable de dépréciations d'actifs.

Le groupe, qui est le premier actionnaire de son compatriote Pioneer, a également tenu compte de pertes liées à la dégringolade du cours du titre de ce dernier. Il a en outre comptabilisé une amende infligée par les autorités de la concurrence américaines dans une affaire de cartel portant sur la vente de dalles LCD. Grâce aux mesures d'urgence mises en oeuvre, Sharp dit cependant être désormais parvenu à ramener ses stocks de téléviseurs et dalles à un niveau normal. Il a signalé récemment que les commandes étaient reparties à bon rythme en provenance de Chine. Le groupe prévoit de mettre en route en octobre au Japon une nouvelle usine ultra-moderne de dalles-mères, les plus grandes du monde, ce qui devrait lui permettre de faire un nouveau bond en termes de compétitivité. Sharp bénéficie enfin d'un engouement vif pour les cellules photovoltaïques et panneaux solaires, un secteur dans lequel il est entré il y a plus de 40 ans et dont il espère, en tant qu'actuel numéro deux mondial, tirer de gros profits à moyen et long termes.

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Sanyo a pour sa part achevé l'année 2008-2009 sur une perte nette de 715 millions d'euros, en raison d'une chute de son chiffre d'affaires de 12%, mais il espère terminer l'exercice entamé en avril à l'équilibre. Le groupe impute principalement cette déconvenue au repli de la demande de semi-conducteurs et autres composants électroniques, alors que l'activité solaire, un pilier important du groupe, est plutôt bien orientée.

C'est d'ailleurs elle qui a sauvé du gouffre le concurrent de Sanyo, Kyocera, malgré une chute de 12,5% de son chiffre d'affaires en glissement annuel. Il a dégagé un bénéfice net de 227 millions d'euros, un peu meilleur que prévu. « Le marché des produits électroniques grand public a été pénalisé par la chute de la consommation des particuliers, mais grâce aux politiques de subventions publiques à l'achat, le secteur de l'énergie solaire a au contraire grossi », a souligné Kyocera, le seul bénéficiaire de l'exercice 2008-2009 qui pense le rester cette année.

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On arrête là pour cette semaine, histoire de finir sur une note un peu positive.

Au menu du prochain Live Japon, nous parlerons des deux fleurons tombés au tapis, Sony et Panasonic, qui, du fait de cette "crise du siècle" comme ils la nomment, ont déploré leurs premiers déficits depuis respectivement 14 et 6 ans et se sont lancés dans une nouvelle phase de douloureuse reconfiguration.
Karyn Poupée
Par Karyn Poupée

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