Le vent souffle bien sur les éoliennes françaises, mais se heurte à un mur de paperasse. Un obstacle qui rend la pleine exploitation de cette source plus compliquée que ce qu'elle ne l'est vraiment.
La situation géopolitique entre l'Ukraine et la Russie a révélé assez brutalement les limites de la dépendance au gaz, encore plus lorsque celui-ci provient d'entreprises comme Gazprom, Novatek, Lukoil ou Rosneft. Selon un rapport du thinktank britannique Ember, les éoliennes ont très bien tourné en 2023, puisqu'elles sont devenues la deuxième source d'énergie de l'Europe, en passant devant les centrales à gaz.
Dans ce paysage énergétique en pleine mutation, la France se présente au premier abord comme un exemple à suivre puisqu'elle se positionne comme troisième plus gros producteur européen d'énergie éolienne. Pourtant, elle peine à exploiter pleinement ce potentiel, handicapée par des procédures juridiques contraignantes.
Expansion européenne et freins français
Dans toute l'Europe, la transition énergétique s'accélère. Carine Sebi, professeure titulaire de la chaire Energy for Society à la Grenoble École de management, explique : « Partout en Europe on développe les capacités éoliennes ». Résultat : la production à l'échelle du Vieux Continent équivaut à 475 TWh, ce qui représente une augmentation de 13 % par rapport à l'an dernier. Résultat : une production de gaz (-15 %) et de charbon (-26 %) qui baissent.
Cette transition est portée par trois pays principaux : l'Allemagne, l'Espagne et le Danemark. Trois nations bénéficiant d'une législation propice au développement de cette source d'énergie ainsi qu'un tissu industriel assez robuste.
La France, malgré sa position plutôt confortable, est encore à la traîne sur le développement éolien et les objectifs de Bruxelles demeurent encore hors d'atteinte. La production d'énergies renouvelables stagne à 19 %, loin des 23 % escomptés. Caroline Sebi pointe du doigt principalement « des procédures juridiques lourdes » qui ralentissent fortement les permis de construire. L'exemple du projet offshore de Saint-Nazaire et sa mise en place poussive qui se sera étalée sur une décennie est un exemple criant des difficultés administratives qui freinent le secteur.
Vers une réconciliation avec l'éolien ?
En France, le développement éolien a commencé à s'accélérer réellement au début des années 2000 ; pour autant il subsiste par chez nous une forme de méfiance envers cette source d'énergie. Camille Defard, cheffe du centre énergie de l’Institut Jacques Delors, met en lumière « des oppositions assez fortes au niveau local ». Les éoliennes sont bruyantes, pas réellement esthétiques et pas assez efficaces aux yeux d'un certain nombre de personnes. Des craintes exacerbées par l'influence du nucléaire sur l'opinion en France. Pour Carine Sebi, « il faut changer le narratif associé aux éoliennes, éduquer, inciter et montrer les avantages ».
Selon les deux expertes, ce changement de perspective gagnerait à s'inspirer (encore une fois ?) du modèle allemand, qui tend à favoriser la participation citoyenne. Un des autres leviers serait la mise en place de mesures compensatoires. Carine Sebi explique : « On pourrait mettre en place des mesures additionnelles à la création d’un parc, comme la replantation d’arbres ou la rénovation de bâtiments collectifs ».
Ces propositions méritent considération, pour autant, la transposition directe de modèles nationaux d'un pays à un autre tend parfois à négliger les spécificités politiques, culturelles ou réglementaire de chaque pays. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » écrivait Pascal. D'autant plus que les procédures participatives, aussi bénéfiques puissent-elles être, tendent souvent à être longues et coûteuses. Si elles deviennent un obstacle supplémentaire, nous n'y gagnons pas forcément.
Source : 20 Minutes