Une proposition de loi vise à étendre l'utilisation des « boîtes noires », un outil de surveillance controversé, pour lutter contre les ingérences étrangères en France.
Depuis leur introduction en 2015, les boîtes noires font débat, voire sont les sujets de controverses. Elles soulèvent l'épineuse question de la protection de la vie privée et le délicat équilibre entre sécurité civile et liberté individuelle.
Initialement conçus pour lutter contre le terrorisme, ces dispositifs collectent massivement des données de connexion, les analysant à l'aide d'algorithmes pour détecter des activités suspectes en temps réel.
Ce mercredi 13 mars, une proposition de loi a été présentée en commission des lois, visant à étendre l'application des boîtes noires à la lutte contre les ingérences étrangères, élargissant ainsi leur champ d'action au-delà du terrorisme. Cette initiative soulève des questions cruciales sur la surveillance gouvernementale et l'équilibre entre la sécurité nationale et les droits individuels.
La proposition comprend plusieurs mesures, dont la création d'un registre des représentants d'intérêts agissant pour le compte d'entités étrangères et l'élargissement des procédures de gel d'avoirs pour les personnes soupçonnées d'actes d'ingérence. Mais l'article qui risque d'enflammer les débats vise à étendre le dispositif des boîtes noires, permettant leur utilisation dans la lutte contre toute forme d'ingérence étrangère.
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Si la première mesure vise à créer un registre pour les lobbyistes étrangers, géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, les obligeant à se déclarer, à l'instar du Foreign Agents Registration Act américain, c'est bien l'article 3 qui pourrait cristalliser les tensions à l'Assemblée.
En effet, les boîtes noires, initialement destinées à détecter les activités terroristes, pourraient désormais être utilisées pour contrer les ingérences étrangères, élargissant ainsi leur portée et leur potentiel d'utilisation.
Cette extension soulève des préoccupations majeures en matière de vie privée et de liberté individuelle. Les critiques soulignent le risque de surveillance de masse et le manque de transparence quant à l'utilisation des données collectées. Bien que la proposition entend limiter l'usage des boîtes noires à la lutte contre les ingérences étrangères, les craintes persistent quant à d'éventuels abus et violations des droits fondamentaux, comme l'a souligné Amnesty International.
Les partisans de la proposition avancent que cette extension est nécessaire pour protéger la sécurité nationale face aux menaces croissantes d'ingérences étrangères. Dans un contexte mondial marqué par des cyberattaques et des opérations d'influence, ils soutiennent que des mesures renforcées sont indispensables pour préserver la souveraineté et l'intégrité de l'État.
Une idée forte : lutter contre les ingérences
Dans la version actuelle du dispositif, seules les données téléphoniques sont traitées par les premiers algorithmes déployés. Cependant, le rapport d'activité 2019-2020 de la délégation parlementaire au renseignement a remis en question l'efficacité de ce dispositif, arguant que les données captées étaient insuffisantes selon la communauté du renseignement. En réponse à cette critique, une loi sur le renseignement a été adoptée en 2021, pérennisant le dispositif et étendant la collecte de métadonnées aux URL complètes. Là encore, aucun bilan public de l'efficacité de cette extension n'a été publié depuis. De plus, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, chargée de donner son avis à chaque mise en place d'un nouvel algorithme, a déclaré dans son rapport d'activité 2022 qu'elle n'avait reçu aucune nouvelle demande exploitant l'extension aux URL.
Malgré le manque de transparence autour de l'efficacité de ce dispositif, les députés souhaitent aller plus loin. Ils proposent une expérimentation de trois ans pour élargir l'utilisation des boîtes noires à la lutte « contre toute forme d'ingérence et de tentative d'ingérence étrangère ». Cette proposition de loi ouvre le dispositif des boîtes noires à de nouvelles finalités du code de la sécurité intérieure, dont l'intégrité du territoire, les intérêts majeurs de la politique étrangère et la défense nationale. Cependant, les députés assurent que dans sa version finale, le texte limitera l'utilisation des boîtes noires à la lutte contre les ingérences. Il est également prévu que le gouvernement rende un rapport sur l'élargissement du dispositif à l'issue de l'expérimentation.
29 novembre 2024 à 15h26