Capture d'écran Twitter © justice_gouv
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La stratégie du choc continue. Alors que les associations de défense des libertés sont encore en train de lutter contre les autorisations de drones en maintien de l'ordre, un nouveau projet de loi pourrait bien bouleverser leur agenda.

Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a déposé le 3 mai un projet de loi d'orientation et de programmation pour le ministère de la Justice. Parmi les mesures annoncées, l'article 3 a fait réagir : il permettrait à des policiers et des gendarmes, avec l'accord d'un juge, d'accéder à distance au micro et à l'appareil photo de n'importe quel appareil électronique, partout sur le territoire français.

Les dispositions de l'article 3

Concerné et en première ligne, le Conseil de l'Ordre des avocats a réagi quelques jours plus tard dans un communiqué qui détaille ses inquiétudes concernant le projet de loi. En effet, après avoir formulé quelques critiques sur le texte en général, comme sur l'absence de concertation avec les avocats et les magistrats ou le manque de protection des personnes perquisitionnées, c'est ce fameux article 3 qui concentre son attention. Ce dernier dispose que, pour tout crime ou délit puni d'au moins cinq ans de prison, le juge peut autoriser « l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou possesseur aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel ».

Si le texte interdit explicitement la collecte et la retranscription des informations autres que celles permettant la localisation, la disposition est très insuffisante pour l'Ordre des avocats. Pour ce dernier en effet, l'interdiction de la collecte n'empêche nullement l'écoute des conversations des individus concernés, et notamment celles qu'ils pourraient tenir avec leur avocat, remettant en cause sans équivoque le secret professionnel et le droit à une défense équitable.

© Shutterstock
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Rassurez-vous, rien ne va changer… c'était déjà le cas

Si ce projet de loi peut ressembler à un recul incroyable du droit à la vie privée, il vise en réalité à apporter un cadre à une pratique déjà répandue, mais dans un flou juridique. Car cela fait longtemps que les enquêteurs utilisent allègrement mouchards et logiciels espions pour obtenir des informations sur les personnes suspectées, mais jusqu'à présent, la mesure pouvait être au minimum contestée par un avocat dans le cadre d'un procès.

Matthieu Audibert, officier de gendarmerie, explique de son côté que la mesure, très encadrée, ne pourra être autorisée que pour certaines infractions spécifiques afin d'éviter les abus. Voilà qui devrait rassurer l'Ordre des avocats. Après tout, ce n'est pas parce que la police viole allègrement les procédures d'accueil de victimes, de numéro d'identification en maintien de l'ordre, d'usage de drones, de LBD et autres armes « non léthales », ou encore de secret de l'instruction qu'ils ne respecteront pas celle-ci.