L'exploitation de l'image de célébrités, dont celle de la journaliste Élise Lucet, dans des publicités trompeuses sur les réseaux sociaux continue de faire des victimes. La dernière en date a perdu près de 100 000 euros.
Les réseaux sociaux, déjà critiqués pour l'addiction qu'ils engendrent, sont devenus le terrain de chasse favori des hackers pour leurs escroqueries financières. Des publicités sponsorisées, utilisant à leur insu l'image de personnalités, redirigent les utilisateurs vers des sites d'investissement et de placements cryptos frauduleux.
L'image de la journaliste Élise Lucet, connue notamment pour son émission de dénonciation des arnaques Cash Investigation, a été utilisée pour donner du crédit à ces sites frauduleux. Pourtant, malgré sa mise en garde publique, une victime a perdu 90 000 euros en se laissant piéger par son image.
L'attrait du gain rapide
Tout a commencé par une simple publicité sur Facebook. Une célébrité dont Marie ne se souvient plus vantait les mérites d'une plateforme de trading qui promettait de gagner beaucoup d'argent. Intriguée, Marie a décidé de s'inscrire, rassurée par la photo de la journaliste Élise Lucet illustrant le post. En deux clics, elle a rempli un formulaire sommaire, et le lendemain, elle a été contactée par une certaine « Rachel Pinto », qui se présentait comme une conseillère en placement pour Nixse, une plateforme de trading créée en 2020 et installée à Taïwan. Convaincue par les arguments de Rachel, Marie a décidé de verser une première mise de 800 euros.
Au début, Marie a réalisé de « petits trades » sur l'or et le pétrole, qui ne lui ont rapporté que quelques dizaines d'euros. Mais au bout d'une semaine, Rachel lui a proposé « un coup fabuleux ». Il s'agissait d'un investissement entre 4 000 et 5 000 euros, mais pour cela, il fallait mettre 20 000 euros sur la table. Devant la réticence de Marie, Rachel lui a avancé l'argent, et quelques heures plus tard, 4 600 euros sont tombés sur son compte de trading, auquel elle n'avait pas accès.
Grisée par ce succès apparent, Marie, qui avait déjà fait de la Bourse par le passé, a commencé à trader seule. Sur Nixse, ses courbes (fictives) grimpaient : « Alors, on prend la confiance et on réinjecte, on vire son livret A qui ne rapporte rien, on vire tout. » Elle a fini par accumuler jusqu'à 500 000 euros sur ses différents comptes.
Mais un jour de septembre, Marie a voulu récupérer son capital, qui s'élevait à plus de 90 000 euros. C'est à ce moment-là qu'elle a réalisé qu'elle avait été victime d'une escroquerie. « Je n'ai jamais vu la couleur de l'argent », dit-elle.
Blanchisseurs, mules bancaires : une escroquerie digne du crime organisé
Plusieurs mois après, Marie pense encore tous les jours à la « belle relation » qu'elle avait tissée avec Rachel. « Elle était entrée dans ma vie, on se sent violée dans son intimité », confie-t-elle. Depuis, elle tente de récupérer une partie de ses pertes avec la saisine du médiateur bancaire.
« La banque a une obligation de vigilance en cas de gros virement et doit faire signer une décharge de responsabilité. Sinon, son assurance doit rembourser les fonds », explique Me Jocelyn Ziegler, son avocat. Son cabinet, spécialisé dans ces affaires, a reçu 600 dossiers depuis 2023, avec un préjudice moyen approchant les 120 000 euros. « Il y a tous les profils, du smicard à l'homme d'affaires. » La plus grosse perte, celle d'une cheffe d'entreprise, culmine à 6 millions d'euros.
La fraude emprunte également au complotisme. « Il y a tout un discours autour de ceux qui savent comment s'enrichir, les juges, les banquiers, les politiques... et le reste de la population laissée dans l'ignorance », souligne Me Ziegler.
Au sommet de l'escroquerie, on trouve « des groupes criminels organisés qui font tout pour s'anonymiser et se donner une apparence de légitimité », décrypte Anne-Sophie Coulbois, cheffe de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF). Les rôles sont répartis entre plusieurs équipes « très bien constituées » : des professionnels du phishing pour collecter les données des victimes, des gérants de centres d'appel, « parfois une simple location Airbnb avec trois personnes et dix téléphones » et des « blanchisseurs » de l'argent dérobé avec l'aide de mules bancaires, prêtes « pour parfois 50 euros seulement à donner leur nom pour ouvrir un compte à l'étranger », développe la commissaire.
« Beaucoup de numéros dans nos dossiers renvoient à Israël », confie Jocelyn Ziegler. Face à la multiplication de ces fausses plateformes dont les adresses web mutent à l'infini, l'Autorité des marchés financiers (AMF), chargée notamment de la protection des épargnants, a durci sa politique. Malgré tout, à l'heure où nous écrivons ces lignes, Nixse est toujours accessible.
01 novembre 2024 à 18h20
Source : La Dépêche du Midi