Sans grande surprise, l'intelligence artificielle (IA) est aussi en train de prendre d'assaut l'industrie du sexe. Une tendance qui préoccupe de plus en plus les experts...
Outre la génération très controversée de deepfakes, l'IA peut être utilisée d'autres manières dans le domaine de la pornographie. Par exemple, le marché des chatbots sexuels est en pleine émergence, et il connaît un succès fulgurant. Selon la firme d'analyse SplitMetrics, les applications proposant des « compagnes d'IA » ont déjà été téléchargées plus de 225 millions de fois dans le Google Play Store. Si ces dispositifs peuvent s'avérer très lucratifs pour leurs éditeurs, ils soulèvent aussi de nombreuses questions.
Risques pour la vie privée et la santé mentale
Le modèle économique de ces applications repose sur une stratégie bien huilée : les utilisateurs paient un abonnement pour pouvoir échanger avec l'agent conversationnel. Le développeur, lui, collecte de nombreuses données sur les clients, et peut les partager avec des tiers pour de la publicité ciblée.
C'est le recueil d'informations personnelles, d'autant plus dans ce contexte, qui inquiète. « Présentés comme des amis empathiques, des amants ou des âmes sœurs, et conçus pour vous poser des questions à n'en plus finir, il ne fait aucun doute que les chatbots d'IA romantiques finiront par recueillir des informations personnelles sensibles sur vous », explique la Mozilla Foundation dans une enquête sur cette technologie. Pour la mener à bien, l'organisation a analysé 11 chatbots ; tous à l'exception d'un seul partageaient ces données avec des tiers, et la moitié empêchait de supprimer les informations récoltées.
De même, le risque d'addiction n'est pas à négliger, car ces applications ciblent en général des personnes seules et vulnérables, à même de se sentir plus à l'aise avec une entité qui n'émet pas de jugement. Des thématiques dangereuses et illégales, comme la violence et les abus sur mineurs, ont également été repérées par les chercheurs de l'ONG.
L'industrie du sexe ne va pas ralentir sur l'IA
Les entreprises qui utilisent l'IA dans l'industrie du divertissement pour adultes reconnaissent que la prudence est de mise, mais défendent tout de même leur modèle. Philipp Hamburger, responsable de l'IA chez l'entreprise Lovehoney, explique à la BBC vouloir « améliorer l'expérience sexuelle des clients, plutôt que de la remplacer, ce qui est un point important à souligner ».
D'autres se montrent plus catégoriques, et estiment que cette technologie peut contribuer à atténuer les préoccupations éthiques en garantissant que le contenu n'est pas créé à partir de personnes réelles. Mais cet argument peut aussi atteindre ses limites. Selon Tamara Hoyton de la société de conseil britannique Relate, l'interaction avec des IA risque d'influencer les relations humaines des utilisateurs, voire même de les pousser à adopter des comportements potentiellement inappropriés, notamment sur le consentement.
Les chatbots ne représentent que la partie émergée de l'iceberg. Prochainement, la première cyber maison close ouvrira ses portes à Berlin. Les clients auront la possibilité de réserver une heure avec une poupée sexuelle alimentée par une intelligence artificielle.
18 octobre 2024 à 17h25
Sources : Mozilla Foundation, BBC