Branle-bas de combat chez les éditeurs logiciel : l'UE vient d'adopter une directive visant à étendre leur responsabilité civile en cas de failles dommageables dans leurs produits. Une bonne nouvelle pour le consommateur qui risque de fâcher les entreprises.

Sécurité informatique : l’Europe lance un pavé dans la mare © Only Fabrizio / Shutterstock
Sécurité informatique : l’Europe lance un pavé dans la mare © Only Fabrizio / Shutterstock

L’Union européenne intensifie sa réponse aux failles de sécurité des logiciels, longtemps laissées sans véritable encadrement. Désormais, une directive impose aux éditeurs des normes de responsabilité civile claires, les obligeant à répondre des dommages causés par leurs produits. Contrairement aux États-Unis, où les avancées législatives en cybersécurité sont souvent freinées par des intérêts économiques, l’UE choisit ici une approche directe : les produits numériques seront désormais tenus aux mêmes exigences que les biens physiques.

Un cadre européen ambitieux et légalement contraignant

Adoptée par le Conseil européen un peu plus tôt ce mois-ci, cette directive risque de faire grincer quelques dents, mais marque une avancée majeure dans l’anticipation des failles logicielles. Le principe est simple, mais le cadre se devait d’être posé : en assimilant les logiciels à des produits physiques, L’UE entend responsabiliser les éditeurs. Concrètement, cela signifie que les utilisateurs et utilisatrices pourront dorénavant exiger réparation pour les dommages causés par des logiciels défectueux – perte et/ou destructions de données – sans devoir prouver de négligence de la part de l’éditeur. En renversant la charge de la preuve, qui incombait jusqu’ici au consommateur, cette mesure redéfinit les règles du jeu.

Comme souvent, il ne faudra pas s’attendre à voir de changement du jour au lendemain. Les pays membres de l’UE et les éditeurs ont deux ans pour se conformer à cette nouvelle législation. Un délai qui laisse aux entreprises le temps de s’adapter, tandis que les États devront transposer la directive dans leurs lois nationales, assurant ainsi une application harmonisée dans toute l’Union européenne. Si cette uniformisation est nécessaire, c’est parce qu’elle devrait aider à réduire les disparités juridiques entre les États, donc préserver l’économie numérique sur le territoire, tout en renforçant la sécurité pour tous les utilisateurs et utilisatrices européens.

D’aucuns s’insurgeront sur le caractère strict de cette directive, qui reste pourtant équilibrée : elle ne s’applique qu’aux particuliers, excluant les usages professionnels, et offre des marges de dérogation aux éditeurs dans des cas spécifiques. À titre d’exemple, une faille jugée « indétectable » au regard des technologies et savoirs disponibles au moment de la commercialisation du logiciel exonère son éditeur de poursuites. Cette flexibilité devrait donc garantir une protection optimale côté consommateurs, sans étouffer l’innovation ni faire peser de responsabilité excessive sur des défauts imprévisibles.

LA nouvelle directive européenne cherche à étendre la responsabilité civile des éditeurs de logiciel pour les contraindre à mieux traquer les failles avant de commercialiser leurs produits © © RaffMaster / Shutterstock

Vers un modèle mondial de sécurité numérique ?

Pour les éditeurs, nul doute qu’une telle directive bouleversera les pratiques actuelles. Le nouveau niveau de responsabilité civile qu’elle impose doit inciter les entreprises à intégrer la sécurité dès la conception et à renforcer leurs tests avant la mise sur le marché, et donc à se préparer à des coûts non négligeables. Adapter les processus de développement et garantir la sécurité logicielle exigent en effet des ressources supplémentaires, ce qui peut affecter les marges des sociétés et, par extension, freiner certaines innovations. Pour les petites structures, en particulier, l’enjeu est de taille : entre sécurité et rentabilité, trouver le juste équilibre ne sera pas une partie de plaisir.

Mais cette contrainte pourrait aussi se transformer en atout pour certains acteurs. Un éditeur qui prend le temps de bien sécuriser ses logiciels avant de les commercialiser contribue à renforcer la confiance des utilisateurs et utilisatrices, argument essentiel dans un secteur de plus en plus compétitif.

Reste qu’en prenant les devants sur le reste du monde, l’Europe pourrait bien inspirer d’autres régulateurs à l’international. On pense bien sûr aux États-Unis, où les débats sur la sécurité logicielle restent ouverts, mais souvent non aboutis à cause de pressions économiques trop présentes, mais pas seulement. Car si cette approche fait ses preuves en matière de sécurité et de satisfaction des consommateurs européens, elle pourrait bien poser les bases d’une norme mondiale, ouvrant la voie vers un marché numérique plus sûr pour tous.

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