À chaque clic ou à chaque recherche web, votre requête mobilise non pas un seul ordinateur, mais des dizaines, parfois des centaines de machines qui collaborent en temps réel. Cette approche, baptisée informatique distribuée, constitue le socle technologique de l'internet moderne.
L'informatique distribuée repose sur un principe simple, mais puissant : partager la charge de calcul entre plusieurs ordinateurs qui communiquent en réseau, plutôt que de tout faire exécuter par une seule machine. Cette innovation, dont les prémices remontent à 1973 avec la création de la connexion Ethernet par les ingénieurs de Xerox, a transformé notre rapport à l'informatique en permettant l'émergence des services web que nous utilisons quotidiennement : réseaux sociaux, services de messagerie électronique, e-commerce, plateformes de streaming ou moteurs de recherche.
Un protocole qui a changé le monde
L'histoire de l'informatique distribuée a pris un tournant décisif en 1974, quand Vinton Cerf et Robert Kahn ont élaboré le protocole TCP/IP (Transmission Control Protocol/Internet Protocol). Cette innovation a permis de fractionner l'information en « paquets » qui peuvent voyager séparément à travers le réseau avant d'être réassemblés à destination.
Le processus se déroule ainsi, en trois temps : la machine émettrice envoie un signal de synchronisation, le récepteur accuse réception, et l'émetteur confirme le début de la transmission. TCP se charge de découper les données et de les étiqueter, tandis qu'IP détermine leur itinéraire optimal. Ce système, malgré son âge vénérable, est toujours en vigueur aujourd'hui et garantit une transmission complète et ordonnée de l'information.
Avant l'émergence de TCP/IP, les réseaux étaient bien plus restreints et les méthodes de communication étaient moins sophistiquées : lignes louées coûteuses et peu flexibles (souvent utilisées par les entreprises), réseaux commutés par circuits ou réseaux à commutation de paquets, un ancêtre du TCP/IP.
Du laboratoire au cloud
Au début des années 1980, les physiciens du CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire) franchissent une nouvelle étape. Confrontés à des volumes de données colossaux générés par leurs détecteurs de particules, ils développent des systèmes permettant de répartir les calculs entre différentes machines, indépendamment de leurs fabricants ou de leurs systèmes d'exploitation.
Cette approche posa les fondements de la collaboration scientifique internationale et, plus tard, du cloud computing. Ce dernier représente l'aboutissement de l'informatique distribuée : des serveurs dispersés géographiquement qui louent leur puissance de calcul à la demande, comme des taxis numériques que l'on sollicite uniquement selon ses besoins. Stockage en ligne, musique et vidéos en streaming, jeux vidéo en ligne, applications mobiles, le cloud computing est devenu plus tard le moteur de bon nombre de services faisant partie de notre quotidien.
L'informatique distribuée a profondément transformé notre utilisation d'internet en permettant le traitement massif et bien plus sécurisé des données. De la simple connexion entre une imprimante et un ordinateur, nous sommes passés à des réseaux complexes capables de gérer des milliards de requêtes simultanées ; elle illustre parfaitement l'adage selon lequel « l'union fait la force ». Cette évolution technique a non seulement démocratisé l'accès aux ressources informatiques, mais a aussi permis l'émergence de nouvelles applications comme la cryptographie, la blockchain ou les cryptomonnaies.
Source : Quanta Magazine