La bataille judiciaire autour de la lutte contre la pornographie en ligne tourne-t-elle au fiasco ? Une simple erreur de nom de domaine a fait voler en éclats une décision historique de protection des mineurs.
La lutte contre l'exposition des mineurs aux contenus pornographiques vient de subir un revers aussi désagréable qu'inattendu. Alors que les associations e-Enfance et la Voix de l'Enfant avaient obtenu gain de cause auprès de la cour d'appel de Paris, une imprécision technique est venue compromettre l'efficacité de la décision judiciaire, nous apprend l'Informé. Voilà un cas qui illustre la complexité des mécanismes de régulation numérique et les défis techniques inhérents à la protection de l'enfance sur Internet.
Des décisions de justice qui ne visaient que les domaines en « .fr », une erreur de débutant
La justice française vit un épisode pour le moins cocasse dans sa lutte contre la pornographie accessible aux mineurs. Le 15 novembre dernier, la cour d'appel de Paris rendait une décision historique : bloquer plusieurs sites pornographiques qui ne vérifient pas l'âge de leurs utilisateurs. Soutenue par les associations e-Enfance et la Voix de l'Enfant, cette décision devait marquer un tournant dans la protection des mineurs sur Internet. Pourtant, la réalité s'avère plus triste, avec les failles d'une procédure administrative complexe.
C'est en fait la précision, ou plutôt le manque de précision, qui devient le talon d'Achille de cette décision judiciaire, on vous explique. Les magistrats ont ordonné le blocage des sites Tukik, xHamster, Mrsexe et Iciporno, avec une subtilité lexicale qui est venue tout compromettre. En ne mentionnant pas explicitement « xhamster.com » mais seulement « fr.xhamster.com », le site est resté accessible. Ne demander aux fournisseurs d'accès internet que de bloquer le sous-domaine « fr. » a laissé une porte grande ouverte, une sorte de bug juridique assez incompréhensible, à ce niveau-là.
Le pire, c'est que l'erreur ne s'arrête pas là. Pour des plateformes comme PornHub et Redtube, la cour a préféré surseoir à statuer, en renvoyant la décision à une future analyse de la Cour de justice européenne. Résultat : ces sites continuent leur activité sans entrave, malgré les intentions initiales des associations de protection de l'enfance.
L'ARCOM, le dernier espoir régulatoire ?
On se dit peut-être que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) pourrait être la solution à ces impairs juridiques. Car armée de nouveaux outils issus de la loi SREN, elle sera capable dès l'année prochaine de combler ces brèches réglementaires, en gagnant qui plus est du temps. Le ministère de la Culture travaille d'ailleurs sur une liste noire des sites pornographiques, qui permettra un blocage plus systématique et précis.
Cette future liste ciblera les plateformes ayant la plus forte audience et ne respectant pas les obligations de vérification d'âge. Un processus complexe qui nécessitera des notifications aussi bien aux États membres concernés qu'à la Commission européenne, avant une possible publication au Journal officiel. En résumé, la procédure pourrait offrir à l'ARCOM le pouvoir de contraindre les fournisseurs d'accès à bloquer ces adresses, une bonne fois pour toutes.
Selon nos confrères de l'Informé, cette démarche sera évolutive, avec l'objectif de progressivement appréhender tous les services pornographiques présentant un danger pour les mineurs. Le chantier est ô combien ambitieux, mais il devrait voir ses premières applications concrètes dans le courant de l'année 2025. Pour peut-être marquer enfin un vrai tournant dans la régulation des contenus en ligne.
Source : l'Informé