Une proposition de loi américaine pourrait transformer le téléchargement d’un modèle d’intelligence artificielle chinois en un crime passible de 20 ans de prison et d’une amende d’un million de dollars. Une initiative qui soulève autant d’inquiétudes que d’interrogations sur la liberté scientifique et l’avenir des technologies.
Cette proposition intervient dans un contexte où DeepSeek, une start-up chinoise, a bouleversé le marché avec son modèle de raisonnement R1, jugé aussi performant que ses homologues américains mais développé à moindre coût. Cette avancée a provoqué un véritable séisme dans la Silicon Valley, entraînant une chute des actions technologiques et alimentant les craintes sur la perte de domination des États-Unis dans le domaine de l’IA.
Une législation radicale contre l’IA chinoise
Le sénateur américain Josh Hawley a récemment introduit une proposition législative qui pourrait bouleverser le paysage technologique mondial. Intitulée « Decoupling America’s Artificial Intelligence Capabilities from China Act », cette loi viserait à interdire toute importation, exportation ou collaboration liée à l’intelligence artificielle (IA) avec la Chine.
Parmi les mesures les plus controversées, le simple téléchargement d’un modèle IA chinois, comme DeepSeek, pourrait entraîner des sanctions sévères : jusqu’à 20 ans de prison ou une amende atteignant un million de dollars pour les individus, et jusqu’à 100 millions pour les entreprises américaines reconnues coupables de violations similaires.
28 janvier 2025 à 08h29
Une menace pour la recherche et la liberté scientifique
Au-delà des sanctions financières et pénales, cette législation soulève des préoccupations majeures concernant la liberté scientifique. En effet, elle ne se limite pas à interdire le téléchargement ou l’utilisation des modèles IA chinois. Elle vise également à empêcher tout transfert de propriété intellectuelle ou collaboration entre chercheurs américains et chinois. Cela inclut la publication de recherches accessibles en ligne qui pourraient être téléchargées par des utilisateurs en Chine.
Des experts comme Kevin Bankston, conseiller principal en gouvernance de l’IA au Center for Democracy & Technology, dénoncent une attaque contre « l’idée même du dialogue scientifique » et mettent en garde contre les conséquences désastreuses pour les chercheurs et utilisateurs d’IA. Selon lui, cette loi pourrait étouffer l’innovation en créant un environnement hostile pour les scientifiques partageant leurs travaux publiquement.
La question de l’application pratique reste cependant floue. Comment distinguer un téléchargement volontaire d’un accidentel ? Et comment surveiller efficacement les millions d’utilisateurs qui pourraient utiliser ces modèles ? Ces zones d’ombre rendent la mise en œuvre de cette législation particulièrement complexe et suscitent des critiques quant à son réalisme.
Une réponse disproportionnée à une concurrence croissante
Cette initiative législative s’inscrit dans une stratégie plus large visant à contenir l’expansion technologique chinoise. Depuis 2022, les États-Unis ont déjà imposé des restrictions sur l’exportation de semi-conducteurs avancés vers la Chine. Cependant, DeepSeek a démontré que ces sanctions n’empêchent pas nécessairement l’innovation chinoise. En développant son modèle R1 avec des ressources limitées, la start-up a montré qu’elle pouvait rivaliser avec les géants américains comme OpenAI.
Pour certains analystes, cette proposition reflète davantage une panique face à une perte perçue de leadership technologique qu’une réponse réfléchie aux enjeux stratégiques. Si elle venait à être adoptée, elle pourrait non seulement nuire aux relations internationales mais aussi freiner l’avancement global des technologies IA en limitant les échanges scientifiques essentiels.
Source : The Register