L'administration Biden, qui s'apprête à céder sa place à celle de Trump, prépare une règlementation drastique sur l'exportation des puces d'IA, avec un système de licences et de quotas qui pourrait redessiner l'échiquier technologique mondial.
La Maison-Blanche a publié ce lundi 13 janvier 2025 son règlement provisoire sur la « diffusion de l'intelligence artificielle », un document très attendu qui pourrait bouleverser l'accès mondial aux technologies américaines d'IA, et plus particulièrement aux GPU. Un système restrictif à trois niveaux pourrait en effet redessiner l'échiquier technologique mondial.
L'initiative de l'administration Biden, faite de flexibilité pour les alliés et de restrictions sévères pour certains pays comme la Chine et la Russie, suscite déjà de vives réactions dans l'industrie, même si Washington se défend de protéger l'intérêt national. Le géant américain des processeurs, NVIDIA, s'inquiète notamment d'un risque de perte de leadership technologique des États-Unis.
18 pays alliés, dont la France, obtiennent un accès privilégié aux puces IA américaines
Le texte établit une hiérarchie claire dans l'accès aux technologies d'IA. Au premier niveau, 18 pays alliés privilégiés, dont la France, l'Allemagne, le Japon, Taïwan et la Corée du Sud, vont bénéficier d'un accès sans restriction aux puces électroniques américaines.
Cet avantage s'accompagne toutefois de certaines conditions : les entreprises basées dans ces pays et obtenant le statut « Universal Verified End User » (utilisateur final national vérifié, en français) ne pourront déployer que 7% de leur capacité de calcul dans chaque pays tiers, ce qui « représente probablement des centaines de milliers de puces », soutient la Maison-Blanche.
Les petites commandes seront facilitées : jusqu'à 1 700 GPU avancés peuvent être acquis sans licence spéciale ni comptabilisation dans les quotas nationaux. La mesure vise ici à soutenir les universités, institutions médicales et organismes de recherche, pour leur permettre de poursuivre leurs travaux sans contraintes administratives excessives.
« Cette réglementation menace de faire dérailler l'innovation et la croissance économique mondiale », a réagi Ned Finkle, vice-président des affaires gouvernementales chez NVIDIA. Le fabricant de processeurs, mastodonte mondial du secteur, s'inquiète particulièrement du « contrôle bureaucratique » imposé sur la conception et la commercialisation des technologies américaines à l'échelle mondiale.
La Chine et la Russie privées de puces IA avancées
Quid des pays hors liste des alliés privilégiés ? Washington a défini un deuxième niveau d'accès. Les entités qui répondent à des critères stricts de sécurité pourront obtenir le statut d'« utilisateur final national vérifié » (UVEU), qui leur permettra d'acquérir l'équivalent de 320 000 GPU avancés sur deux ans.
Les autres entités sont soumises à un plafond de 50 000 GPU, potentiellement doublé à 100 000 via des accords gouvernementaux spécifiques. La Russie, la Chine et Macao seront, en théorie, complètement barrés par la réglementation, en étant ajoutés à un troisième niveau de restrictions, le plus sévère, synonyme de blocage.
La réglementation américaine introduit également des restrictions inédites sur les modèles d'IA. Les « modèles à pondération fermée » feront l'objet d'un contrôle particulier, avec des limitations de transfert vers les acteurs jugés non fiables. Une distinction importante est maintenue : les modèles open source resteront libres de ces restrictions, pour préserver la collaboration scientifique internationale.
NVIDIA pointe du doigt les fausses justifications de Washington
La Maison-Blanche justifie ces mesures par des enjeux de sécurité nationale. Le document souligne les risques d'utilisation détournée de l'IA, le développement d'armes de destruction massive, les opérations cybernétiques offensives et la surveillance de masse.
Les nouvelles règles américaines pourraient créer un accès à trois vitesses aux technologies d'IA, redessiner significativement les rapports de force technologiques mondiaux, et ainsi gâcher le leadership américain.
« Bien que dissimulées sous le couvert d’une mesure anti-Chine, ces règles ne contribueraient en rien à renforcer la sécurité des États-Unis. Elles contrôleraient la technologie dans le monde entier, y compris celle qui est déjà largement disponible dans les PC de jeu grand public et le matériel grand public », conclut NVIDIA, particulièrement remontée. Voilà un texte qui n'a pas fini de faire parler, outre-Atlantique et ailleurs !