Une seule décision du Conseil d'État ! C'est tout ce qu'il aura fallu pour fragiliser les finances de Blablacar, selon un rapport publié par un actionnaire de l'entreprise tricolore.

Les français ont su adopter le covoiturage... pour mieux concurrencer le train ? © Ricochet64 / Shutterstock
Les français ont su adopter le covoiturage... pour mieux concurrencer le train ? © Ricochet64 / Shutterstock

La décision du Conseil d’État en juin 2024 de suspendre la prime covoiturage de 100 euros a provoqué un séisme chez Blablacar. Selon le rapport financier publié par le fonds d’investissement VNV, actionnaire de l'entreprise, cette mesure a entraîné une perte de 25 % de la valeur de la plateforme. Un véritable coup de frein pour une entreprise qui, jusqu’alors, prospérait grâce à un système de financements indirects issus des certificats d’économies d’énergie (CEE).

Une estimation des économies d’énergie controversée

Depuis 2012, BlaBlaCar bénéficiait d’un partenariat avec TotalEnergies, permettant à ce dernier de remplir ses obligations en matière de réduction d’émissions de CO2. En contrepartie de certificats d’économie d’énergie, BlaBlaCar percevait des subventions, qui lui ont rapporté pas moins de 90 millions d’euros en 2023. Un tiers de cette somme était redistribué aux nouveaux inscrits, tandis que la plateforme conservait une marge conséquente : 66 % sur chaque prime.

Le Conseil d’État a cependant jugé que les économies d’énergie avancées par BlaBlaCar étaient largement surestimées. Selon les modalités initialement définies, chaque nouvel inscrit était censé représenter une économie équivalente à 42 000 km de trajet en voiture évités. Une estimation qui, selon de nombreux experts, ne reposait pas sur des bases suffisamment solides.

Une nouvelle méthodologie de calcul, finalisée en décembre, réévalue ces économies à un niveau 2,6 fois inférieur à la version précédente. Cette révision est malgré tout toujours en attente de validation par l’administration, dans un contexte de tensions politiques et de lutte d’influence sur la gestion des CEE.

Un bilan carbone à relativiser

Le covoiturage est souvent présenté comme une solution écologique, mais son impact est nuancé. Une étude menée par Kantar et l'Ademe révèle que seuls 11,7 % des passagers de BlaBlaCar auraient remplacé un trajet en voiture individuelle. Pour la majorité, le covoiturage se substitue plutôt à des voyages en train, limitant les gains réels en matière d'émissions.

Néanmoins, les passagers, comme les conducteurs, y trouvent sans aucun doute un moyen de réaliser des économies significatives. Surtout en prenant le train comme point de comparaison, l'écart de coût pour le passager est alors, très souvent, important. La volonté d'engranger quelques revenus supplémentaires grâce au covoiturage pourraient également inciter certains conducteurs à prendre plus régulièrement leur voiture, gommant ainsi les avantages loués par la plateforme en matière de réduction de gaz à effet de serre.

Au final, si le bilan carbone du covoiturage doit être nuancé, il ne faut pas oublier les autres effets qu'il peut avoir en matière d'économie collaborative. Dans un contexte de pouvoir d’achat en berne et d’inflation persistante, le covoiturage apparaît avant tout comme une solution avantageuse pour de nombreux Français. Face à la hausse des prix du carburant et des billets de train, il permet aux passagers de voyager à moindre coût et aux conducteurs d’amortir leurs dépenses. Cette dimension économique explique en grande partie son succès, bien au-delà des seuls arguments écologiques. Si son impact environnemental reste discuté, son rôle dans l’accessibilité à la mobilité et le partage des frais de transport en fait un outil incontournable pour de nombreux français !

Source : Reporterre