La décision du Conseil d’État en juin 2024 de suspendre la prime covoiturage de 100 euros a marqué un tournant dans le développement du covoiturage en France.
![La suspension des aides va-t-elle mettre un coup de frein au covoiturage en France ? © Ricochet64 / Shutterstock](http://pic.clubic.com/2425664a2277993/1200x800/smart/panneau-aire-de-covoiturage.jpg)
Si BlaBlaCar, leader du marché, a vu sa valorisation chuter de 25 %, c'est surtout la dynamique du covoiturage en France qui risque d'être fragilisée. La suspension des incitations financières vient mettre des bâtons dans les roues à plusieurs années d'encouragement aux déplacements en covoiturage.
Un revers pour la mobilité partagée en France ?
Le covoiturage longue distance a connu une croissance soutenue ces dernières années, notamment grâce aux Certificats d'Économies d'Énergie (CEE), un dispositif d’incitation financé par les entreprises du secteur de l’énergie. Ce mécanisme a permis de subventionner les nouveaux conducteurs pour favoriser l'adoption du covoiturage, multipliant par 20 son usage en 10 ans.
En 2023, BlaBlaCar a perçu environ 90 millions d’euros via ce dispositif, dont un tiers a été reversé directement aux conducteurs sous forme de primes. Contacté par la rédaction, BlaBlaCar assure que le restant de la somme est entièrement réinjecté dans divers mécanismes de promotions et d'améliorations en faveur du covoiturage.
Toutefois, le Conseil d’État a jugé que les économies d’énergie avancées pour justifier ces aides n’étaient pas suffisamment démontrées, ce qui a conduit à la suspension du dispositif en juin 2024. Une nouvelle méthodologie de calcul des économies d’énergie est en discussion, avec des objectifs 2,6 fois moins élevés que dans la première version. Cette révision est toujours en attente de validation, mais son application réduira nécessairement l’ampleur des aides allouées au covoiturage.
Un impact limité pour BlaBlaCar, mais une menace pour le développement du covoiturage
Contrairement à ce que laisse penser l'enquête récente de Reporterre, évoquant une "dégringolade" pour BlaBlaCar, l'entreprise tricolore nous a fait savoir qu'elle n'était pas inquiète de la situation.
Selon le rapport financier de VNV Global, actionnaire de l'entreprise à hauteur de 14 %, la valorisation de BlaBlaCar a chuté de 25 % en 2024, principalement à cause de la suspension des CEE en France. Toutefois, VNV Global indique continué d’investir dans l’entreprise et souligne que son expansion internationale, notamment grâce à l’Espagne (qui a adopté un dispositif similaire aux CEE), et grâce à l'acquisition d’Obilet en Turquie, qui renforce son activité de transport en bus. Deux éléments qui compensent en partie cette perte.
En revanche, c'est le développement du covoiturage en France qui pourrait être fortement ralenti si les négociations n'aboutissent pas rapidement.
Le bilan carbone du covoiturage : un débat encore ouvert
Si le covoiturage est souvent perçu comme une alternative écologique, une étude menée par Kantar et l’Ademe nuance cet impact. Selon leurs résultats, seuls 11,7 % des passagers de BlaBlaCar auraient remplacé un trajet en voiture individuelle. L'étude souligne que le covoiturage se substitue plutôt à des voyages en train, sans toutefois le concurrencer de manière systématique. Elle montre plutôt que le report modal dépend du contexte et de la géographie. Par exemple, dans les zones mal desservies par le ferroviaire où le covoiturage est souvent la seule alternative viable aux trajets en voiture individuelle. Dans le cas où l’offre ferroviaire est plus étoffée, c'est le prix qui joue un rôle clé : certains usagers choisissent le covoiturage, car il est plus abordable que le train.
Reste le fait que le covoiturage joue un rôle clé dans l’optimisation du taux d’occupation des véhicules, un paramètre essentiel pour réduire les émissions par passager. La vraie question reste donc le cadre politique dans lequel cette pratique est encouragée : faut-il l’intégrer dans une stratégie de transition écologique globale, ou simplement en faire un outil d’optimisation des transports existants ?
Alors que son impact environnemental peut être débattu, le covoiturage répond avant tout à une réalité économique : en pleine période d’inflation et avec la hausse des prix du carburant et des billets de train, il représente une alternative abordable pour les voyageurs et une source de revenus complémentaires pour les conducteurs.
L'avenir de BlaBlaCar dépendra donc surtout de sa capacité à s’adapter aux nouvelles régulations et à diversifier ses revenus. Une évidence se détache toutefois : le covoiturage est devenu une habitude ancrée chez les Français au fil du temps, mais son développement pourrait dépendre de la réintroduction ou non de nouveaux dispositifs incitatifs.