Plusieurs enquêtes visent à comprendre comment les composants NVIDIA les plus modernes sont facturés à Singapour, sans jamais entrer sur le territoire.

Depuis que le tremblement de terre DeepSeek a secoué le monde l'intelligence artificielle, de multiples enquêtes sont en cours afin de comprendre comment la société a pu avoir accès à certaines des meilleures puces NVIDIA.
Tout porte effectivement à croire que DeepSeek a pu mettre la main sur plus de 50 000 processeurs H100 de NVIDIA, alors qu'un embargo sur ce type de composants est censé affecter les entreprises chinoises.
Des puces H100 « Hopper » en Chine
Fin janvier dernier, un véritable coup de tonnerre frappe l'industrie de l'intelligence artificielle, que l'on croyait très largement dominée par une poignée de sociétés américaines, avec en tête Google, OpenAI, NVIDIA, Meta et quelques autres.
La société chinoise DeepSeek a lancé à la mi-janvier une intelligence artificielle très compétitive qui, d'après les premiers résultats, était à peu près au niveau du meilleur modèle d'OpenAI, o1, tout en utilisant beaucoup moins de ressources. On parlait alors d'un entraînement sur des puces H800, relativement anciennes donc, signées NVIDIA.
Sauf qu'une première enquête, toujours en cours aujourd'hui, a démontré une réalité bien différente. En effet, en lieu et place de ces GPU H800 qui respectent les restrictions commerciales imposées par Washington, DeepSeek R1 aurait été entraîné avec des puces H100 de génération Hopper, toujours conçues par NVIDIA, mais beaucoup plus puissantes, bien sûr.
Alexandr Wang, patron de la société d'intelligence artificielle Scale AI, s'est exprimé auprès de CNBC. Dans cette interview, nous apprenons qu'il croit « savoir que DeepSeek possède environ cinquante mille H100 ». Il ajoute qu'ils « ne peuvent évidemment pas en parler, parce que cela va à l'encontre des contrôles à l'exportation mis en place par les États-Unis ».
D'autres sources estiment que les restrictions imposées par Washington sont contournées par de nombreuses sociétés chinoises, dont DeepSeek, et la question qui se pose aujourd'hui est de savoir comment.
Facturées à Singapour, mais livrées en Chine
Un début de réponse pourrait venir de Singapour, une cité-État insulaire située en bout de péninsule malaise et véritable miracle économique avec un des PIB par habitant les plus élevés au monde.
Second responsable du ministère du Commerce et de l'Industrie de Singapour, Tan See Lend est cité par Bloomberg alors que Washington enquête à l'heure actuelle sur ce contournement des restrictions. Il explique qu'une bonne partie des composants ainsi utilisés seraient facturés en contrebande à Singapour, mais expédiés vers la Chine.
« La livraison physique des produits vendus par NVIDIA à Singapour représente moins de 1 % du chiffre d'affaires global de NVIDIA », a déclaré Tan See Lend, avant d'ajouter : « Il est courant que les entités mondiales centralisent la facturation des biens et services achetés dans leurs hubs, mais cela est indépendant de l'endroit où les produits sont expédiés jusqu'à présent, ce qui n'est pas le cas de nos contrôles. »
En d'autres termes, des compagnies situées à Singapour seraient ainsi en mesure de commander des puces auprès de NVIDIA avec une adresse de facturation qui émanerait bel et bien de la cité-État. Mais en réalité, ces puces seraient expédiées dans un autre pays, possiblement la Chine pour le cas de DeepSeek et de bien d'autres sociétés.
Tan See Lend explique que cette technique n'a rien de nouveau et que de nombreuses multinationales procèdent de la sorte depuis bien longtemps. Il serait effectivement plus efficace pour des entreprises installées dans de divers pays de procéder de la sorte. D'ailleurs, il est intéressant de noter que NVIDIA elle-même parle de ce phénomène dans certains de ses documents, en source de cet article.
Aujourd'hui, il semblerait que les revenus générés par NVIDIA à Singapour représentent 28 % de son chiffre d'affaires et près de la moitié de celui généré aux États-Unis. Sachant que Singapour a de forts liens économiques avec la Chine, il n'est pas bien difficile de voir un lien entre ces ventes facturées à Singapour et l'entrée en Chine des composants NVIDIA les plus modernes. Reste que la cité-État est également étroitement liée aux États-Unis.
Tan See Lend souligne que le gouvernement de Singapour est actuellement en relation avec les autorités américaines afin justement d'enquêter sur ces relations complexes. Il a expliqué que le pays ne tolérerait pas que des entreprises facturent à Singapour pour contourner les règles d'exportation mises en place par d'autres pays, sous-entendu les États-Unis.
24 janvier 2025 à 18h36
Sources : NVIDIA (PDF), Tom's Hardware