En Écosse, un monstre du stockage énergétique européen vient d'entrer en fonction. Cette installation colossale, capable d'emmagasiner l'électricité produite par les éoliennes offshore et terrestres, aura sans aucun doute des retombées économiques et environnementales considérables dans les années à venir.

C'est à quelques pas de la petite ville de Keith dans le nord du pays, qu'a été érigé cette infrastructure. Mise en service par Zenobē, société britannique spécialisée dans le stockage d'énergie, elle détrône sa consœur anglaise de Pillswood (Yorkshire) et s'impose désormais comme la plus puissante d'Europe.
Blackhillock : la nouvelle forteresse écossaise de l'énergie renouvelable
La première phase du projet Blackhillock impressionne déjà par ses capacités techniques. Elle peut fournir 200 MW d'énergie électrique et dispose de 400 MWh de capacité de stockage ; elle surpasse donc de loin le site de Pillswood en Angleterre, qui affichait des performances de 98 MW /196 MWh depuis fin 2022.
En termes simples, Blackhillock peut produire deux fois plus d'énergie et stocker deux fois plus d'électricité.
Contrairement à Pillswood, qui misait sur la technologie Tesla Megapack (comme l'usine nantaise construite par Harmony Energy), Blackhillock s'appuie sur l'expertise du groupe finlandais Wärtsilä, fournisseur des batteries et du logiciel de gestion énergétique. Et ce n'est qu'un début : d'ici 2026, cette infrastructure montera en puissance pour atteindre 300 MW / 600 MWh, permettant alors d'alimenter 3,1 millions de foyers pendant deux heures – soit davantage que l'ensemble des ménages écossais.
L'emplacement de cette gigantesque installation a été soigneusement sélectionné pour pallier un problème inhérent à la géographie du pays. Le nord de l'Écosse accueille déjà d'importants parcs éoliens offshore comme Beatrice et Moray East, ainsi que le parc Viking dans les îles Shetland. Or, le réseau électrique actuel peine à transporter efficacement cette production vers le sud du pays (zone où la demande est la plus forte), conduisant à une situation paradoxale : des éoliennes contraintes à l'arrêt malgré leur potentiel productif, pendant que des centrales à gaz tournent à plein régime ailleurs pour compenser.

L'Impact chiffré de Blackhillock
Selon les estimations de Zenobē, le projet permettrait d'économiser plus de 170 millions de livres sterling (environ 200 millions d'euros) sur les factures des consommateurs durant les 15 prochaines années, comparativement au coût de l'électricité produite par le gaz naturel. Sur le plan écologique, le bilan est tout aussi favorable avec 2,6 millions de tonnes d'émissions de CO₂ évitées sur la même période.
James Basden, cofondateur de Zenobē explique : « L'installation absorbe l'énergie des parcs éoliens quand la production est excédentaire et la restitue lorsqu'elle est nécessaire, selon la capacité du réseau. Nous pouvons ainsi maintenir les éoliennes en fonctionnement sans qu'elles soient bridées. Nous assurons également la stabilité des niveaux de tension et de fréquence ».
L'entreprise, copropriété du fonds américain KKR et d'Infracapital (branche investissement de M&G), voit grand, très grand même. Avec deux autres projets d'envergure à Kilmarnock (300 MW) et Eccles (400 MW), Zenobē prévoit d'investir près d'un milliard de livres (1,17 milliards d'euros environ) en Écosse dans les trois à quatre prochaines années.
Une excellente nouvelle pour Michael Shanks, ministre britannique de l'Énergie : « Des sites comme celui-ci nous aident à stocker notre énergie propre excédentaire pour réduire notre dépendance aux combustibles fossiles – ce qui protégera les ménages et renforcera durablement notre sécurité énergétique ».
Le cadre réglementaire du Royaume-Uni constitue toutefois un frein notable au développement de ce type de projet. En Écosse du Nord, les autorités classent les batteries comme des infrastructures de production électrique, leur imposant des taxes de raccordement majorées. Ces frais visent normalement à dissuader l'ajout de nouvelles capacités dans des zones où le réseau est déjà saturé. James Basden fustige cette incongruité : « manifestement absurde » selon lui, puisque ces installations allègent la congestion du réseau au lieu de l'accentuer.
Dans la course du Royaume-Uni à ses objectifs de 2030 qui prévoient une capacité totale de 27 GW, le chemin reste encore bien long. Fin 2024, seuls 5 gigawatts étaient disponibles, et sur les 1 659 projets de stockage actifs dans le pays, à peine 8 % sont opérationnels ou en construction. Un retard très important qui freine le pays dans sa transition énergétique ; les différents projets de Zenobē desserreront certainement un peu ce goulot d'étranglement.
Sources : The Register, The Times