Le rêve technologique du prince héritier Mohammed bin Salman se heurte à la réalité économique. Le projet pharaonique Neom pourrait engloutir plus de 8 800 milliards de dollars selon un audit interne communiqué au conseil d'administration l'été dernier.

La mégalopole Neom, dont la construction a débuté en 2017 dans le désert saoudien, était présentée comme la vitrine technologique du royaume pour l'ère post-pétrole. Après avoir fait miroiter une ville écologique intelligente capable d'accueillir des millions d'habitants, le projet fait aujourd'hui face à une situation financière catastrophique qui remet en question sa viabilité même.
Un gouffre financier sans précédent
D'après les informations révélées par le Wall Street Journal, l'Arabie Saoudite a déjà investi 50 milliards de dollars dans ce projet titanesque. Mais le plus inquiétant reste à venir : un audit interne estime que la finalisation complète de Neom nécessiterait encore 55 années de construction supplémentaires.
Le coût total prévisionnel atteindrait l'astronomique somme de 8 800 milliards de dollars, soit plus de 25 fois le budget annuel du royaume saoudien. Cette estimation vertigineuse fait de Neom l'un des projets les plus coûteux jamais entrepris par un État.
Face à ces chiffres alarmants, les autorités saoudiennes se trouvent dans une position délicate. Le pays prévoit déjà un déficit budgétaire de près de 27 milliards de dollars pour 2025, rendant l'équation financière de plus en plus complexe.
Les difficultés ne limitent pas aux aspects financiers. Le projet fait face à de nombreux obstacles techniques : pénurie de main-d'œuvre qualifiée, infrastructure insuffisante et problèmes d'approvisionnement énergétique compromettent l'avancement des travaux.
Des ambitions revues drastiquement à la baisse
Ces contraintes ont conduit à une révision majeure des objectifs démographiques. Alors que les plans initiaux prévoyaient d'accueillir 1,5 million de résidents d'ici 2030 dans la première phase, les dirigeants de Neom estiment désormais que ce chiffre ne dépassera pas 200 000 habitants.

Ce bouleversement s'est accompagné d'un changement à la tête du projet. En novembre 2024, Nadhmi al-Nasr, PDG historique de Neom depuis 2018, a quitté ses fonctions, remplacé par Ayman al-Mudaifer. Ce départ soudain, bien que non officiellement lié aux difficultés financières, intervient à un moment critique pour le mégaprojet.
Le ministre des Finances saoudien, Mohammed Al Aljaadan, tente néanmoins de rassurer les investisseurs en présentant Neom comme un « plan sur plus de 50 ans ». « Si quelqu'un pense que Neom, dans toute sa grandeur, va être construit, opérationnel et rentable en cinq ans, c'est insensé. Nous ne sommes pas insensés. Nous sommes des gens sages », a-t-il déclaré.
Cette remise en question pourrait également impacter les projets satellites, comme la centrale hydroélectrique « Nestor » qu'EDF doit construire au cœur de Neom. Signé début 2024, ce contrat prévoit une mise en service en 2029, mais le calendrier pourrait être affecté par les difficultés actuelles.
Source : Tech Crunch