Malgré son impressionnant décor, planté devant le site de lancement et sa gigantesque fusée, Elon Musk n'a pas provoqué de séisme avec de nouvelles annonces sur son Starship. Il a cependant confirmé de nombreuses rumeurs, et les équipes peuvent d'ores et déjà se préparer : elles vont encore devoir accélérer.
Il faudra bien ça pour viser la planète rouge…
The Elon Show
Les présentations du fondateur et directeur de l'ingénierie de SpaceX sont toujours un concours de superlatifs. L'entreprise est « la plus efficace au monde », ses équipes sont les meilleures, le SuperHeavy est le plus gros objet qui sera capable de voler, et un seul Starship, lorsqu'il sera capable d'arriver trois fois par semaine en orbite, enverra plus de masse en orbite que tous les objets déjà envoyés dans l'espace ces 60 dernières années.
Du moins, c'est ce qu'aimerait Elon Musk. Le titanesque assemblage de Starship et son booster, 120 mètres de haut tout illuminé, donnait une résonance particulière au discours qu'il a prononcé la nuit dernière (3 h du matin Paris) sur la Starbase au Texas. Devant lui, employés, journalistes et caméras ont profité de 40 minutes d'explications avant de pouvoir poser leurs questions.
Les choses sérieuses
Toutefois, même s'il a pris le temps de rentrer dans les détails sur quelques points particuliers, Elon Musk a concentré son propos sur les étapes déjà franchies pour Starship (les essais du vaisseau, le revêtement thermique, la tour de support du site…). Il s'est également attardé sur les objectifs de long terme du programme : des décollages plusieurs fois par semaine et même chaque jour, des atterrissages et réutilisations des gigantesques boosters SuperHeavy à intervalles de quelques heures à peine, des millions de tonnes envoyées chaque année vers l'orbite, et la nécessité de disposer d'une flotte imposante pour aller installer une cité autonome sur Mars.
Martelant sa « vision » de l'expansion humaine, le milliardaire a répété qu'il ne pensait pas que l'humanité devait dépenser beaucoup de ressources pour le domaine spatial (et plutôt se concentrer sur le challenge climatique), mais que « 0,5 %, ce n'est pas déraisonnable par rapport à ce que cela nous apportera ». Surtout, Elon Musk souhaite « motiver, instiller du rêve et des ambitions nouvelles » pour aller explorer l'espace et en comprendre les mystères, selon ses propres termes.
Point trop n'en faut
Néanmoins, de nombreuses réactions ce matin montrent que de nombreux « fans » sont déçus. En effet, le fondateur de SpaceX est resté flou, voire très élusif sur plusieurs sujets d'actualité, comme l'horizon de son prochain vol, ce qu'il compte envoyer dans l'espace à part des satellites Starlink ou tout simplement les étapes à venir de sa « cité martienne ».
Le milliardaire a bien sûr sorti quelques chiffres pour l'occasion : une production actuelle d'un moteur Raptor V2 par jour, une production espérée d'un Starship et d'un SuperHeavy par mois d'ici la deuxième moitié de l'année, l'orbite comme objectif majeur de 2022 et la technique de récupération via les bras de la tour de lancement… Mais tout cela était plus ou moins déjà connu du grand public à travers les tweets et observations des équipes qui gravitent autour de la Starbase 24 heures sur 24. Il manquait, peut-être, une annonce pour sceller un effet de surprise, un grain de folie et d'ambition, à l'image du voyage lunaire Dear Moon, présenté en 2018.
Un troupeau de Raptors
Au-delà des objectifs de lancement et même du prix final d'un décollage orbital (10 millions grand maximum si SpaceX réussit sur le plan technique, affirme Elon Musk), la présentation était axée sur l'évolution significative des moteurs Raptor qu'utilisent SuperHeavy et Starship. Ces derniers, qui fonctionnent au méthane et à l'oxygène liquide, représentent un défi technique particulier. Ils sont dits à combustion étagée, une complexité particulière, avec des pressions internes qui atteignent aujourd'hui 230 bars dans la chambre principale…
Mais, pour SpaceX, ils doivent aussi être réutilisables, simples et peu encombrants, car il faut en aligner un grand nombre sous la jupe du booster SuperHeavy (29 aujourd'hui, 33 prochainement). Et Elon Musk aimerait bien se passer des lourdes et coûteuses protections thermiques autour des moteurs qui subissent pourtant une entrée dans l'atmosphère.
Pour toutes ces raisons, l'évolution « Raptor V2 » plus puissant, plus léger, plus simple et dont les tests se poursuivent à un rythme élevé (la chambre de combustion aurait une « certaine tendance à fondre », selon Musk) représente la solution clé pour les futures opérations de Starship.
SimCity Starbase
On peut noter qu'Elon Musk a donné des perspectives pour tous les amateurs de BTP, de grues et d'installateurs au sol. En effet, il projette d'installer dès 2022 un site de production et de lancement de Starship au Centre Spatial Kennedy. Mais il a aussi l'ambition d'utiliser les plateformes pétrolières Phobos et Deimos, rachetées par SpaceX et équipées pour des tirs et récupérations au large des côtes.
Pour terminer, le « patron » s'est montré optimiste, mais n'a pas insisté sur les résultats cruciaux du rapport environnemental sur le site de lancement de sa base. La FAA américaine doit se prononcer fin février ou début mars sur la viabilité et l'impact de la Starbase sur la région, ou commander une étude approfondie. Cette dernière repousserait les décollages sur le site d'un an ou deux, et entraînerait tout simplement le transfert d'une majorité des activités en Floride… Ce qui n'a pas semblé inquiéter Elon Musk outre mesure.
C'est peut-être ce qu'il faut retenir de cette présentation, que certains auront trouvé improductive : Starship existe, et les équipes, Elon Musk en tête, sont déterminées à le faire voler, à l'emmener en orbite, sur la Lune et Mars, peu importe le calendrier qui leur sera imposé.